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Orge d'hiver et colza : entre 150 et 400 € de pertes à l'hectare !
Les premiers résultats de la moisson 2024 confirment les craintes liées aux aléas climatiques. Découvrez notre interview avec Sylvain Jessionesse, agriculteur dans le sud de l’Aube en région intermédiaire et co-fondateur de Piloter sa ferme.
Les moissons démarrent dans plusieurs régions de France. Sylvain Jessionesse dresse un état des lieux des premières coupes.
Pleinchamp :
Quels sont les échos des premiers résultats ?
Sylvain Jessionesse :
Comme on pouvait s’y attendre avec les conditions météorologiques observées ces derniers mois, les résultats ne sont pas bons : il manque entre 1,5 et 2,5 tonnes d'orge d'hiver par hectare, environ 1 tonne de colza par ha. par rapport aux moyennes quinquennales
Pleinchamp :
Quel est l’impact de cette baisse de rendements sur le revenu des agriculteurs ?
Sylvain Jessionesse :
L’impact de ces mauvais résultats dépendra de la part de ces deux cultures dans l’assolement. Prenons l’exemple de 2 exploitations :
Exemple 1 :
Jean exploite 200 ha en région intermédiaire, où la part de ces deux cultures peut atteindre 30 à 50 % de l’assolement. Le reste est constitué de blé, d’orge de printemps, de pois et de tournesol.
Orge d’hiver : 30 ha
- Total des dépenses (dont la rémunération du travail de l’agriculteur) à couvrir par les ventes : 1300 €/ha pour un rendement objectif de 6.5 T/ha soit un seuil de commercialisation de 200 €/t Chiffre d’affaires effectivement réalisé : 1000 €/ha soit 5 tonnes récoltées valorisées à 200 €/t (part brasserie + part mouture)
- Perte attendue de 300 €/ha
Colza : 30 ha
- Total des dépenses à couvrir par les ventes (dont la rémunération du travail de l’agriculteur) : 1400 €/ha pour un rendement objectif de 3 T/ha soit un seuil de commercialisation de 467 €/t
- Chiffre d’affaires effectivement réalisé : 1000 €/ha soit 2 tonnes récoltées valorisées à 500 €/t
- Perte attendue de 400 €/ha.
Pour une exploitation de 200 Ha, Il en découle une insuffisance de chiffre d’affaires estimée à 21 000 € soit 350 €/ha sur les 60 ha déjà récoltés, comme l’indique la simulation présentée ci-dessous.
Exemple 2 :
Paul exploite également 200 ha. Son exploitation est située dans un rayon de 150 KM autour de Paris, où ces deux cultures ne représentent que 20 à 30 % de l’assolement. Le blé, des orges de printemps et des cultures industrielles (betteraves, pommes de terre, lin) viennent compléter l’assolement.
Orge d’hiver : 20 ha
- Total des dépenses (dont la rémunération du travail de l’agriculteur) à couvrir par les ventes : 1600 €/ha pour un rendement objectif de 8 T/ha soit un seuil de commercialisation de 200 €/t
- Chiffre d’affaires réalisé : 1200 €/ha soit 6 tonnes récoltées valorisées à 200 €/t (Part brasserie + part mouture)
- Perte attendue de 400 €/ha
Colza : 20 ha
- Total des dépenses (dont la rémunération du travail de l’agriculteur) à couvrir par les ventes : 1660 €/ha pour un rendement objectif de 4 T/ha soit un seuil de commercialisation de 415 €/t
- Chiffre d’affaires réalisé : 1500 €/ha soit 3 tonnes récoltées valorisées à 500 €/t
- Perte attendue de 160 €/ha
Pour une exploitation de 200 Ha, il en découle une insuffisance de chiffre d’affaires estimée à 11 200 € soit 280 €/ha sur les 40 ha déjà récoltés comme l’indique la simulation présentée ci-dessous
Pleinchamp :
Pouvez-vous nous en dire plus sur ces pertes Sylvain ?
Sylvain Jessionesse :
Ces exemples confirment que la hausse de 25 % des charges constatée sur les exploitations agricoles françaises entre 2021 et 2024 (augmentation du seuil de commercialisation de 160 à 200 €/t de céréales) fragilise l’agriculture française.
Dès qu’il y a un aléas climatique avec une perte de rendement et/ou économique, le niveau de chiffre d’affaires n’est plus suffisant pour couvrir les dépenses engagées et rémunérer le travail de l’agriculteur.
Pleinchamp :
Est-ce que les autres cultures qui sont pas encore récoltées vont pouvoir compenser cette perte ?
Sylvain Jessionesse :
Nous y verrons plus clair dans quelques jours avec les résultats constatés en blé et en orge de printemps. Le résultat de la moisson 2024 va également dépendre de la part dans l’assolement
des cultures industrielles. Plus celle-ci sera faible, plus on peut s’attendre à des résultats négatifs. Les exploitations situées dans les zones intermédiaires sont probablement celles qui seront le plus impactées par ces pertes de rendements.
Pleinchamp :
Quels conseils donneriez-vous aux agriculteurs ?
Sylvain Jessionesse :
La priorité est d’évaluer les enjeux de cette récolte 2024 sur le résultat de l’exploitation agricole et d’anticiper les conséquences de cette perte sur l’évolution de la trésorerie de l’exploitation jusqu’au 30 juin 2025. Les agriculteurs utilisateurs des outils Piloter Sa Ferme, peuvent avec leur tableau de
bord présenté ci-dessous, évaluer les enjeux de la perte des rendements sur leur revenu et leur trésorerie. Gérer c'est anticiper : il convient de prendre les devants pour la récolte 2025 en s'appuyant sur ses partenaires bancaires.
Rendez-vous dans quelques jours pour présenter les résultats des cultures de blé, des orges de printemps et des pois pour évaluer leurs conséquences sur le revenu des agriculteurs.
Retrouvez aussi toutes les analyses de Sylvain Jessionesse sur notre chaîne Youtube : www.youtube.com/@pleinchamp