Le carbone, un enjeu avant tout agronomique en vigne

Les sols viticoles sont globalement pauvres en matière organique. Le relèvement de leur taux flatterait leur fertilité tout en alliant la résilience climatique. Différentes sources de matière organiques sont mobilisables. Un outil d’aide à la décision est en cours d’élaboration.

Initiative 4 pour 1000, labellisation bas carbone en élevage bovin, en vergers et bientôt en grande cultures, programme de plantation de 7.000 km de haies doté d’un budget de 50 millions d’euros dans le cadre du Plan de relance, rétribution des efforts de décarbonation sur le marché volontaire de compensation : le carbone s’invite dans toutes les filières et devient difficilement dissociable de la seule fourniture de matières premières et denrées alimentaires. La vigne n’échappe pas au phénomène. « Les 800.000 ha de vigne ne représentent que 2 à 3% de la SAU mais le potentiel de séquestration est important car les taux de matières organiques sont relativement faibles », explique Jean-Yves Cahurel, ingénieur à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). « Des taux inférieurs à 1% ne sont pas rares. Si le relèvement du taux de matière organique revêt des atouts vis à vis de l’atténuation du changement climatique, les enjeux sont avant tout agronomiques ».

Couverts, bois de taille, amendements

La matière organique est une composante essentielle de la qualité du sol par ses effets sur la porosité, la capacité de rétention en eau, la capacité d’échanges de cations (potassium, magnésium, calcium...), la prévention du tassement et de l’érosion, la fixation et/ou la dégradation de composés indésirables et enfin le stockage de carbone, au regard des enjeux climatiques. « Les viticulteurs ont tendance à privilégier la lutte contre les maladies, dont l’impact sur les rendements est beaucoup plus patent qu’un affaiblissement insidieux de la matière organique », poursuit Jean-Yves Cahurel. « Le relèvement du taux exige de nombreuses années ».

En 2009, l’IFV a mis en place un réseau d’expérimentation dans cinq bassins d’expérimentation visant à quantifier les bénéfices de différentes sources de matière organique.

Dans le Beaujolais par exemple, en présence de sol à faible teneur en argile (8%) et en matière organique (0,8%), la restitution des bois de taille permet de compenser le phénomène de minéralisation dans le cas d’un désherbage intégral. La couverture de 50% du sol recèle un potentiel un peu inférieur à celui des bois de taille. Beaucoup plus efficients sont les apports de composts de marcs, de déchets verts ou encore d’amendements organiques commerciaux. « Mais les apports de ces derniers sont limités par des contraintes d’ordre quantitatif ou tarifaire », précise Jean-Yves Cahurel.

Les apports de compost permettent de corriger plus rapidement un déficit de matière organique, au prix d’un investissement significatif (Crédit photo : Thiérart)
Les apports de compost permettent de corriger plus rapidement un déficit de matière organique, au prix d’un investissement significatif (Crédit photo : Thiérart)

Un OAD en cours d’élaboration

Le réseau expérimental de l’IFV n’a pas mis en évidence de différence au niveau des rendements. Il a permis en revanche de battre ne brèche un préjugé selon lequel l’augmentation de la matière organique s’accompagnerait d’une acidification du sol. « On observe u relèvement du pH de 0,3 à 0,4 point, ce qui n’est pas négligeable », précise l’ingénieur de l’IFV.

La dynamique de minéralisation des sols ainsi que la contribution de ces différentes sources de matière organiques sont étroitement liés à la nature des sols en présence (et notamment leur taux d’argile) et au taux de matière organique originel, au rapport C/N, auxquels s’ajoutent les facteurs climatiques.

Outre l’incidence des différents formes d’apport de matière organique, le réseau expérimental de l’IFV a permis d’adapter à la vigne le modèle  AMG mis au point par l’Inrae pour les grandes cultures. Le modèle permet d’évaluer, sur le long terme, le stock et la teneur du sol en carbone organique, sous l’effet des pratiques culturales, en tenant compte des caractéristiques du sol et du climat local. L’IFV espère le transformer en outil d’aide à la décision d’ici à la fin 2021. Le modèle pourrait aussi contribuer à établir une méthodologie Label bas carbone appliquée à la vigne.