Installation en Aveyron (2/3) : Une voie lactée et (presque) toute tracée

Ophélie Aubignac a rejoint le Gaec familial produisant du lait pour l’AOP Roquefort. La construction d’une bergerie et les incertitudes sur la quote-part de lait valorisé en AOP laissent poindre quelques nuages sur une voie lactée presque toute tracée.

Quoi de plus sécurisant que de rejoindre un Gaec familial, issu de plusieurs générations d’éleveurs qui, à force de travail, n’ont plus grand chose à prouver au plan technico-économique sur une exploitation entièrement vouée à produire du lait de brebis destiné à une AOP fromagère on ne peut plus empreinte de notabilité, de respectabilité et de valeur ajoutée ? On connait des installations un peu plus « rock and roll » que Roquefort. Sauf que. « L’histoire n’est pas tout à fait celle-là, corrige Ophélie Aubignac, qui a rejoint le Gaec des Aldiguies en 2017, aux côtés de ses parents et de son frère, intégré en 2011. Mon arrivée sur l’exploitation était conditionnée à la construction d’une nouvelle bergerie. C’était un gros risque, la banque était frileuse. Il a fallu démontrer par « a+b » que l’on arriverait à s’en sortir ».

Ophélie et son frère Charly sont associés avec leurs parents au sein du Gaec des Aldiguies
Ophélie et son frère Charly sont associés avec leurs parents au sein du Gaec des Aldiguies

Une voie lactée et tracée pas si tranquille

Les années qui ont suivi ont démontré la capacité du Gaec à tenir ses engagements et à honorer ses traites, même si le défi reste quotidien. Il faut aussi préciser que l’année 2017 correspondait à l’aboutissement d’une réforme de la filière Roquefort, intronisant un système de péréquation destiné à compenser le différentiel de valorisation entre le lait transformé en Roquefort, à la production orientée à la baisse, et le lait destiné aux produits de diversification, moins rémunérateurs. « Nous ne sommes pas à l’abri d’une évolution du ratio entre les deux catégories de lait », explique la jeune agricultrice.

Au sein du Gaec, la réforme avait également une petite révolution au niveau du système de production. A sa demande, l’exploitation a en effet abandonné la conduite du double agnelage précoce et tarif, au profit d’un seul, en l’occurrence le tardif, concentrant les agnelages autour du mois de février. « Ce n’était pas possible avant la réforme, explique Ophélie. Nous avons opté pour le tardif qui au plan financier était équivalent mais qui nous ménageait la possibilité de prendre une ou deux semaines de congés en été ». Entre-temps, Ophélie est aussi devenue maman.

« Une fille dans l’agriculture, y a pas grand monde qui prend »

L’arrivée d’Ophélie dans le Gaec n’aurait pas été possible sans l’agrandissement de l’exploitation, indispensable pour pouvoir rémunérer les quatre associés, à production quasiment constante, petit quota JA mis à part. L’extension a permis au passage de sécuriser l’approvisionnement fourrager, de renforcer l’autonomie et de réduire ainsi les achats de fourrages extérieurs, confortant le respect du cahier des charges de l’appellation.

Sauf aléa majeur, le Gaec devrait cheminer ainsi, au moins jusqu’au départ à la retraite des parents dans les cinq à dix ans prochains, ce qui laisse un peu le temps de voir venir. Conjoint(s), salarié, associé, ex-stagiaire ? « Toutes les options sont sur la table », affirment Ophélie et son frère Charly. Ophélie regrette que les écoles orientent systématiquement les collégiens vers des filières générales, asséchant à la source le vivier de potentiels candidats au(x) métier(s). Elle jette aussi une pierre dans le jardin de l’agriculture. « Une fille dans l’agriculture, y a pas grand monde qui prend », dit-elle, évoquant une expérience personnelle malheureuse en tant que stagiaire, et qui lui a coûté son BTS. Mais ni sa foi si son projet d'installation.