Congés maternité des agricultrices : le témoignage d’Emmanuelle, 3 enfants, 3 expériences de remplacement réussies

Série d'été : « Le remplacement agricole a 50 ans » (4/4). Agricultrice associée dans un Gaec en production laitière et viande bovine, Emmanuelle Tessier, 36 ans, a bénéficié de congés maternité sous forme de remplacement pour ses trois enfants. Ces expériences se sont toujours bien déroulées. Témoignage.

Longtemps, les agricultrices ont attendu un congé maternité digne de ce nom... Inexistant jusqu'en 1976, il est alors instauré pour seulement deux petites semaines, quand les salariées étaient déjà à 14 semaines ! Il passe à 8 semaines en 1986, quand les salariées en ont le double. Ce n'est que depuis 2008 qu'il a la même durée pour les agricultrices et les salariées, soit 16 semaines. Ce congé maternité est financé par la Mutualité sociale agricole, préférentiellement sous forme de remplacement, grâce à la signature de conventions entre les caisses de MSA et les services de remplacement. Mais dans le cas où il n'est pas possible, un régime d’indemnités journalières a été mis en place.

Arrêts de longue durée, remplacements de longue durée

Heureusement pour elle, Emmanuelle Tessier, 36 ans, agricultrice à Fercé (44), a eu ses trois enfants après 2008, et après son installation en Gaec, en 2011, en production laitière et viande bovine. « Mes trois enfants sont nés en 2013, 2017 et 2021, et dans les trois cas, j'ai été arrêtée de bonne heure, ce qui a rallongé mon besoin de remplacement. Dès que j'ai appris que j'étais arrêtée, j'ai appelé l'une des trois responsables de planning de l'Arroch, l'association de remplacement de la région de Châteaubriant. Elles m'ont toujours trouvé quelqu'un, je tiens vraiment à leur rendre hommage ! ».

Durant les arrêts « maladie » liés à la grossesse, la MSA finance un remplacement à hauteur de 6 heures par jour. Pour l'arrêt maternité proprement dit, le remplacement est financé à hauteur de 8 heures par jour, y compris les week-ends. Pour les associations de remplacement, ces remplacements sont souvent « intéressants », car ils sont prévisibles à l'avance (même si dans le cas d'Emmanuelle, l'arrêt a été anticipé), et surtout, ils durent longtemps : il est donc possible d'embaucher des personnes sur des contrats à temps plein, sur plusieurs mois.

« Les profils des remplaçants que nous avons eus étaient différents entre eux, mais on est toujours très bien tombés. Ils ne faisaient pas que la traite : ils accomplissaient toutes leurs heures, avec une grande diversité de tâches. Les trois remplaçants de longue durée se sont bien habitués à la ferme et aux deux autres associés. Notre deuxième remplaçant savait même tout faire. Avec mes associés, ils ont construit le bureau ! ».

Garder le lien avec le troupeau

Pour Emmanuelle, le congé maternité a constitué bien sûr l'occasion de prendre du repos et de s'occuper de ses enfants. Mais comme le troisième était vraiment très long (26 semaines de congé maternité pour un troisième enfant, plus 16 semaines de congé maladie avant), l'éleveuse reconnaît avoir fait, de temps en temps, « un petit tour à la ferme ». « Pas pour travailler mais pour garder le lien avec le troupeau. Je n'habite pas sur place, mais mes deux premiers enfants sont scolarisés près de la ferme... Alors, après les avoir déposés le matin, je passais jeter un œil aux vaches et aux veaux, et, éventuellement, discuter avec la remplaçante ».

« Contente de revenir à la ferme » après son congé, Emmanuelle a toutefois connu un retour « sur les chapeaux de roues », puisque peu de temps après sa reprise, l'un des associés a déclaré un lumbago et un robot de traite à deux stalles a été installé. Grâce au remplacement pour maladie, les deux associés restants, Emmanuelle et son frère, ont pu se charger de la lourde tâche d'habituer 130 vaches à un nouveau mode de traite, « un gros travail, jour et nuit ». Une remplaçante était heureusement là pour assurer les tâches courantes de la ferme, et même, se former, au passage, sur l'utilisation du robot.

Pendant son remplacement de congé maternité, Emmanuelle faisait de temps en temps un « petit tour sur la ferme », pour garder le lien avec le troupeau. Depuis l'installation du robot de traite, il y a 6 mois, elle estime même que ce lien s'est renforcé. photo Catherine Perrot

Et les papas ?

Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant des agriculteurs est aussi aligné sur celui des autres catégories sociales, soit 25 jours (ou 32 jours en cas de naissances multiples) depuis le 1er juillet 2021. Comme le congé maternité, il fait l'objet de conventions entre les caisses de MSA et les associations de remplacement, pour être financé préférentiellement sous forme de remplacement.

Sur les 25 jours de congés, le jeune papa doit prendre 7 jours immédiatement après la naissance de l’enfant. Mais les autres jours peuvent être fractionnés en deux périodes d'au moins 5 jours, à prendre dans les 6 mois suivant la naissance de l'enfant.

Pour les associations de remplacement, cette organisation fractionnable du congé paternité constitue souvent un casse-tête. Contrairement à ceux pris juste après la naissance, ces jours de congés paternité se sont pas toujours prévus longtemps à l'avance, et ils doivent être réalisés dans les 6 mois. Au vu de la pénurie de salariés de remplacement, les associations revendiquent un peu plus de souplesse auprès de la MSA pour réaliser ces remplacements obligatoires.

 

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