Plan protéines : une stratégie nationale qui brasse large

C’était une promesse d’Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture de 2019. Le chef de l’État affirmait vouloir porter « un plan protéines ambitieux ». Plus de 350 acteurs divers, experts, chercheurs, professionnels, entreprises, associations environnementales, y ont collaboré.

Un chantier inédit, associant productions végétales et animales sur un horizon à dix ans. Julien Denormandie a finalement présenté cette stratégie nationale sur les protéines végétales, dotée de 100 M€ du plan de relance sur deux ans, auxquels s’ajoutent les investissements du Programme d’investissement d’avenir et de BPI-France. Des moyens financiers orientés vers l’amont et l’aval de la filière, jusqu’au consommateur. Trois priorités sont définies : réduire notre dépendance aux importations de matières riches en protéines, notamment le soja venant de pays tiers ; améliorer l’autonomie alimentaire des élevages, à l’échelle des exploitations, des territoires et des filières ; développer une offre de produits locaux en matière de légumes secs (lentilles, pois chiche, haricots, fèves, etc.)..   
Ce plan protéines est pensé comme « une brique importante » à l’« édifice » pour gagner en souveraineté agroalimentaire, a déclaré le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, en conférence de presse le 1er décembre. Aujourd’hui, la France affiche une dépendance vis-à-vis des importations de protéines végétales pour l’alimentation du bétail, d’environ 50 %. Une amélioration de la souveraineté protéique, de dix points, est recherchée en dix ans. Cela passe par un doublement des surfaces de plantes riches en protéines (soja, pois, légumes secs, luzerne, légumineuses fourragères, etc.) pour atteindre 8 % de la SAU en 2030. Couvrant actuellement environ 1 Mha, elles doivent augmenter de 40 % en trois ans, selon une charte sur laquelle se sont engagées les filières de grandes cultures.
« On dit réintroduire les légumineuses, très bien, il faut aussi assurer et accroître les rendements, et leur régularité », notamment en développant des solutions de protection, a souligné lors de la conférence de presse Cécile Détang-Dessendre, directrice scientifique adjointe à l’Inrae. Jusque-là, « la faible taille des marchés n’a pas favorisé le développement par le privé », a-t-elle remarqué. Des recherches doivent en parallèle être conduites sur des « rotations innovantes, peu consommatrices d’azote exogène », selon elle.

Structuration des filières
Cinquante millions d’euros sont destinés à la structuration des filières légumineuses. L’un des freins identifiés dans la production légumineuse vient du manque d’organisation et d’investissements de la part de l’aval de la filière : manque de débouchés rémunérateurs, absence de silos pour stocker les récoltes... Des soutiens financeront les outils de production, stockage et distribution. Cet effort portera sur les investissements dans les capacités de séchage des légumineuses fourragères (luzerne), les capacités logistiques et de transformation des graines riches en protéines et des aides à la structuration de filières, au travers de projets collectifs.
Le plan pourra aussi contribuer à financer l’acquisition de matériel servant au transport, des bennes à grand volume par exemple, ou encore la création d’outils de trituration des graines. Tout cela doit permettre de réduire la dépendance aux importations de matières riches en protéines, notamment le soja importé de pays tiers. « L’organisation des filières et la reconnexion, dans les territoires, des productions végétales et animales devraient favoriser le transfert entre prairies et terres arables » mais aussi « la production d’animaux nourris localement », d’où une réduction de la dépendance au soja importé, a souligné Cécile Détang-Dessendre.

Investissements
chez les agriculteurs
Vingt millions d’euros sont prévus pour améliorer l’autonomie alimentaire des élevages. L’enveloppe est répartie pour moitié en faveur de l’investissement matériel, l’autre dans l’achat de semences. Ce soutien, à hauteur de 40 % de l’acquisition de semences, doit permettre d’améliorer les prairies existantes. Au moins 100 000 hectares pourront ainsi être enrichis en espèces de légumineuses fourragères, d’après le ministère. L’herbe constitue « la principale source de protéines » des ruminants, a insisté Marc Pagès, directeur général d’Interbev (interprofession du bétail et des viandes). Pour introduire des légumineuses fourragères, il faut « jouer sur la diversité des espèces, des variétés », les utiliser « pures ou associées », a-t-il expliqué, en citant la luzerne, le trèfle violet. « Le développement des prairies et des fourrages à haute teneur en protéines est une priorité pour nos élevages de ruminants », à ses yeux. Le plan accompagne également les agriculteurs dans leurs investissements en matériel spécifique à la production de légumineuses à graines et fourragères et à leur valorisation à la ferme (récolte, tri, stockage, séchage, transformation de graines...).
Exemple, certaines fermes améliorent déjà leurs pratiques agricoles en utilisant un toaster. Cette machine grille les graines pour l’alimentation des bovins, ce qui les rend plus digestes et permet une meilleure assimilation des acides aminés constitutifs des protéines. Elle peut coûter jusqu’à plus de 120 000 euros dans le cas des toasters mobiles, un investissement éligible aux aides du plan protéines.
Actions de recherche, développement et innovation
Vingt millions d’euros visent des mesures de recherche, développement et innovation. Il s’agit d’assurer la compétitivité des légumineuses par rapport à d’autres productions. Plusieurs projets d’intérêt collectif sont en ligne de mire : compléter l’évaluation des variétés pour aider l’agriculteur à un choix optimal en fonction de son contexte ; mettre en place un réseau d’expérimentation « soja bio robuste » ; déployer plus de trois cents fermes de démonstration sur l’autonomie fourragère en élevage de ruminants ; concevoir un observatoire sur les productions et usages de matières premières végétales riches en protéines.

Innovation dans les entreprises
Sept millions d’euros sont par ailleurs dédiés à l’innovation en matière d’obtention variétale et de développement de nouvelles formes de protéines. Concernant les entreprises de sélection, l’idée est de pallier leur désintérêt pour les légumineuses, lié à une faible demande. Elles bénéficieront d’un soutien à la recherche sur de nouvelles variétés de légumineuses. Le plan de relance accompagnera aussi l’innovation pour développer les protéines végétales et alternatives (insectes, microalgues...) dans l’alimentation animale au travers d’un partenariat avec BPI-france.
Toute start-up impliquée dans le développement de produits, de technologies ou de services innovants pourra bénéficier d’un accompagnement par la banque publique d’investissement. Des conseils personnalisés et de l’assistance réglementaire feront partie de l’aide fournie. De plus, le ministère de l’Agriculture va se munir d’une entité chargée de suivre ces entreprises.

Promotion
en alimentation humaine
Enfin, trois millions d’euros doivent assurer la promotion de la consommation de légumes secs (lentilles, pois chiche, etc.) dans l’alimentation humaine. Des conventions seront signées entre FranceAgriMer et les interprofessions pour mener des campagnes encourageant une plus grosse part de protéines végétales dans le régime alimentaire des Français, particulièrement des enfants, en ligne avec les recommandations du Programme national nutrition santé.