Prix du blé : vers l’infini et au-delà ?

Un prix du blé à 400 €/t pour la nouvelle récolte 2022 ? Il y a quelques jours, ce seuil psychologique semblait si difficile à franchir en raison du frein qu’il pourrait constituer pour les acheteurs. Et voilà qu’il a été dépassé le 12 mai, établissant un nouveau record.

[Edito] Le manque de blé ukrainien sur le marché mondial en raison de la guerre reste un élément de soutien des cours. Selon les experts, la production ukrainienne de blé serait amputée d’un tiers par rapport à l’an dernier, avec une baisse de 11,5 millions de tonnes, et les exportations du pays divisés de moitié.

Dans un rapport qui était très attendu des analystes, le ministère américain de l’agriculture (USDA) a dressé ce 12 mai un premier aperçu de la production et des échanges mondiaux pour la campagne 2022-2023. Selon l’USDA, la production mondiale de blé est estimée à 774,8 millions de tonnes (Mt), en baisse de 4,5 Mt par rapport à 2021-2022. C’est la première fois depuis quatre ans que la production mondiale de blé serait en diminution. Le rapport affiche par ailleurs une hausse du commerce mondial de blé à un niveau record. Conséquence : les stocks de fin de campagne se retrouveraient au plus bas niveau depuis six ans. L’Union européenne, en particulier, affiche un stock de fin de campagne historiquement faible, à 10,61 Mt.

Ce rapport très haussier est venu accentuer la lancée des cours du blé vers un horizon qu’il est difficile d’imaginer, tant les incertitudes (géopolitiques, climatiques…) sont désormais exacerbées. Rappelons-nous qu’il y a un an, le blé se négociait aux alentours des 200 €/t…

Gagnants et perdants

A cette extrême tension des bilans mondiaux viennent d’ajouter les facteurs climatiques qui, aux quatre coins du globe, annoncent des récoltes moins importantes que prévu : l’Inde, qui fait face à une canicule record depuis le mois de mars, pourrait voir sa production chuter de plusieurs millions de tonnes ; aux Etats-Unis, la sécheresse menace les cultures d’hiver (seules 29% des surfaces de blé d’hiver y sont jugées bonnes à excellentes) tandis que le climat humide au Nord perturbe les semis de printemps ; plusieurs pays du Maghreb ont connu un hiver particulièrement sec, à l’image du Maroc qui a subi sa pire sécheresse depuis 30 ans ; enfin chez nous, le déficit de précipitations et le risque de sécheresse font craindre une baisse des rendements des céréales d’hiver. Selon FranceAgriMer, les conditions de culture des céréales en France se sont nettement dégradées, le blé tendre perdant 7 points cette semaine.

A contrario, il est un pays où les perspectives de rendements, de production et d’exportation sont bonnes, voire très bonnes : la Russie, qui conserve sa place de grenier du monde malgré la guerre sans merci livrée par Poutine sur le continent européen. Selon l’USDA, le pays resterait cette année le premier exportateur mondial de blé. Les sanctions internationales et les contraintes logistiques lui mettront-ils des bâtons dans les roues ? Rien n’est moins sûr, tant le pays a réussi à se rendre indispensable, aussi bien sur le front de l’énergie et des engrais, que sur celui des grains.