Les vins européens, très contaminés, et de plus en plus, au TFA, un polluant éternel

Selon une étude de PAN Europe, portant sur 49 vins issus de 10 pays européens, la contamination à l’acide trifluoroacétique (TFA), un métabolite appartenant à la famille des PFAS, soupçonné d’être toxique pour la reproduction, touche tous les vins à des niveaux élevés. Si le lien avec les pesticides est établi, la plus forte contamination des millésimes récents, ainsi que celle des vins bio, témoigne d’une pollution diffuse croissante dans le milieu.

Aucune trace détectable dans les millésimes 1974, 1977 et 1982. Une présence sans exception dans tous les échantillons des vins postérieurs à 1988 avec une moyenne globale 122 microgrammes par litre (µg/l) et une concentration médiane de 110 µg/l. Une concentration moyenne en forte croissance entre 2010 et 2024. Des concentrations comprises entre 40 et 230 µg/l dans les échantillons de vin bio pourtant exempts de résidus de pesticides. Tels sont les résultats saillants d’une étude du Pesticide Action Network (PAN Europe), qui a passé au crible 49 échantillons de vin issus de 10 pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Luxembourg).

Les deux enseignements de l’étude

Les auteurs de l’étude, dévoilée mercredi, en tirent deux enseignements majeurs. Le premier, c’est que la comparaison entre les vins les moins contaminés et les plus contaminés en TFA suggère une possible association entre des concentrations élevées en TFA et une contamination accrue par les pesticides du fait que les vins présentant des concentrations en TFA plus élevées contenaient, en moyenne, un plus grand nombre de résidus de pesticides (3,4 contre 1,8) et une charge totale en pesticides plus élevée (155 µg/l contre 58 µg/l).

Augmentation temporelle de la contamination en TFA dans le vin en µg/l, sur la base d’échantillons individuels de 1974 à 2015 et en moyenne entre 2021 et 2024 (Source PAN Europe)
Augmentation temporelle de la contamination en TFA dans le vin en µg/l, sur la base d’échantillons individuels de 1974 à 2015 et en moyenne entre 2021 et 2024 (Source PAN Europe)

Le second enseignement, c’est que la détection de concentrations de TFA aussi élevées dans des vins biologiques exempts de résidus de pesticides suggère une contamination environnementale généralisée des eaux de pluie, des eaux souterraines et des sols agricoles, contamination environnementale qui jouerait également un rôle important dans l'accumulation de TFA dans les cultures.

En 2017, une étude réalisée pour la Commission européenne avait mesuré dans 27 vins européens une concentration médiane de 50 µg/l, avec un maximum de 120 µg/l. L’étude de PAN Europe, à laquelle Générations Futures s’est associée, pointe respectivement à 110 µg/l et 320 µg/l.

Le TFA est le produit final non dégradable de la décomposition de substances poly ou perfluoroalkylées (PFAS). Ces composés chimiques sont caractérisés par une chaîne carbonée dont au moins un carbone est complètement substitué par des atomes de fluor. Leur stabilité chimique en fait des substances non dégradées dans l’environnement, persistantes, mobiles et bioaccumulables, qualifiées de « polluants éternels ». Les PFAS sont présents dans de nombreux produits manufacturés (imperméabilisants pour les cuirs et textiles, papiers et emballages traités, enduits pour textiles et peintures, détergents, semi-conducteurs, fluides hydrauliques, traitements de surface des métaux etc.). Et donc les pesticides.

En céréales, le cas du flufénacet

Selon l’Agence allemande de l’environnement, citée dans l'étude, les pesticides PFAS issus de l’agriculture représentent 76% de la contamination annuelle des eaux souterraines par le TFA, suivis des émissions provenant des pluies (17%) et des stations d’épuration et du fumier (3% chacun). Parmi les pesticides identifiés comme étant des précurseurs de TFA figure le flufénacet, récemment classé comme perturbateur endocrinien et dont le retrait du marché est programmé dans quelques mois au sein de l’UE.

En France, il n’existe pas actuellement de seuil réglementaire fixant une limite à la présence de PFAS dans l’eau de boisson. D’ici à 2026, conformément à la directive européenne 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, le seuil de non-conformité sera fixé à 0,1µg/l pour la somme de 20 PFAS.

Face à ce qu’ils considèrent comme augmentation « exponentielle » des concentrations de TFA dans le vin depuis 2010, les auteurs de l’étude réclament l’interdiction immédiate des pesticides à base de PFAS et la mise en œuvre d’une surveillance des aliments pour évaluer la contamination par le TFA dans une gamme plus large de produits agricoles.