Le modèle de production à la française est-il en danger ?

En flattant la position exportatrice de la France sur de nombreux produits, le ministre de m’agriculture assume dans le même temps la nécessité d’ouvrir les marchés à l’import.

Bovins de boucherie – Les négociations commerciales entre les distributeurs et les industriels sont dans la dernière ligne droite avec une revalorisation indispensable des produits agricoles pour faire face à l’envolée des prix de 2022. La survie et la destinée de nombreuses PME sont liées aux accords qui seront passés. Le contexte est assez complexe avec une décheptellisation qui s’accentue et une concurrence accrue des viandes d’importation face à une consommation qui résiste plutôt bien. Malgré l’inflation générale ayant affecté le pouvoir d’achat des ménages, la consommation française de viande bovine en 2022 a fait mieux que de résister. Cette résistance en trompe l’œil cache, en revanche, de grosses disparités, car elle est en grande partie liée à la levée des restrictions covid pour la RHD en 2022. La consommation domestique de VBF a reculé (-5,4%) et les volumes de viande bovine hachée fraîche vendus en GMS ont chuté de 8%, quand dans le même temps la part des importations (pour la RHD) a fortement progressé pour approcher les 30% en ce début d’année.

Le ministre de l’Agriculture, en flattant la position exportatrice de la France sur de nombreux produits, assume dans le même temps la nécessité d’ouvrir les marchés à l’import. Aujourd’hui, seules les « clauses miroirs » limitent le champ d’action des grands pays exportateurs, mais cela ouvre le champ des possibles. Et l’une des premières victimes sera la viande bovine.       

En ce début d’année, le niveau de l’offre décroît de façon inquiétante sur l’ensemble des pays de l’U.E, mise à part la Pologne qui est stable pour le moment, mais qui doit faire face à une consommation accrue par le million de réfugiés ukrainiens sur son territoire.

Pour maintenir le niveau de production de la France, des experts misent sur une réduction des exportations de broutards. Or aujourd’hui, c’est cette saine concurrence qui permet de tenir les prix des broutards à des niveaux élevés et par le même temps la rémunération des naisseurs. Certes, des esprits chagrins diront que l’empreinte carbone est mauvaise et que pour le bien-être animal, les bovins doivent rester sur notre territoire, mais aurons-nous les éleveurs ou les structures pour engraisser ces animaux ? Les gros ateliers français font de 600 à 1000 animaux quand ils sont de plusieurs milliers en Italie ou en Espagne. Les abatteurs poussent pour limiter l’export afin de garder un potentiel de production, quand dans le même temps les orientations politiques de la Commission Européenne font tout pour libérer le commerce international, ce qui ferait de l’Europe un marché juteux pour les viandes du Mercosur ou des autres gros pays producteurs de viande.

Les consommateurs français restent attachés au VBF, mais d’autres pays sont plus perméables. L’appel du prix bas dans une inflation galopante est un repli très compréhensible au point de vue des consommateurs, mais très dangereux pour la structuration de nos campagnes. Sans élevage, dans les régions non cultivables, les paysages seraient bien tristes.