Ours brun : vers une population de 350 spécimens à horizon 2050

C’est la projection établie dans un rapport de l’IGEDD et du CGGAER et basée sur la dynamique de la population dans la cordillère cantabrique en Espagne. Le rapport recommande de réviser le protocole de gestion des ours « en difficulté ou dangereux » dans la perspective de rencontre entre humains et ours potentiellement plus nombreuses. En 2022, on recensait dans les Pyrénées 76 ours responsables de 331 attaques pour 590 animaux tués ou blessés et un coût de 12,6 millions d’euros.

« Préparer les Pyrénées à la possibilité d'accueillir 350 ours à l'horizon de 30 ans, notamment sur les territoires où ils ne sont pas actuellement présents » : telle est la recommandation figurant dans un rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) et au Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER).

Evolution de l’Effectif minimal détecté (EMD) dans les Pyrénées depuis 1995 (Source : Office français de la biodiversité)
Evolution de l’Effectif minimal détecté (EMD) dans les Pyrénées depuis 1995 (Source : Office français de la biodiversité)

Le rapport établit une comparaison des dynamiques de population, du suivi de l’espèce, des méthodes d'intervention (effarouchement, fixation, prélèvement, capture) et des mesures de protection des troupeaux et des ruchers dans deux communautés autonomes espagnoles (Cantabrie et Catalogne), une province autonome italienne (Trentin) et en Slovénie. Ces quatre zones ont été choisies pour les similitudes qu’elles présentent avec les Pyrénées du point de vue des populations, des expériences en termes de suivi et de gestion, de la cohabitation ou encore des pratiques d’élevage.

Une projection à 350 spécimens contre 76 en 2022

En ce qui concerne l’évolution des populations, le rapport relève que la diffusion des ours sur les territoires qui peuvent leur être favorables s’opère progressivement, avec une croissance annuelle de l’ordre de 10%, sauf en Slovénie où la population est régulée.

Répartition de l’ours brun dans les Pyrénées en 2021 (Source : Office français de la biodiversité)
Répartition de l’ours brun dans les Pyrénées en 2021 (Source : Office français de la biodiversité)

Selon le rapport, les Pyrénées sont aujourd’hui dans une situation très comparable à celle de la chaîne cantabrique il y a 30 ans. La ressource alimentaire et les territoires semblent disponibles pour que la croissance de la population soit semblable. Or en1993-1994 la population totale de l’ours cantabrique était estimée entre 60 et 80 individus. Selon l’Office français de la biodiversité, l’effectif minimal détecté (EMD) sur l’ensemble de la chaine pyrénéenne s’établissait à 76 en 2022. Les rapporteurs estiment ainsi « possible » que la population pyrénéenne atteigne, dans les 30 ans, les 350 spécimens, avec une aire de présence en extension. Et de recommander, aux autorités nationales, régionales et départementales, de s’y « préparer ».

"Il est probable que l’augmentation du nombre d’ours en France augmente la probabilité de rencontre humain/ours"

« En raison de l’augmentation probable de la population ursine, la sécurité pourrait devenir un sujet beaucoup plus important en France », estiment les rapporteurs. C’est déjà le cas dans le Trentin avec une population ursine de taille comparable à la France mais avec une densité humaine trois à cinq fois plus importante, les préoccupations de sécurité sont beaucoup plus prégnantes qu’en France.

Evolution du nombre d’attaques d’ours sur le cheptel domestique sur l’ensemble des Pyrénées (France, Espagne, Andorre) depuis 2006 (Source : Office français de la biodiversité)
Evolution du nombre d’attaques d’ours sur le cheptel domestique sur l’ensemble des Pyrénées (France, Espagne, Andorre) depuis 2006 (Source : Office français de la biodiversité)

Dans la chaîne cantabrique, le sujet de la sécurité est aussi en émergence, alors que la densité de population humaine est faible. « Il est probable que l’augmentation du nombre d’ours en France augmente la probabilité de rencontre humain/ours. Il est possible que cela amène des problèmes de sécurité. Le protocole français d’intervention relatif aux ours de 2006 est en cours de révision. Il se saisira immanquablement de ce sujet. Il conviendra de définir une approche progressive de l’évaluation de la dangerosité des rencontres », conseillent les rapporteurs, qui préconisent de ne pas utiliser le qualificatif « ours à problème » qui est compris différemment par les parties-prenantes, suggérant de le remplacer par « ours en difficulté ou dangereux ».

Les principaux enseignements de l’étude comparative :

• la cohabitation ou coexistence de l’ours avec les activités humaines en général et agricoles en particulier est sensible partout mais ne constitue pas systématiquement un sujet politique

• les mesures de protection mises en œuvre dans les différents pays sont toujours issues du triptyque : clôtures, chiens et bergers ; elles sont adaptées aux situations nationales ou locales et la mission n’a pas identifié d’autre mesure efficace qui pourrait être mise en œuvre en France

• l’effarouchement des ours ne constitue pas un sujet de crispation comme en France, l’effarouchement de femelles gravides n’est notamment pas un sujet

• le parangonnage ne permet pas de comprendre pourquoi le nombre d’animaux tués ou blessés par les ours est beaucoup plus important dans les Pyrénées qu’ailleurs, même si le mode d’élevage pastoral spécifique à la France, la taille et le nombre des troupeaux semblent être des facteurs déterminants

• il met par contre en évidence l’importance des dégâts sur les ruches, les cultures fruitières et vivrières ainsi que les déchets (ordures)

• les autres pays ou régions étudiés ne conditionnent pas le paiement des indemnisations à la vérification de l’efficacité des mesures de protection, à l’exception de la Slovénie et du Trentin, sans que la mission ait pu vérifier la mise en œuvre de cette disposition

• aucun des pays ou régions étudiés ne finance, comme la France, les salaires de bergers supplémentaires (30% du coût des mesures de protection en France)

• la mise à disposition des informations liées à l’ours est souvent mieux réalisée dans d’autres pays, ce qui renforce la confiance vis-à-vis des institutions publiques

De 150 individus au début du XXème siècle, la population française d’ours bruns est passée à 70 au mitan du siècle avant de tomber à 5 individus dont une seule femelle en 1995. A la suite de la directive Habitats (1992) qui instaure la protection de l’ours brun, 11 individus ont été relâchés dans le massif pyrénéen à partir 1996/1997. Un premier Plan de restauration et de conservation de l’ours brun a été établi pour la période 2006-2009. Créé en 1983, le Réseau ours brun (ROB) est chargé de recueillir les indices de présence de l’espèce. L'actuel plan d’actions « Ours brun » couvre la période 2018-2028. Il est décliné en plan d’actions annuels, au mode d’élaboration « peu transparent » et aux contenus « insuffisamment précis, difficiles d’accès et non évalués », selon le rapport.

Evolution des dommages « responsabilité ours non-écartée » entre 2007 et 2021 (Source : DREAL Occitanie)
Evolution des dommages « responsabilité ours non-écartée » entre 2007 et 2021 (Source : DREAL Occitanie)