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La politique alimentaire, victime collatérale de l’instabilité politique
[Edito] La stratégie nationale pour l’alimentation, qui devait voir le jour après plus de deux ans de retard, a finalement été bloquée in extremis avant le départ de François Bayrou de Matignon. Le sujet sensible de la consommation de viande demeure un point crispant, tout comme celui de la publicité pour les produits trop gras, trop sucrés, trop salés et hypertransformés.
La stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc), véritable feuille de route de la politique alimentaire française, aurait dû voir le jour avant juillet 2023. Or, après moult tergiversations, valses gouvernementales et consultations publiques, le projet se retrouve à nouveau dans le tiroir. Lundi 8 septembre, juste avant la chute de François Bayrou, le cabinet du Premier ministre a bloqué in extremis la publication qui était attendue en fin de semaine, souhaitant remplacer l’objectif d’une « réduction de la consommation de viande » par « une consommation de viande équilibrée ».
Dans un pays d’élevage qu’est la France, le sujet de la réduction de la consommation de viande restera toujours hypersensible. La Snanc ne vise pourtant pas à stigmatiser l’élevage français. Dans le projet présenté au printemps dernier et ayant fait l’objet d’une consultation publique, il était inscrit que « la modération de la consommation de viande doit aussi permettre un report vers une viande locale et de qualité ». « Aimez la viande, mangez-en mieux » : tel est d’ailleurs, depuis 2019, le message porté par l’interprofession Interbev. L’objectif est d’inciter les citoyens à manger une viande issue des standards français de qualité, plutôt que des produits importés, aux normes moins-disantes.
Au-delà de la question de la viande, les recommandations nutritionnelles incitent à consommer plus de fruits et légumes, de légumineuses, de céréales, et à privilégier des produits peu ou pas transformés. C’est avant tout la « malbouffe » qui doit être combattue. Aliments ultra-transformés, trop gras, trop sucrés, trop salés… En ce sens, la régulation de la publicité, du marketing, mais aussi des promotions et des mises en avant en supermarchés est indispensable.
Or, le dernier projet de Snanc ne prévoyait pas de mesure pour réduire l’exposition de la population aux publicités, notamment pour les enfants et adolescents, au grand dam des ONG. Cela prouve à quel point l’alimentation se situe au carrefour de multiples enjeux et fait le lien entre de nombreux ministères : Agriculture, Santé, Environnement, Economie… mais aussi celui de la Culture, qui craint une baisse des recettes publicitaires des chaînes de télévision.
L’état des lieux est alarmant. Dans le monde, l’obésité dépasse désormais la sous-nutrition chez les enfants et adolescents. En 2022, 8% des 5-19 ans dans le monde (163 millions) souffraient d'obésité, contre 3% en 2000. En France, 20% des enfants de 6 à 17 ans sont en surpoids, dont 5% en situation d’obésité.
Une vaste étude internationale, qui vient d’être publiée, montre que face à l’obésité infantile, la sensibilisation des parents ne suffit pas, et que des politiques volontaristes et ambitieuses sont indispensables. En cette période d’incertitude politique, où plusieurs dossiers agricoles sont encore en suspens, nul ne sait quand (et si) la Stratégie nationale pour l’alimentation verra enfin le jour.