Polyculture-élevage, pourquoi ça marche ?

Sébastien Valteau, Clément Traîneau et Emmanuel Bernard, trois éleveurs passionnés, partagent leur expérience réussie en polyculture-élevage. Ce système ancestral allie rentabilité et durabilité pour une agriculture pérenne.

Aujourd’hui, je pense avoir réussi ma vie professionnelle”, affirme Sébastien Valteau, éleveur et agriculteur en Anjou. “J’ai même donné envie à mes enfants de reprendre mon exploitation”. 

Éleveur de vache à viande de race Parthenaise, Sébastien Valteau a pourtant commencé en élevage laitier biologique. “Je n’ai pas repris la ferme familiale, mais une exploitation en liquidation en 2000 et j’ai commencé mon activité en 2003. A l’époque, je n’avais qu’une vingtaine de vaches”. Cinq ans plus tard, il se tourne vers la production de viande et agrandit progressivement son cheptel de 40 génisses à 120 mères. Parallèlement, il cultive 70 hectares de semences biologiques en rotation, avec des productions de quinoa, sarrasin et blé. "Je pratique deux ans de culture et cinq années de prairies", explique-t-il. Les veaux sont nourris en bio avec des fourrages extérieurs, et Sandra, sa femme, les engraisse en conventionnel sur sa propre exploitation agricole.

Deux activités qui se complètent. Exemple d'un système en polyculture-élevage.

Dans les prairies verdoyantes, les vaches de Sébastien pâturent tranquillement. "On peut voir de la chicorée, des graminées et différents types de trèfles", indique Clément Traîneau en désignant le pré. "L'herbe doit être la première source d'alimentation des vaches", précise Emmanuel, soulignant l'importance de la présence d'espèces végétales variées qui enrichissent le sol en matière organique et favorisent une complémentarité élevage-culture efficace. Par conséquent, rien n'est laissé au hasard y compris la réduction de l’intervalle vêlage vêlage pour diminuer les coûts alimentaires. "On est tout de même sur un système de rente", rappelle Emmanuel. "Et c'est un plus au niveau environnemental."

Quels sont les avantages financiers ? 

Je ne mets pas tous mes oeufs dans le même panier”, explique Sébastien Valteau “et il s’avère que la polyculture-élevage est plus rentable. Pour diversifier ses revenus, l’éleveur a équipé les toits de son exploitation avec des panneaux photovoltaïques. “⅓ de mes revenus proviennent de l’activité d'élevage, ⅓ de mes cultures et ⅓ de la vente de mon électricité”, détaille-t-il. Clément Traîneau, également polyculteur-éleveur dans la région avec 80 vaches blondes d’Aquitaine, voit aussi un intérêt économique, “en allongeant la rotation des prairies, j’utilise moins de fertilisants et d’intrants pour mes cultures. J’améliore ainsi mes marges”. L'efficience économique est positive".

Une agriculture durable

La rotation longue des prairies et le fumier des vaches permettent de maintenir des sols fertiles, de nourrir les animaux et de stocker du carbone. “La part des prairies est beaucoup plus forte que lorsque  j’étais en système laitier”, constate Sébastien Valteau. Pourtant, cette forme d'agriculture vertueuse  et synergique est fragile. En France, la filière élevage est en difficulté et la décapitalisation bovine gagne du terrain. Une aberration, alors que la France encourage la souveraineté alimentaire et la réduction des émissions de carbone. “Chaque hectare de prairie qui disparaît, c’est 80 tonnes de Co2 libérées”, s’indigne Emmanuel Bernard “le maintien de l’activité d'élevage et donc des prairies a de vrais impacts environnementaux. C'est un  équilibre pour tout le territoire”. Les prairies assurent également une meilleure rétention de l’eau dans le sol, un avantage crucial face aux pluies incessantes de ces derniers mois. En tant qu’éleveur, “il n’y a pas de meilleur modèle pour préserver les sols, gérer sa ressource en eau, stocker le carbone, produire une viande de qualité et s’assurer des revenus. C'est la meilleure façon d'entretenir le capital foncier sur une exploitation”, conclut Emmanuel Bernard.