Nicole et Marie-Chantal, les deux prêtresses du Cochon de Bayeux qui ne font pas tapisserie

[SIA 2025] Nicole Levieux et Marie-Chantal Eudine, Grandes maîtresses conjointes de la confrérie gourmande du Cochon de Bayeux, sont fidèles au concours de la race depuis 25 ans. Mais à 78 et 80 ans, la relève se fait (là aussi) attendre.

« Tiens, y a Stéphane Travert qui passe là (...). Eh ben il nous a pas vues ». L’ancien ministre de l’Agriculture avait sans doute les lunettes embuées, au petit matin ce mardi, pour ne pas avoir entrevu les costumes-tapisseries de Nicole et Marie-Chantal qui déambulent dans le hall 1 Porte de Versailles. Les Grandes maîtresses conjointes se targuent de bien connaitre le Normand, aujourd’hui député de la Manche. Et on les croit sans peine, respect oblige pour les vénérables ambassadrices, 78 et 80 ans.

Nicole Levieux et Marie-Chantal Eudine aux premières loges du concours du Cochon de Bayeux
Nicole Levieux et Marie-Chantal Eudine aux premières loges du concours du Cochon de Bayeux

Depuis 2001, date de la création la confrérie gourmande du Cochon de Bayeux, les deux prêtresses sont connues comme le oup blanc - ou plutôt le cochon à taches noires - en Normandie. Et bien au-delà. Tout au long de l’année, Nicole et Chantal, résidant à Bayeux (Calvados) sont par monts et par « cochons » pour représenter la race. Paris est évidemment une étape incontournable. « Cette, année, on se sentait fatiguées, donc on fait l’aller-retour dans la journée en taxi. Ça nous coûte à peine plus cher que le train, les deux nuits d’hôtel, le taxi pour rejoindre le salon et les restaurants », explique Nicole Levieux. Les deux compères ont quand même décollé de Bayeux à quatre heures du matin, Marie-Chantal, la plus âgée des deux s’aidant d’un déambulateur. Il leur reste un peu moins de 100 mètres pour rejoindre le ring porcin. « Pas besoin de nous indiquer le chemin » prévient Marie-Chantal.

Nicole Levieux (à gauche) et Marie-Chantal Eudine débarquent au Salon de l’agriculture
Nicole Levieux (à gauche) et Marie-Chantal Eudine débarquent au Salon de l’agriculture

Nicole et Marie-Chantal sont tombées dans le cochon à l’aube des années 2000. Alors que la retraite se profile, la cause du Cochon de Bayeux les réunit. Un véritable sacerdoce qu’elles sont heureuses et fières d’exercer en dépit des dépenses occasionnées. « Tout est à nos frais, déclare Nicole. Cette année, les comptes sont dans le rouge et on va devoir mettre au bassinet pour payer l’assurance ». A une époque, les éleveurs faisaient griller un cochon dans l’année et reversaient les bénéfices à leurs fidèles ambassadrices, mais ce temps est révolu. « On ne va pas demander une cotisation aux éleveurs qui ont déjà assez de charges à payer comme ça », ajoute Marie-Chantal. La ville de Bayeux ? « Faut pas y compter, déplorent les Grandes maitresses, pas copines comme cochon avec le maire de la cité qui semble bouder le boudin, y compris de Bayeux. « On est pourtant la seule confrérie à faire référence au nom d’une ville », souligne Nicole. A moins que ceci n'explique cela.

Le cochon de Bayeux est menacé de disparition :  il demeure 26 élevages et à peu près autant de verrats et une bonne centaine de truies
Le cochon de Bayeux est menacé de disparition : il demeure 26 élevages et à peu près autant de verrats et une bonne centaine de truies

Les deux copines, retraitées d’une compagnie des eaux pour l’une et du Trésor public pour l’autre, sont Non issues du milieu agricole, des Nima octogénaires en quelque sorte. La confrérie est elle-même rattrapée par le problème du renouvellement des générations. « On est les dernières », clament-elles. Tout comme le cochon de Bayeux est menacé de disparition :  il demeure 26 élevages et à peu près autant de verrats et une bonne centaine de truies. « Avec le Brexit, les éleveurs ne peuvent plus s’approvisionner en Angleterre, la race étant issue d’un croisement entre un verrat anglais et une truie normande », explique Nicole, indécrottable sur la « retrempe », pratique reproductrice permettant de préserver la race et la consanguinité sous conditions strictes. « L’insémination, ça ne marche pas, alors faut qu’ils aient envie », pouffe Marie-Chantal. Le taxi n’a pas dû s’ennuyer au retour, même si on imagine aisément les deux Dames ronflotter sur la banquette arrière. Mission accomplie, le Cochon de Bayeux peut dormir sur ses deux oreilles.

La tapisserie de Bayeux s’invite sur la musette des ambassadrices
La tapisserie de Bayeux s’invite sur la musette des ambassadrices