Dans le bocage vendéen, Flavien a trouvé sa place

A 28 ans, Flavien s'est installé depuis un an sur une exploitation en production de viande bovine. Issu du milieu, titulaire d'un BTS, doté d'une solide expérience de salariat agricole, il fait preuve de beaucoup de détermination pour ne jamais se faire imposer des choix qui ne seraient pas les siens. Il est aussi engagé syndicalement pour la défense du métier et du territoire au sein duquel il a trouvé sa place.

Fils d'agriculteurs vendéens, inséré dans le milieu, projetant depuis toujours  de faire ce métier et de s'installer sur le Gaec familial, Flavien Martineau aurait pu avoir un parcours facile jusqu'à l'installation agricole. Mais il n'en a rien été. Preuve, si besoin était, qu'aujourd'hui, on ne devient jamais agriculteur par hasard ou par facilité.

En 2014, alors qu'il a 20 ans et termine son BTS ACSE (Analyse et conduite des systèmes d'exploitation), Flavien est rappelé en urgence sur le Gaec familial. Suite à une mésentente entre associés, la ferme, qui compte trois productions (lait, viande et lapins), est au bord de l'explosion. Embauché comme salarié, Flavien accompagne son père vers la cessation de l'entreprise et la reconversion professionnelle.

Expériences de salariat et de connaissance de soi

Échaudé par la mésaventure, Flavien ne souhaite plus vraiment s'installer. Pendant les années qui suivent, il est salarié dans des exploitations, en Loire-Atlantique, Maine et Loire et Vendée, et au sein du Service de remplacement vendéen. Il multiplie les expériences, les productions : « Je crois que je les ai toutes faites, sauf le porc ». Dans les postes où il se sent bien, il reste un an, voire plus. Mais dès que pointent des conflits ou des mésententes, il préfère partir : les compromis ne sont pas son truc... « Durant ces années, j'ai appris sur moi-même : désormais, je connais mes points forts et mes points faibles ».

Depuis trois ans, Flavien est président des Jeunes Agriculteurs de son canton. « JA, c'est un peu ma seconde famille »
Depuis trois ans, Flavien est président des Jeunes Agriculteurs de son canton. « JA, c'est un peu ma seconde famille »

Au bout de quelque temps, l'envie de construire un projet et de « ne plus rendre de comptes » revient. Flavien sait désormais qu'il souhaite travailler seul : il lui faut donc une production et un système adaptés : «J'ai beaucoup d'expérience en production laitière, mais je savais que ce ne serait pas possible, même avec des robots. Et puis les charolais de mes parents me manquaient ! ».

Flavien trouve en 2019 l'exploitation qui lui convient, à Saint-Martin des Tilleuls, en plein bocage vendéen : 160 hectares, en deux îlots groupés, avec un troupeau de 125 charolaises, qu'il va d'ailleurs redescendre à une centaine, « pour que cela reste gérable seul et dans l'objectif de maximiser mon autonomie alimentaire ».

Porter et défendre son projet

Là encore, la procédure d'installation ne se fait pas très facilement : Flavien retravaille plusieurs fois son projet pour qu'il « passe économiquement ». Et il n'hésite pas à frapper à plusieurs portes, voire à hausser le ton, pour faire reconnaître sa viabilité et sa validité. « Mon projet d'installation, j'ai énormément travaillé dessus, j'ai étudié les grilles de prix, je connais tous mes chiffres. Lorsque l'on veut s'installer, il faut vraiment savoir de quoi l'on parle. Parfois, le plus difficile dans une installation, c'est que les conseillers comprennent bien ton projet ».

: Fondu de génétique, Flavien a été longtemps salarié en production laitière mais il a été rattrapé par le charolais
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Parmi les changements opérés pour plus de rentabilité : une conversion en bio, à laquelle il n'avait pas forcément songé au début. « Dans une exploitation herbagère comme je projetais de le faire, cela ne change rien à la conduite. Mais les 80 centimes de plus au kilo de viande sont importants ». En revanche, pour Flavien, pas question de se lancer dans de la vente directe, activité qui a certes la cote en ce moment et vers laquelle certains voulaient le pousser : « La vente directe, on ne peut pas tous y aller, il n'y aura pas de marché pour tout le monde. Pour moi, c'est trop gourmand en temps ».

Un engagement syndical bien ancré

C'est en janvier 2021 que Flavien devient officiellement agriculteur : cela fait donc tout juste un an que le jeune homme s'approprie ses terres, son troupeau, ses bâtiments. Il y passe beaucoup de temps, mais ne se coupe pas non plus de ce qui constitue un autre aspect important de son métier : l'engagement syndical, en l'occurrence, chez les Jeunes Agriculteurs de Vendée. Flavien est président du syndicat cantonal, qui regroupe une trentaine d'adhérents, vice-président des Jeunes Agriculteurs de Vendée, et membre du CA des Jeunes Agriculteurs des Pays de la Loire.

"J'ai été piqué par les manifs dans les centres commerciaux"

« La politique, c'est important. Mes parents étaient bien engagés dans la défense du métier et, depuis tout petit, j'ai été « piqué » par les manifs dans les centres commerciaux ». Dans son engagement actuel, qu'il veut « raisonnable », pour ne pas se retrouver débordé, moins de manifs, mais plus de discussions avec les collectivités locales.

L'un des chevaux de bataille de Flavien, c'est l'entretien du foncier. « On a l'impression que les collectivités locales, aujourd'hui, ne veulent qu'installer des maraîchers ou des horticulteurs, dans le but de promouvoir des circuits courts. Mais dans le bocage, sur les terres qu'on a, c'est difficile de faire autre chose que de l'élevage. Ici, ce sont nous, éleveurs, qui entretenons le paysage ».

"Sans vaches ici, il n'y a rien de beau"

Flavien est en effet un amoureux fou du terroir où il a trouvé sa place : « Moi, je voyage en restant ici : chaque matin, c'est jamais le même décor ». C'est pourquoi, en ce mois de janvier 2022, alors que le travail de la ferme ralentit, ce n'est pas sur une plage que Flavien envisage de se reposer, mais dans sa stabulation : « Les prochains jours, je vais prendre une chaise, et aller m’asseoir avec mes vaches. Je les laisserai venir à moi. Je veux les apprivoiser. Je veux qu'elles me suivent comme des petits chiens ».