Pâturage : bienvenue dans l’ère des clôtures virtuelles

Dans les Yvelines, le Gaec de Brandelles teste avec la chambre d’agriculture le système de colliers connectés NoFence, qui permet de créer des clôtures virtuelles et de gérer plus facilement le pâturage tournant.

« Il y a une vingtaine d’années, mon père rêvait déjà que l’on puisse inventer une technologie qui permette de se passer de clôtures », raconte Florentin Genty, éleveur de vaches limousines dans les Yvelines. Désormais, cette technologie existe, et la nouvelle génération d’éleveurs ne demande qu’à s’en emparer.

Inventées par la société norvégienne NoFence, les clôtures virtuelles fonctionnent en équipant les vaches de colliers munis de GPS et de panneaux solaires assurant la charge de leurs batteries. Sur l’application web, l’éleveur va définir sur une carte la zone dans laquelle il veut faire pâturer ses bêtes, zone qu’il peut modifier à tout moment. Lorsque l’animal muni du collier s’approche de la limite virtuelle localisée par GPS, un signal sonore est émis, avec une intensité croissante. S’il franchit la limite, une décharge électrique est envoyée (moins forte que celle d’une clôture). Si la vache insiste, une alerte est envoyée à l’éleveur. Sur l’application, celui-ci peut suivre les déplacements de tous les animaux et l’historique des alertes sonores et électriques.

Les colliers NoFence sont munis d'un GPS et d'une batterie avec panneaux solaires (photo A. Magnard)

Une adaptation rapide

Grâce à la chambre d’agriculture d’Ile-de-France, les frères Florentin et Germain Genty, associés au Gaec de Brandelles, testent ce système sur 6 vaches de leur troupeau de 80 limousines depuis le mois de mai. « Nous avons voulu tester ce système pour pouvoir faire du pâturage tournant, relate Florentin Genty. Nous avons des parcelles qui font 18 ha et nous voulons les diviser en plusieurs morceaux pour valoriser au mieux les différentes parties, même celles que les animaux aiment moins ».

Afin de vérifier l’impact de ces clôtures virtuelles sur le comportement des vaches, les éleveurs leur ont également installé les colliers Medria qui permettent de mesurer le niveau de confort des animaux, les chaleurs, les taux d’ingestion et de rumination, etc. Résultat : « après une phase d’adaptation de 3 ou 4 jours, les vaches se sont très bien habituées au système ».

L'apprentissage est progressif : dans un premier temps, une ligne virtuelle a été déterminée au milieu d’un champ clôturé avec de « vraies » barrières. « Au début, on avait peur que les animaux prennent peur et aillent courir dans tous les sens, mais ils ont compris le système au bout de même pas deux heures », témoignent les éleveurs.

Au bout d’un mois, les vaches ont été mises sur une pâture avec une clôture virtuelle le long d’une route. « Elles ne se sont jamais échappées ». « Cela permet non seulement de gagner du temps pour le pâturage tournant mais aussi de faire pâturer les vaches sur des zones qu’elles n’auraient pas pâturées avant, par exemple sous les pommiers le long de la route », indique Germain Genty.

La limite virtuelle de la parcelle s'arrête le long de la route (photo : A. Magnard).

Un investissement encore élevé

Comment les vaches réagissent-elles au changement des clôtures virtuelles ? « Dans le lot, il y en a toujours qui testent les limites, explique Florentin Genty. Lorsque ces « testeuses » se rendent compte que leur collier ne sonne pas, alors elles vont aller voir plus loin et elles comprennent que les limites ont changé. Les autres vont suivre ».

Les frères aimeraient tester ce système à plus grande échelle, « sur un lot de 30 vaches et 30 veaux pour voir le comportement en groupe ». Mais le prix reste pour le moment un frein, avec un coût indicatif de 300 euros par collier, auquel il faut ajouter un abonnement de 60 centimes par animal et par jour de pâturage – un prix de départ qui devrait cependant baisser avec le développement de cette technologie. Autre inconvénient relevé par les éleveurs : l’imprécision de la limite virtuelle, qui peut bouger « d’environ trois mètres ».

Les frères Germain (à gauche) et Florentin Genty possèdent un atelier de 80 vaches limousines et un atelier ovins avec 80 brebis. La grande majorité de leur production est vendue en direct à la ferme (photo A. Magnard).

Les humains à éduquer aussi

Enfin, si les animaux s’habituent en quelques jours, ce n’est pas le cas des humains, qui eux mettent beaucoup plus de temps à s’habituer à l’absence de barrières... « Je ne compte plus le nombre de coups de fil ou de visiteurs venant nous dire « Les vaches se sont sauvées ! », on a même eu droit à la venue des pompiers ! », rigole Florentin. Un affichage, fournit par la société NoFence, a été installé à l’entrée du champ, mais il est peu visible et… en anglais. Une communication plus adaptée sera donc nécessaire, surtout si la technique vient à se généraliser. « Mais il faut aussi éduquer les gens à ne pas entrer dans les parcelles quand il y a des animaux dessus… », conclut Florentin.

L'affichage, fournit par la société NoFence, est en anglais, ce qui ne facilite pas la communication avec les riverains (photo : A. Magnard).