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Porc français : une autosuffisance en baisse, une consommation en hausse
La filière porcine française, longtemps considérée comme un pilier de la souveraineté alimentaire, est actuellement confrontée à un défi majeur : la baisse de production et des contraintes de plus en plus lourdes pour les éleveurs. Cette situation soulève des questions cruciales sur la capacité du secteur à maintenir son équilibre économique et environnemental. Thierry Meyer, premier vice-président de l'interprofession porcine, éclaire sur les enjeux et les perspectives de la filière.
La filière porcine française a toujours été caractérisée par un équilibre subtil entre importations et exportations. Thierry Meyer précise : “on ne consomme pas un porc en entier, on mange en réalité des morceaux”. Certaines parties ne sont pas utilisées en France car elles ne font pas partie de nos habitudes alimentaires. Ces pièces sont donc exportées. "On a la chance d'avoir comme premier client la Chine, qui consomme des produits à base de pieds, à base d'oreilles, des produits qui apportent de la valeur". Cependant, la Chine connaît un contexte économique en berne, et exporte moins. A cela, s’ajoute une baisse de production française qui fragilise la balance entre exportation et importation.
Contrairement à certaines rumeurs, Thierry Meyer clarifie : “la France n’importe aucun produit porcin de Chine, ni des pays tiers”. Bien qu’elle soit quasiment autosuffisante, la France importe exclusivement de l’Union européenne, principalement d'Espagne, soumise elle-aussi à des normes strictes. Ce sont des produits typiquement espagnols, patanegra, jambon sec …
L’évolution de la production nationale peine à répondre à la demande croissante
Selon Thierry Meyer, “la consommation en 2024 a progressé de +1,4 % en 2024 par rapport à 2023”. Face à ce défi, il souligne : “la priorité est bien au maintien de la production pour répondre à la demande et ainsi empêcher un déferlement d’importations. Malgré le retour à la stabilité de la production française de porc en 2024 (+0,3%) et une légère augmentation à + 1,1 % des tonnages produits (2,08 millions de TEC), sa capacité à couvrir la demande nationale a reculé à 98 % contre 99 % en 2023”.
Pourquoi la France connaît-elle une baisse de sa production ?
Depuis plus de vingt ans, le cheptel porcin français a continué de se contracter, avec une perte d'environ 200 000 truies depuis 2012. Cette tendance s'accompagne d'une réduction du nombre d'élevages, notamment ceux de taille moyenne et grande diminuant de 28 % depuis 2012. “Les contraintes réglementaires empêchent les investissements nécessaires pour l’avenir”, appuie Thierry Meyer. La concurrence internationale, notamment de l'Allemagne et de l'Espagne, est également un défi majeur. Ces pays ont modernisé leurs élevages pour réduire les coûts et augmenter la concentration d'animaux. Entre nuisances pour les voisins et image catastrophique de l’élevage intensif en France, les installations et les modernisations des bâtiments sont compliquées. “Mais qu’est-ce que l’élevage intensif ?”, s’est interrogée la présidente d’INAPORC, Anne Richard lors de la conférence de presse de l’interprofession le 20 février dernier. “Ce n’est pas une question de taille. Vous pouvez avoir 300 truies dans un espace de 50 m2, c’est considéré comme un élevage intensif”.
De plus, après 2 ans de crise due à la flambée du coût des matières premières pour l’alimentation des porcs, beaucoup d’éleveurs avaient cessé leur activité en France.
“Porc Français”, gage de qualité
Pour valoriser ses produits, la filière a mis en place un logo apposé sur les emballages alimentaires contenant du porc pour mieux guider le consommateur. La qualité du porc français est reconnue grâce à des démarches rigoureuses. Le logo "Porc Français" garantit que l'animal est né, élevé et transformé en France selon des cahiers des charges stricts. Comme le souligne Thierry Meyer, "c'est un signe reconnaissable, signifiant également que les professionnels s'investissent pleinement pour donner du plaisir aux consommateurs."
Le bien-être animal est un autre enjeu crucial pour la filière. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à cette question. Ce que promet une autre initiative “Demain le porc”, une démarche de responsabilité sociétale de la filière avec pour objectif de réduire de 25 % l’impact carbone d’ici 10 ans à volume de production constant. Ce qui implique des investissements dans des installations plus spacieuses et confortables pour les animaux, ainsi que la formation des éleveurs aux meilleures pratiques en matière de bien-être animal.
Quelles solutions envisagées par la filière ?
Pour faire face à la baisse de production, la filière porcine française repense à son modèle économique et environnemental. La production porcine a en effet des conséquences sur l'environnement, notamment en termes d'émissions de gaz à effet de serre et de gestion des effluents. Cependant, la filière travaille activement à réduire cet impact à travers des pratiques d'élevage plus durables en partie grâce à des investissements dans du matériel et des technologies plus respectueux de la planète, sans pour autant réduire son cheptel. Selon Thierry Meyer, "les producteurs ont plein de projets d'investissement afin de répondre et s'ils ont des projets d'investissement, c'est qu'économiquement ça va bien". Cependant, le défi principal reste de maintenir l'auto-approvisionnement, pour préserver l’équilibre économique, compétitif et environnemental de la filière.