L’Etat au secours de la filière lavande

Le ministère de l’Agriculture alloue une aide de 9 millions d’euros aux producteurs spécialisés, destinée à prendre en charge une partie de la baisse d’EBE 2022 de l’atelier lavandicole, plafonnée à 20.000 euros par exploitation ou 40.000 euros par Gaec.

Le plan de sauvegarde de la filière lavandicole était dans les tuyaux depuis plus d’un an mais l’option initiale consistant à subventionner l’arrachage avait dû être abandonnée car assimilée par Bruxelles à une mesure de régulation du marché, honnie par la Commission européenne. Au final, c’est une aide conjoncturelle de trésorerie que le ministère de l’Agriculture a imaginée, pour la plus grande satisfaction des professionnels. « Le mécanisme est très bien pensé parce que la situation économique des producteurs s’est encore dégradée depuis un an et parce que les critères d’éligibilité vont permettre de cibler les zones traditionnelles et les producteurs historiques », réagit Alain Aubanel, président du syndicat de producteurs PPAM de France et du Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (CIHEF).

Un dispositif d’indemnisation ciblé

Depuis quelques années, la filière lavandicole est confrontée à un phénomène de surproduction, sous l’effet d’une croissance des surfaces et d’un essoufflement de la demande engendré par la conjoncture internationale (Covid-19, guerre en Ukraine). Les producteurs français peinent à rivaliser avec leurs homologues bulgares et espagnols. En France, depuis 2016, les superficies de lavandin et de lavande ont progressé de 49%, pour s’établir respectivement à 24.000 ha et 8.000 ha, attirant des céréaliers, des arboriculteurs ou encore des viticulteurs en quête de diversification, quand les producteurs historiques n’ont guère d’alternative sur des terres pauvres et non irrigables.

Pour préserver ces derniers, le dispositif d’aide cible les exploitations dont le chiffre d’affaires en huiles essentielles représente 40% du chiffres total de l’exploitation sur les exercices 2018 et 2019. Il faut également justifier d’une perte de 30% minimum de chiffre d’affaires sur la récolte 2022, comparativement aux récoltes 2018 et 2019. L’aide est fondée sur la prise en charge d’une partie de la baisse d’EBE de l’atelier lavandicole constatée sur l’exercice comptable clôturé incluant la récolte 2022, plafonnée à 20.000 euros par exploitation ou 40.000 euros par Gaec. Des éléments comptables particuliers sont pris en compte pour les jeunes agriculteurs et jeunes installés. Les aides ne sont pas soumises au régime des minimis. Les demandes doivent être déposées et validées au plus tard le 28 juillet à 14 heures sur un site dédié de FranceAgriMer. Le ministère de l’Agriculture a par ailleurs mobilisé un million d’euros pour soutenir la recherche de solutions de lutte contre la cécidomyie.

« Un fusil à un coup »

Si les professionnels saluent l’initiative et le dispositif, ils craignent que la parade fasse long feu. « C’est un fusil à un coup, déclare Alain Aubanel. Or la situation est très compliquée pour les exploitations des zones traditionnelles, avec un cumul d’aléas sanitaires et climatiques, s’ajoutant au phénomène de mévente. Pour déboucher les marchés, il faut que les entreprises qui sont nos clients cessent d’acheter des huiles de synthèse, auquel cas un jour, il n’y aura plus de produits naturels ». Selon Alain Aubanel, la Bulgarie semble avoir amorcé une baisse de son potentiel de production. Autre motif de satisfaction : la France semble avoir obtenu des avancées sur le dossier de révision des règlements européens Reach et CLP, portant sur les substances chimiques et les règles d’étiquetage, et qui ménagerait des exemptions pour les huiles essentielles d’origine « botanique ».