Cornichons : la production française décuplée en six ans

En 6 ans d’existence, la nouvelle filière du cornichon français a fédéré une vingtaine de producteurs autour de l’entreprise Reitzel. Pour atteindre un niveau de développement supérieur, il reste à débloquer des verrous techniques et notamment la pénibilité de la récolte.

L’initiative de l’entreprise Suisse Reitzel pour ressusciter la filière du cornichon français semble en bonne voie. Alors que cette production avait disparu des parcelles françaises dans le courant des années 1990, victime de la concurrence de l’Europe de l’Est et de l’Inde, elle retrouve ses lettres de noblesses depuis cinq ans. « En 2016, nous avons recréé un peu de production de cornichon avec deux exploitants et 50 tonnes de récolte. En 2021 nous en sommes à plus de 20 producteurs pour 500 tonnes de récolte, dont une partie en agriculture biologique », se félicite Léopoldine Mathieu, responsable filière et développement durable chez Reitzel. Elle s’exprimait le 15 mars lors d’une conférence sur la diversification au Sival à Angers.

Ces cornichons sont ensuite conditionnés dans les deux usines Sarthoise et du Loir-et-Cher de l’entreprise, avant d’être commercialisés sous les marques Jardin D’orante et Bravo Hugo en grandes surfaces, ainsi qu’Hugo Reitzel en RHF. « Nous faisons aussi des marques de distributeurs, ce qui nous a permis de négocier des places en rayon », précise Léopoldine Mathieu.

Le cornichon français refait sa place en grandes surfaces (photo : T. Dhelin)

Contractualisation sur 5 ans

Cette réussite, Reitzel l’attribue à l’engagement fort que l’entreprise prend avec les producteurs. « Nous contractualisons avec les exploitants sur cinq ans et les prix sont revus chaque année. Ils prennent en compte à minima l’augmentation du Smic », indique la responsable filière. L’entreprise propose également une assurance récolte sur les trois premières années de culture.

Si la révision du prix se fait principalement à partir du Smic, cela est lié à l’importance de la main d’œuvre pour la culture du cornichon. Il faut compter environ 15 personnes par hectare. La récolte n’est pas mécanisée. Pour être en adéquation avec une demande française très axée sur les petits formats, contrairement aux autres pays européens, il faut passer très régulièrement dans la parcelle. « Or un plan de cornichon pousse en continu pendant deux mois », illustre Léopoldine Mathieu. L’un des enjeux de la filière est de trouver des producteurs qui produisent de l’asperge ou de la fraise, dont le besoin en main d’œuvre est complémentaire en terme de période avec la récolte du cornichon.

Afin de faciliter la tâche aux producteurs, Reitzel a décidé de ne pas commercialiser les formats « mini » et « extra-fin » dont la récolte nécessite des passages encore plus réguliers dans la parcelle. À l’inverse, l’entreprise achètent aussi aux producteurs les grands formats, moins demandés. Léopoldine Mathieu plaide pour une sensibilisation du consommateur français concernant ces critères de taille de cornichon.

La demande française de cornichons est très axée sur les petits formats, contrairement aux autres pays européens (photo : T. Dhelin).

Trouver l’équilibre économique

Pour réduire la pénibilité de la récolte, plusieurs pistes sont étudiées. Il pourrait s’agir d’une machine qui soulèverait les plans afin de faciliter la tâche du cueilleur ou de palisser les pieds de cornichon. « Mais il n’y a pas forcément la main d’œuvre disponible en mars/avril pour le palissage », explique la responsable filière du transformateur suisse. Une autre option serait de sélectionner des plants, via la recherche variétale, dont la floraison serait concentrée sur une période courte. Les variétés utilisées actuellement sont les mêmes depuis plusieurs dizaines d’années.

Au-delà de la pénibilité de la récolte, la culture du cornichon se confronte à deux obstacles importants. Le premier est la sensibilité au mildiou qui peut causer des ravages. Le second concerne la courte durée de conservation de la production. Il faut une logistique réactive pour livrer rapidement la production à l’usine après la récolte. C’est pourquoi Reitzel ne contractualise qu’avec des producteurs à proximité de ses sites de productions.

En terme de matière première, un kilogramme de cornichon français coûte 10 à 15 fois plus cher à Reitzel qu’un kilogramme de cornichon indien. Pour autant, l’industriel ne peut pas se permettre de répercuter cette différence sur le prix des pots en rayon. « Le prix du bocal est fixé entre 4 et 5 euros, environ 1 euro plus cher qu’un cornichon étranger », précise Léopoldine Mathieu. Pour réduire ses coûts, l’entreprise importe également du cornichon étranger pour ses usines françaises. « Cela permet de faire tourner les lignes toute l’année », justifie-t-elle.