Moissons 2024 : allons-nous vers une année noire ?

15% d'exportations de blé tendre en moins. La récolte de 2024 de céréales s'annonce décevante. Météo pluvieuse et géopolitique ont rebattu les cartes. Les agriculteurs français vont devoir accuser le coup.

Ce n'est plus une surprise, la météo mine le moral et le travail des agriculteurs. Même si tout n’est pas joué, puisque moins de la moitié des surfaces agricoles ont été récoltées, les premiers résultats ne sont pas bons. Les dernières estimations de blé tendre pour cette campagne sont situées entre 26,2 Mt et 29,5 Mt. En 2023, elles étaient de 35,2 Mt ! A cela s'ajoutent les échos des premières moissons au Nord de Paris qui ne sont pas à la hauteur des attentes. Et comme si ça ne suffisait pas la qualité du blé ne sera pas forcément au rendez-vous. La situation est alarmante, 2024 pourrait être une année noire, similaire à 2016, où les rendements et la qualité du grain avaient été au plus bas. Quant aux exportations françaises, elles ne seront pas aussi bonnes que les années précédentes. Et elles pèsent sur le revenu des agriculteurs. Qui dit moins d’exportations, dit moins de gains pour eux. Selon FranceAgriMer, les exportations de blé tendre vers les pays tiers pour cette campagne pourraient être de seulement 7,5 millions de tonnes, contre 10,2 Mt en 2023/2024. L’écart est grand ! Pour l’instant, il est encore trop tôt pour dresser un bilan, mais ça s’annonce mal. 

La pluie et le beau temps ne sont ainsi pas les seuls responsables. Nous subissons aussi de plein fouet les tensions géopolitiques, en particulier avec la Russie. La campagne sur les blés d’origine russe est très agressive et les prix bas séduisent nos importateurs historiques : l’Egypte, l’Algérie et la Tunisie. Depuis fin 2020, l’Algérie a assoupli son cahier des charges concernant les importations. Une brèche dans laquelle s'est engouffrée la Russie et qui nous a coûté notre leadership. Rien que l’année dernière, l’Algérie a importé 2,34 Mt de blé russe. Cette concurrence féroce pose nécessairement le problème de la valorisation du disponible exportable français. Et si la Tunisie signe son accord bilatéral d’achat de céréales avec la Russie, on perdra encore des parts de marchés en Afrique du nord.

Enfin, face aux tensions géopolitiques, à l’inflation et au réchauffement climatique, les pays du sud œuvrent de plus en plus pour s’émanciper des importations étrangères. L’Algérie par exemple, s’est lancée dans le développement de la production céréalière : un programme étalé sur 4 ans. En 2022-2023, le pays avait importé 8,7 Mt et avait produit 3,6 Mt. Nos relations ne sont pas au beau fixe avec l’Algérie et c'est sans surprise qu'elle s’est rapprochée de l’Italie, avec laquelle elle a signé le 7 juillet dernier un accord-cadre pour la réalisation d’un projet de production de céréales et de légumineuses à Timimoun,  une commune au centre de l'Algérie. Ce partenariat a pour but d’augmenter la production algérienne annuelle de blé de 170 000 tonnes, 7100 tonnes de lentilles, 14 000  tonnes de haricots et 11 000 tonnes de pois chiches et sera mis en œuvre dès le mois d’octobre. L’Italie fournit aussi clé en main, une chaîne agroalimentaire, les semences, les méthodes agronomiques comme la rotation des cultures pour optimiser le rendement agricole sur ces 500 000 hectares de terres désertiques

Un bon point pour l’économie algérienne mais au détriment des exportations françaises. Même si c’est minime. La France est loin d’avoir perdu ses partenaires. Cependant, tributaire de la météo et des sécheresses, l’Algérie aura toujours besoin d’importer et quant à nous, espérons que nous puissions ne plus passer de longues semaines les pieds dans l’eau. Avec le réchauffement climatique, rien n'est moins sûr ! D'autant plus que la situation géopolitique est plus qu'instable. Tous ces éléments pèsent sur le revenu des agriculteurs et les garde-fous pour les protéger sont plus que précaires.