Plan loup : le Sénat fait 15 propositions pour mieux prendre en compte la "désespérance du monde pastoral"

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable propose 15 modifications du plan loup pour faire face à la "désespérance du monde pastoral".

Le plan loup 2018-2023 publié en février "comporte des avancées indéniables pour les territoires mais demeure très en deçà des enjeux sociaux, économiques, culturels et psychologiques auxquels sont confrontés les éleveurs et les populations", estime la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, dans un rapport adopté mardi et diffusé mercredi. La Commission souhaite la mise en place d'une politique du loup qui "défende un pastoralisme au service de la biodiversité." D'après le communiqué ce nouveau plan loup n'est qu'une réponse partielle à "un malaise grandissant" en matière de gestion de la population. "La situation n'est plus tenable, ni pour les éleveurs, ni pour les populations, ni pour les finances publiques. C'est un cercle vicieux de souffrances, de dépenses et d'incompréhensions", a commenté l'auteur du rapport Cyril Pellevat (LR, Haute-Savoie), cité dans un communiqué.

Mettant en avant la "désespérance du monde pastoral" confronté à 12.000 brebis tuées en 2017, un chiffre en augmentation de 60% depuis 2013, les sénateurs réclament en particulier la suppression d'une des mesures les plus contestées du plan, qui conditionne les indemnisations des éleveurs à la mise en place préalable de mesures de protection des troupeaux. Le communiqué revient également sur la dépense publique consacrée à la prédation du loup, passée de 4 millions d'euros en 2006 à 26 millions d'euros en 2017, "des chiffres éloquent." La Commission rappelle que les éleveurs "ont développé une activité qui garantit la conservation et le développement d'écosystèmes précieux. Paradoxalement, le pâturage extensif des troupeaux a permis de retrouver un excellent état de biodiversité, favorisant le retour du loup. Malgré cet apport très positif, les éleveurs se sentent abandonnés face aux loups."

Viabilité de l'espèce

La commission plaide également pour des "mesures alternatives" (piégeage non mutilant, fusil à gros sel...) aux tirs de prélèvement afin de "réapprendre aux loups à se méfier et à se tenir à l'écart des hommes" et à une gestion européenne des populations de loups. Elle appelle enfin à ce que les loups tués dans certaines zones de protection renforcée ne soient pas comptés dans les quotas de prélèvements. Le nouveau plan loup, qui n'a réussi à satisfaire ni les éleveurs ni les défenseurs de l'environnement, prévoit un plafond d'abattage annuel fondé sur les recommandations scientifiques qui estiment qu'il ne faut pas abattre plus de 10 à 12% de l'effectif pour assurer la viabilité de l'espèce.  

En 2018, année de transition, le plafond initial est fixé à 40 loups, mais ce nombre sera actualisé fin avril une fois connus les chiffres précis de la population au printemps, a précisé mardi devant cette même commission le préfet coordinateur du plan, Stéphane Bouillon. Espèce protégée, le loup, qui avait disparu du pays dans les années 1930, est revenu par l'Italie à partir de 1992. La France compte environ 360 loups (répartis en 52 meutes) et le plan du gouvernement vise une population de 500 spécimens d'ici 2023.

Pour en savoir plus : Pastoralisme : « c'est au loup de s'adapter et pas l'inverse »

Retrouvez notre dossier complet :  Que contient le Plan loup 2018-2023 ?

Retrouvez le débat de Pleinchamp au SIA : loup et pastoralisme : incompatible ?

 

Les 15 propositions du rapport de la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : 

1. Renforcer la fiabilité des données sur le nombre de loups, de meutes et leur répartition géographique en consolidant l'ensemble des informations au sein d'un document trimestriel du groupe national loup.

2. améliorer la transmission de l'information de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage et des services de l'État aux élus locaux.

3. identifier les zones de présence et de répartition naturelle des loups et endiguer la progression du front de colonisation, en prévoyant une évolution du dispositif des zones de protection renforcée.

4. reconnaître aux éleveurs un droit de légitime défense pour protéger leurs troupeaux en situation d'attaque.

5. refondre le système d'indemnisation des éleveurs à un niveau législatif pour assurer la rapidité des paiements et la juste reconnaissance des préjudices subis et prévoir l'indemnisation des chiens de protection.

6.revoir la gouvernance du plan loup.

7. envoyer un signal politique fort sur le soutien au pastoralisme, en inscrivant de nouveaux principes au sein du code de l'environnement et en créant de nouveaux outils de valorisation des espaces pastoraux.

8. renforcer la prise en compte des souffrances des animaux de troupeaux dans le code de l'environnement.

9. s'appuyer sur des éléments scientifiques pour définir juridiquement ce qu'est un loup.

10. revenir sur la conditionnalité des indemnisations à la mise en place de mesures de protection et reconnaître clairement la notion de troupeau non protégeable.

11.revoir l'utilisation des chiens de protection, améliorer la formation et l'information de toutes les parties en contact avec eux, et prévoir les pouvoirs de chaque autorité (maire, représentant de l'État) pour les problèmes de sécurité publique afférents.

12.réinvestir le terrain aux côtés des éleveurs pour observer les comportements des loups et définir ce qu'est un « état favorable de conservation » du loup.

13. développer les mesures alternatives aux tirs de prélèvement pour réapprendre aux loups à se méfier et à se tenir à l'écart des hommes.

14. soutenir le Gouvernement dans une démarche visant à adapter le cadre juridique international et européen de gestion des loups.

15. améliorer la gestion intra-européenne des populations de loup, avec un pilotage politique pour anticiper les mouvements de population et connaître avec précision l'état de conservation du loup