L’agriculture française face aux défis de demain : entre polyculture-élevage et compétitivité

Alessandra Kirsch, directrice du Think Tank Agriculture Stratégies, présente les défis et les perspectives de l'agriculture française, mettant en lumière les enjeux de la polyculture-élevage, de la compétitivité des filières et de l'autosuffisance alimentaire.

L’agriculture française traverse une période de mutations majeures. Entre la spécialisation des exploitations, la concentration des filières animales et les défis liés à l’autosuffisance alimentaire, le secteur agricole doit s’adapter pour rester compétitif tout en répondant aux attentes sociétales et environnementales. Alessandra Kirsch, directrice du Think Tank Agriculture Stratégies, partage son expertise sur ces problématiques cruciales.

Agriculture Stratégies : éclairer les décisions politiques pour l’intérêt général

Le Think Tank Agriculture Stratégies se consacre à la production d’études économiques visant à éclairer les décisions politiques dans le sens de l’intérêt général. Selon Alessandra Kirsch, "notre mission est de fournir des analyses basées sur des données fiables afin d’aider à construire des politiques agricoles durables." Ce rôle est d’autant plus essentiel dans un contexte où les défis agricoles se multiplient. 

La polyculture-élevage : un modèle idéal mais difficile à mettre en œuvre

La polyculture-élevage est souvent présentée comme un modèle agricole vertueux, car elle favorise la durabilité agronomique et environnementale. Cependant, la réalité économique pousse les exploitants à se spécialiser. "On observe une nette tendance à l’abandon de l’élevage au profit des cultures céréalières, historiquement plus rentables," explique Alessandra Kirsch. Cette évolution va à l’encontre de l’objectif d’un développement équilibré sur le territoire et soulève des inquiétudes quant à la résilience du système agricole français. Selon l'économiste, il y a n'y a pas une concentration des services liés à l'élevage, points de collecte, abattoirs, usines de transformations etc... 

Deux types d’exploitations dominent désormais le paysage agricole français. D’un côté, de petites fermes se tournent vers les circuits courts et les filières à haute valeur ajoutée. De l’autre, de grandes exploitations s’agrandissent pour maximiser les économies d’échelle et répondre aux exigences des marchés internationaux. Cette polarisation reflète une transformation profonde du secteur agricole, mais elle complique aussi la mise en place d’un modèle durable et homogène. Dans ce contexte, deux formats d'exploitation se développent principalement. D'une part, on trouve de très petites exploitations axées sur les circuits courts et les filières à haute valeur ajoutée. D'autre part, les grandes exploitations sur des filières longues s'agrandissent pour réaliser des économies d'échelle. Cette dualité crée un paysage agricole fragmenté qui complique la mise en œuvre d'une stratégie cohérente pour le développement durable.

Les défis de l'élevage français

L'élevage français fait face à de nombreux obstacles qui entravent son développement. La nécessité d'une concentration géographique pour maintenir la rentabilité des filières est cruciale. De plus, les effets du changement climatique rendent l'élevage plus difficile dans certaines zones. À cela s'ajoute la complexité administrative et la contestation locale concernant l'implantation de nouveaux bâtiments d'élevage. Ces facteurs combinés rendent le maintien d'un élevage diversifié encore plus complexe. Alessandra Kirsch souligne également l'importance de la compétitivité à tous les niveaux de la chaîne de production. "Il faut que l'agriculteur en amont de la chaîne soit compétitif, mais que toutes les étapes de transformation, toutes les étapes industrielles soient compétitives aussi," affirme-t-elle. Cette vision holistique est essentielle pour garantir que le secteur agricole puisse non seulement survivre mais prospérer dans un marché globalisé.

L'autosuffisance alimentaire en question

La France, historiquement autosuffisante, voit ses importations augmenter dans plusieurs secteurs clés. Actuellement, 25 % de la viande bovine consommée est importée et un tiers des produits laitiers proviennent de l'étranger. Alessandra Kirsch met en garde contre cette tendance inquiétante : "d'ici 2027, on produira peut-être plus assez de lait pour répondre à notre consommation. Nos importations vont exploser." Cette situation appelle à une réflexion urgente sur les capacités de production locale et sur la nécessité d'assurer une autosuffisance alimentaire durable. 

Face à ces défis complexes, Agriculture Stratégies appelle à une réflexion globale intégrant la production primaire, la transformation et la compétitivité de l'ensemble des filières. L'objectif est clair : maintenir une agriculture française forte, capable de répondre aux besoins du marché tout en préservant son autonomie alimentaire pour les générations futures