Les prairies, un puits de carbone relatif

Selon une étude internationale, les prairies gérées intensivement par l'homme sont devenues une source nette d'émissions de gaz à effet de serre, d'intensité comparable à celle des terres cultivées. Les chercheurs esquissent plusieurs pistes pour infléchir la tendance.

Au cours de la dernière décennie, les prairies gérées de manière intensive par l'homme sont devenues une source nette d'émissions de gaz à effet de serre et ont des niveaux d'émissions de gaz à effet de serre similaires à ceux des terres agricoles mondiales, lesquelles représentent une source importante de gaz à effet de serre. Tel est l’un des enseignements d’une étude internationale parue dans Nature Communications et conduite par plusieurs équipes de recherche, dont une équipe française issue du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (CEA-CNRS-UVSQ).

Jusqu’à présent, les prairies étaient passées sous les radars de leurs potentiels impacts sur le changement climatique, du fait de la difficulté à appréhender les différentes formes de gestion et d’exploitation. Les chercheurs ont corrigé cette lacune en mettant au point une méthode capable d’appréhender l'effet des incendies, les pertes de carbone du sol par érosion hydrique, les émissions de méthane (CH4) par les animaux, les émissions de monoxyde d’azote (N20) par les excréments, le fumier et les applications d'engrais minéraux et enfin les dépôts d'azote dans l'atmosphère.

La méthode permet de quantifier les stocks de carbone et les flux gaziers associés à l’échelle des continents et sur une période s’étalant de 1750 jusqu’à notre ère.

Des prairies aussi émettrices que les terres cultivées

Globalement, les prairies n’exercent aucun effet de réchauffement sur le climat, notent les chercheurs, grâce à la prédominance des prairies peu ou pas pâturées, dont le puits de carbone s’intensifie sous l’effet d’une augmentation des dépôts de CO2 et d'azote. Ce profil est représentatif de 80% des prairies au plan mondial. Jusqu’à présent, ce puis contrebalançait les effets antagonistes liés à l’augmentation du cheptel et à une gestion plus intensive des prairies, qui induisent des émissions plus importantes de CH4 et de NO2.

Au cours du siècle dernier, le nombre de ruminants domestiques est passé de 1,4 milliard de têtes à 3,4 milliards, dépassant la biomasse des mammifères sauvages. Depuis une dizaine d’années, les prairies sont devenues émettrices nettes de gaz à effet de serre et se situent au même niveau que les terres cultivées. Les changements d’affectation des terres n’y sont pas étrangers. Selon l’étude, la déforestation en pâturages est le fait de l’Amérique du Sud (à hauteur de 70%) et de l’Asie (21%). La conversion de prairies en terres cultivées est le fait de l’Amérique du Nord (39%), de l’Europe (36%) et de l’Asie du Sud-Est (21%).

Les leviers d’atténuation

Selon les chercheurs, les tendances récentes, marquées par l'expansion des pâturages et l'augmentation du cheptel, laissent à penser que les prairies, à l’échelle mondiale, accéléreront le réchauffement climatique. La balance entre atténuation et amplification sera conditionnée à l’évolution du cheptel (elle-même liée à l’évolution de la consommation de lait et de viande), à la stabilité du carbone accumulé dans le sol dans les prairies et aux potentialités de stockage additionnel de carbone dans le sol, sachant que les expériences de long terme font état de phénomènes de saturation.

Les chercheurs énoncent de nombreuses pistes pour améliorer le bilan des prairies. Outre la déforestation et l’amélioration des pratiques de pâturage, les chercheurs évoquent la réduction des émissions par les engrais, les effluents et la fermentation entérique.