Pourquoi les jeunes agriculteurs quittent-ils le métier ?

Il arrive que des jeunes agriculteurs arrêtent le métier, certains moins de cinq ans après leur installation. Est-ce uniquement un problème de rentabilité avec le contexte difficile ? Bien au contraire, l’étude Agrinovo identifie une typologie et des besoins différents selon les profils.

Le chiffre fait l’effet d’un coup de tonnerre : « Plus de 30 % des dossiers de la cellule “Réagir” pour les agriculteurs en difficulté concernent des jeunes installés », expose Romain Fontaine, de Chambre d’agriculture France, lors de la conférence de restitution des résultats de l’étude Agrinovo à Angers le 20 mars.

Le responsable du service Hommes et Entreprises recense trois critères pour qu’une installation soit réussie : la compétence technique et de gestion d’entreprise, la ressource financière et l’ancrage dans les réseaux agricoles – voire territoriaux.

Autrement dit, si un jeune agriculteur ne passe pas le cap des cinq ans, il lui manque probablement l’un de ces éléments. Ce que confirme l’étude Agrinovo, réalisée par l’École supérieure des agricultures (Esa) dans le cadre de la chaire Mutations agricoles.

L’étude distingue cinq profils : les classes populaires rurales, les reconvertis des classes moyennes, ceux des classes supérieures, les héritiers bien préparés et les héritiers sans vocation.

Les néoruraux, particulièrement fragiles

Or les agriculteurs du type « reconvertis des classes moyennes » disparaissent davantage que les autres profils entre les deux années enquêtées. « Les personnes de ce profil n’ont ni les ressources financières pour les appuyer en cas de difficultés, ni l’ancrage social agricole », développe Bertille Thareau, titulaire de la chaire.

En plus de coups de pouce économiques de la part des organisations, le milieu a donc intérêt à ce que les agriculteurs aillent à la rencontre des jeunes installés ayant ce profil, pour les intégrer via des groupes de développement, Cuma, syndicats etc. « Il faut aussi les accompagner techniquement », ajoute Romain Fontaine.

L’aspect économique est le principal point de vigilance d’un profil devenu – en toute discrétion – l’un des plus répandus : les « classes populaires rurales ». Ces personnes du milieu rural, enfants d’ouvriers ou d’employés, suivent une formation agricole et bénéficient d’une expérience salariale dans le secteur. Elles ont donc à la fois l’ancrage territorial, le réseau social et les compétences - mais peu de ressources financières.

Pas d’installation dès le diplôme


Quant aux traditionnels enfants d’agriculteurs qui reprennent la ferme familiale, l’étude les qualifie « d’héritiers bien préparés ». Immergés dans le milieu dès l’enfance, ils suivent une formation agricole, qui leur permet au passage de construire leur réseau, aident sur l’exploitation familiale, découvrent d’autres systèmes au travers de stage ou du salariat… L’agronomie et la zootechnie, ils connaissent.

Néanmoins, ils s’installent bien plus tôt que les autres profils : la moitié d’entre eux franchissent le cap avant 25 ans. Or « la compétence gestion d’entreprise agricole s’acquière avec l’expérience », souligne Romain Fontaine. « Travailler avant de s’installer est gage de maintien dans le temps ». Alors, même si le renouvellement des générations est une urgence, mieux vaut ne pas encourager la précipitation !