De l'azote à 800 € la tonne, du GNR à plus de 1.25 € le litre : quel est l’impact de l’inflation sur les exploitations de grandes cultures françaises ?

Nous présentons ci-dessous les conséquences pour une exploitation de grandes cultures sur leur seuil de commercialisation et le financement de leur activité pour la campagne 2022/2023, avec l'interview de Vincent, agriculteur.

Quel est l’impact de l’inflation sur les exploitations de grandes cultures ?

La hausse des coûts observée sur les exploitations agricoles initiée début 2021, s’amplifie par suite des conséquences du conflit en Ukraine. Cette hausse concerne l’ensemble des exploitations agricoles quel que soit leur secteur d’activité car elle concerne l’énergie, les approvisionnements et leurs frais de fonctionnements.

A quel prix faut-il vendre du blé de la récolte 2023 pour couvrir les coûts ?

Les prix des engrais sont essentiellement à l’origine de la hausse du seuil de commercialisation constatée entre 2021 et 2022. Selon les données des différents cabinets comptables accompagnant les agriculteurs, celui s’établit en moyenne autour de 165 € la tonne de blé produite en 2021. Selon la date à laquelle les engrais ont été acheté en 2021 pour la saison 2022, le seuil de commercialisation s’établirait entre 190 et 210 € la tonne pour l’année 2022.

Pour 2023, l’inflation se poursuit sur le poste des engrais puisque la solution azotée 390 (qui sera utilisée pour la récolte 2023) s’achète en ce moment autour de 800 € la tonne contre une fourchette de 200 € à 650 € la tonne pour la récolte 2022 et moins de200 € la tonne pour la récolte 20221. Ainsi le prix de l’unité azote a augmenté de 400 % en l’espace de 18 mois.

Mais l’inflation concerne également les autres approvisionnements (GNR, Semences, produits de protection des plantes, pièces détachées), les frais de fonctionnement et les prélèvements obligatoires qui seront appelés sur les revenus 2021 et 2022.

En retenant les hypothèses présentées dans le graphique ci-contre, le seuil de commercialisation se situerait autour des 250 € pour la récolte 2023. Il progresse donc de près de 50 % entre la récolte 2021 et 2023 :  donc concrètement il faut vendre du blé de la récolte 2023 au minimum à 250 € la tonne pour couvrir l’intégralité des dépenses de l’exploitation et rémunérer le travail de l’exploitant.

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Quels sont les besoins de financement supplémentaires ?

Le hausse de 50 % du seuil de commercialisation représente une dépense supplémentaire de 640 € pour une exploitation qui produit 7.5 tonnes de blé à ha. Ces dépenses devront être financées au cours de la campagne 2022/2023, voire dès ce printemps pour ceux qui ont déjà achetés de l’engrais pour 2023. Ce besoin de financement supplémentaire représente une somme d’environ 100 000 € pour une exploitation produisant 150 ha de grandes cultures. Comment les financer ?

La récolte 2022 n’est pas encore réalisée mais les cours des céréales (s’ils se maintiennent à ce niveau tout au long de l’année ; une baisse peut intervenir aussi brutalement que la hausse que nous avons observée cet hiver) permettent d’entrevoir un résultat positif de la récolte 2022. La sagesse et le bon sens indiquent que ce résultat devra être utilisé pour financer l’augmentation de besoin en fonds de roulement présentées ci-dessus. Toutefois cela ne pourrait pas suffire. Aussi il convient dès à présent de faire le point sur vos besoins de trésorerie de la campagne 2022/2023 et de rencontrer votre banquier.

Dans ce contexte, ANTICIPER est l’une des actions pour piloter votre activité pour vous permette d’atteindre vos objectifs.

En direct de nos régions : Vincent agriculteur dans l’Yonne (7 t de potentiel de blé)

Sylvain (Piloter Sa Ferme) : "Vincent : comment vivez-vous ce qui se passe actuellement ?"

Vincent : (SCEA es Scies à Mélisey) : "Tout le monde parle de la hausse du prix du blé mais peu de personnes parlent de la hausse des couts de production. Cela fait 15 ans que j’ai mis en place des indicateurs de rentabilité et de suivi des couts sur mon exploitation. Dans nos sols argilocalcaires superficiels, obtenir du revenu passe par la maitrise des couts car nos rendements sont très dépendants de la pluviométrie du printemps. Sur les conseils de Piloter Sa Ferme, j’ai bien acheté les engrais utilisés pour la récolte 2022. Ainsi mon cout de production n’a presque pas augmenté entre la récolte 2021 et 2022. Il se situe autour des 165 € la tonne. Pour 2023, la hausse cumulée de l’ensemble des postes de charge porte mon cout de production à plus de 240 € la tonne. On n’est pas certain de pouvoir vendre du blé de la récolte 2023 en moyenne à plus de 240 € la tonne. Cette situation m’inquiète car nous devons dépenser plus d’argent en 2022/2023 sans avoir la certitude d’obtenir un résultat. La prise de risque est plus importante quand on dépense 240 € la tonne que quand on dépense 160 € de la tonne. Cette situation est inédite. Entre 2007 et 2012 la hausse n’était pas aussi importante."

Sylvain : "Quelles actions mettez-vous en place ?"

Vincent : "Pour produire et espérer obtenir du revenu, il faut avoir notamment de l’eau (cela dépend de la météo) et de l’azote. Pour pouvoir travailler, il faut du GNR, et de l’AdBlueJ’ai donc pris la décision d’acheter des approvisionnements dès maintenant pour pouvoir travailler en 2022/2023. A titre d’exemple : L’AdBlue je l’ai acheté autour des 500 € début mars. Aujourd’hui il en vaut presque 3 fois plus et certains fournisseurs sont en rupture. C’est de la folie !"

Sylvain : "et votre trésorerie ? "

Vincent : "Il pleut en ce moment et c’est une bonne nouvelle. J’en profite pour mettre à jour mes tableaux de bord et faire le point sur mes besoins de trésorerie jusqu’en juin 2023 »

 

Sylvain JESSIONESSE, co-fondateur de Piloter Sa Ferme