Le revenu des agriculteurs en forte baisse

Le revenu des agriculteurs dépend de 3 paramètres : les dépenses engagées à l’hectare, les volumes récoltés et la valorisation de la récolte. Analysons ces aspects fortement pénalisés cette année. Chronique par Sylvain Jessionesse, agriculteur et cofondateur de Piloter sa ferme

Si les charges, étaient en baisse de 20 % cette année par rapport à 2024, elles restent, de façon générale, en hausse. 

  • En 2021 : elles s’élevaient à 165 € la tonne de blé
  • En 2023 : elles sont passées à 240 €/t de blé 
  • Enfin, en 2024 : elles sont descendues à 205 €/t de blé

Côté rendements, ce n’est guère mieux. Ils ont été en dessous des moyennes, même si la situation est très hétérogène selon la nature des sols (les sols argileux ont plus souffert des excès d’eau que les sols argilo-calcaires superficiels), les dates de semis des cultures ou les variétés choisies. Enfin, après un rebond des cotations des céréales et des oléagineux, observé de mars à fin mai, les cotations ne cessent de baisser. Les excès d’eau et le manque de lumière ont également dégradé la qualité des récoltes. Les volumes récoltés sont globalement en dessous des normes requises.

  • Pour le blé meunier : avoir un PS (Poids spécifique) supérieur à 76, soit une réfaction potentiel de 20 à 40 €/ t. 
  • Blé fourrager : avoir un PS supérieur à 72
  • Orge brassicole : le calibrage constaté est souvent inférieur à 75 % donc les 25 % sont valorisés en mouture sont une perte de 50 à 75 € de la tonne. 

Par conséquent, le revenu 2024 est attendu en forte baisse pour les producteurs de céréales et d’oléagineux. 

Les Hypothèses retenues pour évaluer l’impact de la moisson 2024 sur le revenu d’une exploitation

Prenons l'exemple d'une exploitation de grandes cultures de 200 hectares située en zone intermédiaire. Le rendement en céréales pour 2024 est en baisse d'1 tonne par hectare et de 10 % en colza. 

Sylvain Jessionesse/Piloter sa ferme

Besoin en Chiffre d’affaires (BCA)

Pour couvrir les dépenses de l’exploitation, la rémunération du travail de l’exploitant, montant duquel, on déduit les aides PAC est de 265 500 € en moyenne de 1330 € par hectare. 
Blé : 1400 € par ha soit un seuil de commercialisation de 200 € par t

Concernant la valorisation de la récolte, les ventes déjà réalisées sont de 30 % de blé, orge hiver et orge de printemps au début du mois de juin 2024

  • Valorisation de ce qui reste à vendre au cours du jour (prix stocké département de l’Aube)
  • Réfaction de 15 € par tonne en blé (pour tenir compte du PS) et de 15 € / t en orge de brassicole (pour tenir compte du calibrage)

Evolution des marchés du blé Euronext : échéance décembre 2024

Sylvain Jessionesse/Piloter sa ferme
Sylvain Jessionesse/Piloter sa ferme

Les résultats obtenus 

- Potentiel de revenu en intégrant la baisse des rendements

Sylvain Jessionesse/Piloter sa ferme

L’impact de la baisse des rendements de 1 tonne par hectare en céréales et de 10 % en colza, se traduit par une diminution du chiffre d’affaires de 33 000 € qui ne permet pas de couvrir l’ensemble des dépenses de l’exploitation, dont la rémunération du travail de l’agriculteur. La perte annuelle est estimée à 33 500 € sur l’exploitation.

- Potentiel de revenu en intégrant la baisse des rendements et la dégradation du prix + les réfactions constatées sur le prix pour les problèmes de qualité

Sylvain Jessionesse/Piloter sa ferme

L’application de réfaction sur le prix de vente du blé et des orges brassicoles génère une perte de chiffre d’affaires supplémentaire de 12 000 €. Il en découle une insuffisance de chiffre d’affaires de 45 000 € pour équilibrer le budget et pour rémunérer le travail de l’agriculteur. Ces 45 000 € vont se traduire par une perte annuelle et vont impacter la trésorerie de
l’exploitation jusqu’à la prochaine récolte.

L’analyse de ces résultats 

L’inflation de charges constatée sur les exploitations de grandes cultures depuis 2021 (+25 %) met la pression sur le chiffre d’affaires à atteindre pour équilibrer le budget et pour rémunérer le travail de l’agriculteur. Or ce chiffre d’affaires dépend de deux paramètres que l’agriculteur ne maitrise pas. 

- La météo qui impacte le potentiel et la qualité de la récolte
- La valorisation de la récolte qui dépend de l’évolution des marchés

Cette année 2024, la météo extrêmement pluvieuse a dégradé les rendements et leur qualité, ce qui amplifie la baisse de la valorisation de la récolte dans un contexte de baisse des prix observée depuis juin.

Les actions à mettre en place sur les exploitations agricoles

Etat des lieux des résultats prévisionnels 2024

  • Evaluer le chiffre d’affaires pour déterminer l’écart avec le besoin en chiffre d’affaires 
  • Evaluer l’impact des résultats obtenus sur l’évolution de la trésorerie d’ici la moisson 2025
  • Réaliser un diagnostic de l’exploitation pour évaluer son niveau de compétitivité et de résilience, c’est-à-dire sa capacité à créer de la valeur et à résister aux aléas climatiques et économiques

Mettre ensuite en place les actions correctives

  • A court terme pour gérer le financement de l’activité jusqu’à la prochaine moisson
  • A long terme, en agissant sur le niveau de compétitivité de l’exploitation pour permettre à l’agriculteur d’avoir durablement du revenu

Sylvain Jessionesse, agriculteur dans le sud de l'Aube et cofondateur de Piloter sa ferme

Sylvain Jessionesse/Piloter sa ferme

Sylvain gère une exploitation de 165 ha de scop en zone intermédiaire. Il compte 20 années d’expérience auprès d’agriculteurs dans le conseil, le développement et le pilotage de leur activité. Il porte le développement commercial et les activités de formation de PILOTER SA FERME avec pédagogie en étant à l’écoute des agriculteurs. Il est diplômé en droit rural et en économie agricole. 

Sylvain Jessionesse/Piloter sa ferme

En savoir plus : www.pilotersaferme.com