Élevage : changer de pratiques pour reconquérir le cœur des consommateurs

Pour réconcilier éleveurs et consommateurs, des évolutions sur les pratiques d’élevages sont inévitables. A l’image des éleveurs de la Cooperl sur la castration à vif, beaucoup d’exploitants n’ont pas attendu la réglementation pour agir.

« Pourquoi et comment recréer un climat favorable à l’élevage ? » C’est à cette question qu’ont essayé de répondre les participants à une table ronde le 2 décembre à Nantes lors des assises de l’agriculture, organisée par Ouest-France. Sur le pourquoi, les intervenants, qu’ils soient éleveurs ou dirigeants d’ONG, convergent rapidement sur cette affirmation : l’élevage est indispensable à la société. « Les discours trop simplistes occultent le fait que l’élevage produit la matière organique qui nourrit le sol pour faire pousser la matière végétale », amorce d’emblée Émilie Jeannin, éleveuse allaitante en Côte d’Or et à l’initiative du premier abattoir mobile en France.

Matthieu Mauny, ancien consultant parisien revenu s’installer sur la ferme laitière familiale à Iffendic en Bretagne, évoque le rôle de l’élevage dans l’amélioration paysagère, mais aussi le maintien de la cohésion sociale des territoires. « Chez nous, les voisins avaient peur que la ferme parte à l’agrandissement. Les éleveurs ont un vrai rôle de proximité et de lien avec le voisinage ». Représentant des productions plus intensives, Thony Cesbron, éleveur de porc à St Lézin et administrateur de la Cooperl, parle de sa responsabilité sociétale via ses pratiques d’élevage sur les enjeux de santé et environnementaux que sont l’usage des antibiotiques et le réchauffement climatique.

Ne pas mettre toutes les ONG dans le même sac

S’il n’est pas étonnant que des éleveurs soulignent le rôle primordial de leur métier, un témoignage plus surprenant est venu de Ghislain Zuccolo, directeur général de l'association de protection animale Welfarm. « Maintenir l’élevage français a du sens. En effet si nous devions importer plus de protéines animales, en tant qu’ONG, nous aurions moins de contrôle sur les conditions d’élevage d’un poulet qui vient du Brésil par exemple », analyse-t-il.

Alors que le « pourquoi » d’un climat favorable à l’élevage fait l’unanimité, le « comment » entraîne des réponses plus diverses. Un point commun ressort tout de même de l’ensemble des intervenants : la nécessité de faire évoluer les pratiques d’élevage pour être plus en adéquation avec les attentes sociétales sur le bien-être animal.

Des nouvelles vocations et des nouvelles idées

Pour Maxime Mauny, il est nécessaire de repenser l’idée même de l’élevage. « Il faut repasser d’un système où l’animal est considéré comme une rente, à un modèle où il reprendrait une dimension esthétique et sensorielle », propose l’ancien consultant parisien. Pour cela, il invite à repenser la transmission d’exploitation différemment. L’éleveur breton propose d’aller chercher d’autres profils qui ne soient ni des fils ou filles d’exploitants, ni des jeunes du voisinage. « Il va falloir trouver des candidats qui vont bousculer les codes », plaide-il. De manière très concrète, pour susciter des vocations, il estime que la partie pratique des cours de SVT en cursus collège/lycée pourrait être réalisée dans des exploitations agricoles.

Une approche qu’approuve Ghislain Zuccolo. « Repenser l’élevage avec de nouveaux acteurs, je pense que c’est une bonne idée car nous sommes confrontés parfois à une vision un peu conservatrice. Nous avons du mal à amener le monde l’élevage à imaginer des méthodes qui soient en rupture avec l’existant », constate-t-il.

L’approche RSE

L’évolution des pratiques d’élevage pour répondre à des enjeux de bien-être animal, Thony Cesbron connaît bien. Cela fait 10 ans qu’il a arrêté la castration des porcelets, dans le sillage de la Cooperl qui a lancé l’élevage de mâle entier. Coopérative et éleveurs avaient alors une décennie d’avance sur la réglementation qui va prochainement entrer en vigueur.

Cette avancée, l’éleveur rappelle qu’elle a été possible grâce aux moyens qui ont été mis sur la table depuis 2008. « Nous avons 70 personnes en R&D, dont 4 uniquement sur les aspects de bien-être animal », rappelle-t-il. Le breton invite à considérer le bien-être animal comme une approche globale de la démarche RSE des exploitations agricoles et plus qu’un tiroir indépendant. Très concrètement, il cite l’arrêt de la castration à vif. « Sans incision, j’utilise moins d’antibiotiques. Et comme les mâles entiers mangent moins et défèquent moins, cela représente moins d’aliment, moins d’excrément et donc moins d’impact carbone », énumère l’agriculteur.

Si l’ambiance est bienveillante avec le directeur de Welfarm, il reste des points de friction entre les deux hommes, notamment l’accès au plein air pour les porcs. « En tant qu’éleveur, nous nous devons de gérer l’aspect sanitaire de l’environnent des animaux », explique le producteur, soulignant le rôle de l’aération maitrisée du bâtiment dans cet objectif. Si Ghislain Zuccolo comprend qu’il n’est pas toujours possible de faire sortir les animaux en plein air, il plaide néanmoins pour l’installation de courettes qui leur permettraient de changer d’environnement lorsqu’ils le souhaitent. « Avec [la coopérative] Eureden, nous travaillons à l’aménagement de jardin d’hiver pour les dindes », illustre-t-il.