La calamité des calamités agricoles

Plusieurs syndicats dénoncent les conditions d’indemnisation des éleveurs suite à la sécheresse de l’an passé. Le ministre de l’Agriculture convient que le système est ubuesque et qu’il faut en changer, sans préciser ses intentions.

Une coupe à 92 millions d’euros : tel est le calcul de la Confédération paysanne, qui dénonce dans un communiqué la division par deux des prévisions d’indemnisation des éleveurs pour les pertes de fourrages occasionnées par la sécheresse de l’été 2020. D’une prévision de 165 millions d’euros, on serait passé à 73 millions d’euros. « Les enquêtes de terrain, menées par les services déconcentrés de l’État en partenariat avec les agriculteurs et les agricultrices, démontraient que la perte en fourrages était suffisante pour rendre éligibles des départements entiers aux aides calamités, indique le syndicat dans un communiqué. Pourtant, le ministère a préféré retenir les seules données satellitaires, qui avançaient des pertes moindres sur des zones plus réduites ».

Même son de cloche du côté de la FNSEA, des JA, de l’APCA et de la CNMCA qui, lors du Comité national de gestion des risques agricoles du 18 février, ont refusé de participer au vote. « Les propositions des services du ministère conduisent à exclure trois départements et à réduire fortement les taux de perte pour la quasi-totalité des autres demandes avec parfois une révision des zonages », écrivent les organisations dans un communiqué.

Le ministre sur la défensive

En marge d’une conférence-débat organisée par La Coopération agricole, où il était notamment question de la décarbonation de l’agriculture, Julien Denormandie a évoqué la question. « Le régime des calamités agricoles ne marche plus », a-t-il convenu, indiquant que le système était « ubuesque », qu’il ne « correspond plus à la réalité du terrain, qu’il « faut en changer », sans toutefois brosser la moindre piste de travail.

Qu’à cela ne tienne, les syndicats avancent leurs pions : prendre en compte les enquêtes de terrain menés par les services déconcentrés de l’Etat et les professionnels, et pas les seules données satellitaires, allonger la durée de référence à 8 ou 10 ans au lieu d’une moyenne quinquennale, fortement marquée par des sécheresses récurrentes.

En attendant, toutes les organisations précitées exigent que les indemnisations soient alignées sur les demandes initiales formulées par les Comités départementaux d’expertise (CDE).

Un fonds mutuel et solidaire ?

Au-delà de cet épisode conjoncturel, les syndicats réclament une réforme de la politique de gestion des risques en agriculture, répondant aux nouveaux défis posés par le changement climatique. Une mission parlementaire est à l’œuvre sur le sujet, intégrant le sujet des assurances multi-risques climatiques, aux prises à une équation insoluble.

« Aujourd’hui, environ 30% des agriculteurs sont assurés, indique Julien Denormandie. Mais quand bien même 100% seraient assurés, les assureurs ne pourraient pas garantir la pérennité du système du fait du ratio sinistres sur assurances ». La Pac pourrait être appelée à la rescousse.

Plutôt que des assurances privées, la Confédération paysanne propose la mise en place d’un fonds mutuel et solidaire, encadré par l’Etat, incluant les dispositifs de calamités, financé par les pouvoirs publics, par les agriculteurs et par l'ensemble des filières, « qui ont tout à gagner de la survie de nos fermes ».