Méthanisation : les pour et les contre du projet de rebours

Jeudi 10 février 2022 à Mortagne-au-Perche (61), Hervé Morin (président de Région) est venu soutenir le projet d’infrastructures gazières et biométhane au service du développement de la méthanisation dans le Perche. La future station doit permettre de comprimer le biométhane en excès dans les zones de distribution locale et de le rediriger vers le réseau de transport, situé à proximité et qui traverse déjà le territoire, afin d’être envoyé dans des zones de consommation plus éloignées. Il y a les « pour » et les « contres ».

« Oui à l’info, non à l’enfumage. Gazoduc du Perche : à quand la consultation publique. Stop à la méthanisation sans concertation. Les méthaniseurs vont tout manger. Méthanisation : la fausse bonne idée. Parc naturel oui, parc industriel non. Non aux fermes usines à gaz...»  Jeudi 10 février 2022, face à l’ancien Palais de Justice, ils étaient une quarantaine à battre le pavé pour exprimer leur inquiétude vis-à-vis du projet de rebours et de gazoduc reliant Mortagne-au-Perche (61) à Mamers (72). Des représentants d’associations : Bien vivre dans le Perche, Perche Avenir Environnement, L’Air du Perche, Fédération de l’Orne pour la pêche et la protection du milieu aquatique, Groupement régional des associations de protection de l’environnement (GRAPE). Ils sont venus apporter un « regard citoyen » sur un projet qu’ils jugent « inutile, nuisible et injustifié pour notre territoire ». Ils ont remis au président de Région venu à leur rencontre une lettre ouverte dans laquelle ils demandent que leurs arguments et demandes soient considérés. La course contre, ou plutôt pour, la montre est lancée.

METHANISATION PROJET LE REBOURS - PERCHE
Le rebours du Perche permettra à 5 projets agricoles de se réaliser : SAS Metha de Courgeon, SAS Perche Bioénergie (St-Mard-de-Reno), SAS Metha de Chailloué (St-Mard-de-Réno), SAS Metha des Prés (Eperrais) et SAS Perche Methagri (Chemilli). 14 exploitations sont concernées (30 agricultrices et agriculteurs et 15 salariés agricoles). Il induit la création de 10 emplois supplémentaires directs dans les exploitations et 20 indirects pour la maintenance des sites. « Mieux valoriser les effluents d’élevage, diversifier les rotations permettant la réduction des herbicides, réduction significative des odeurs lors des épandages, diversification des activités économiques pour une rentabilité complémentaire », revendiquent Nicolas Tison et Jean-Louis Belloche.
© TG


2050 : besoin de deux fois plus d’électricité

Autre ambiance lors de la présentation réunissant acteurs du projet et collectivités territoriales. Le président Morin a certes reconnu « qu’une ou deux réalisations mal ficelées ont gangrené les projets suivants mais, bien gérée, la méthanisation n’est pas vectrice de pollution ou de nuisance à l’environnement. La France va doubler ses besoins en électricité d’ici 2050. La Région, depuis 2017, s’est fixée comme objectif le développement des énergies renouvelables dont la méthanisation ». Une réserve cependant : « qu’elle se développe à partir d’une ressource existante mais pas à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine. Nous serons vigilants sur ce point ».

Hervé Morin - Projet le rebours Perche
« Pour répondre aux enjeux climatiques, nos besoins en matière d’énergies renouvelables vont s’accroître de façon gigantesque. La méthanisation contribue directement à répondre aux besoins en énergie, si son développement est raisonné et si elle utilise des ressources existantes locales, sans détourner l’usage alimentaire des terres agricoles. La méthanisation fait pleinement partie du mix énergétique normand comme les énergies marines renouvelables, l’hydrogène, le bois énergie, le solaire ou la récupération de chaleur fatale. Elle permet aussi d’améliorer la résilience des exploitations agricoles leur permettant une diversification économique et une transition agroécologique », a défendu Hervé Morin face aux manifestants s’opposant au projet.
© TG

En service en 2023

Mais de quoi s’agit-il réellement ? La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a autorisé GRTgaz à lancer les travaux de construction d’une station de rebours en complément du maillage de vingt-neuf kilomètres de réseau de distribution qui doivent connecter un ensemble d’unités de méthanisation dans le Perche. Ce projet concerne les cantons de Mortagne-au-Perche, Bellême, Bazoches-sur-Hoëne, Nocé, Pervenchères et Mamers. Les travaux démarreront au cours du premier semestre pour une mise en service au deuxième trimestre 2023.
Ils représentent un coût total de 6 milliosn d'euros. GRTgaz et GRDF investissent 5 318 000 euros auxquels s’ajoutent les investissements de tiers financeurs à hauteur de 682 000 euros : 482 000 euros des porteurs de projet d’unités de méthanisation et 200 000 euros des collectivités. Les collectivités (dont la Région 100 000 euros, le Territoire d’Energie de l’Orne 50 000 euros et les Communautés de Communes des Collines du Perche Normand et du Pays de Mortagne-au-Perche, 25 000 euros chacune) sont également partie prenante. Cet investissement va permettre à plusieurs projets de production de biométhane de voir le jour, biométhane qui sera injecté dans le réseau gaz, contribuant ainsi à verdir cette énergie et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Chambres départementale et régionale d’agriculture retroussent leur manche pour faire aboutir le dossier. La Confédération paysanne, sans s’opposer à la méthanisation, fait entendre sa différence. Elle n’est pas convaincue de la pertinence écologique et économique du projet en l’Etat tout en s’inquiétant de la dérive des systèmes. Jean-Louis Belloche a techniquement contre argumenté avant de conclure : « ça me convient que la production d’énergie conforte le revenu des agriculteurs ».