Produire et entreprendre pour assurer l’avenir de l’agriculture

Interview d'Arnaud Rousseau, président de la FNSEA.

Arnaud Rousseau était en visite en Haute-Vienne le 9 avril à l’invitation de la FDSEA 87. Il s’est rendu au Pôle de Lanaud et au Ciirpo, deux hauts lieux de l’élevage de la Nouvelle-Aquitaine. Il y a rencontré les OPA et les éleveurs locaux. Sans langue de bois, Arnaud Rousseau a partagé l’ambition de la FNSEA pour l’élevage. Une vision dans laquelle la FNSEA joue pleinement son rôle d’interface avec les pouvoirs publics et qui place les territoires et le collectif au centre de la réussite. Entre bilan des manifestations, revenus et PAC, le président de la FNSEA a exhorté les éleveurs à s’extraire de la sinistrose ambiante et à s’engager, l’avenir de la production n’étant pas dans les aides publiques.
 

Après ces dernières semaines et le bras de fer entre le monde agricole et le Gouvernement, vous êtes au cœur même d’une région d’élevage qui souffre plus que toutes les autres du contexte actuel, quel est le message que vous souhaitez faire passer aux éleveurs aujourd’hui ? Quelle est votre vision de l’avenir de l’élevage ? Quelles sont les actions à mettre en place de toute urgence ?
 

AR. La mobilisation qui a été la nôtre ces dernières semaines a été le résultat d’un manque de vision politique du Gouvernement pour l’agriculture. Le projet de la FNSEA c'est de porter le goût d'entreprendre en agriculture sur les territoires, des territoires vivants et dynamiques. Or, si l'on veut pouvoir développer des projets aujourd'hui, il faut un avenir. Plusieurs questions se posent : qui va produire ? Pour quels revenus ? Pour quels marchés ? Ma vision du développement, c’est avant tout une vision « filière » dans laquelle on construit de la valeur que l’on répartit tout au long de la chaîne avec le consentement du consommateur, pour de la viande de qualité, de proximité dans un modèle d’élevage majoritairement à l’herbe. Je suis convaincu que l'on peut créer de la valeur et mener certaines réflexions plus avant, celle sur l’engraissement par exemple. Si je suis là aujourd'hui, c’est à la fois pour expliquer où on en est, parler de la vision de l’élevage que porte la FNSEA et aussi écouter les éleveurs. Il est vrai que beaucoup se posent des questions sur le sens du métier, les attentes de la société mais, pour ne parler que du prix, il faut tout de même reconnaître que l’on a traversé des périodes plus compliquées. Certes, tout est loin d’être parfait mais il faut attirer des talents et parler positivement du métier.
 

La question des revenus est une question centrale dans les revendications des agriculteurs. Elle ne peut être dissociée de la compétitivité de l’agriculture française. Que faut-il aujourd’hui à l’agriculture française pour regagner de la compétitivité et sécuriser ses revenus ? L’accès à l’eau est-il une des conditions ?
 

AR. Le revenu ne se décrète pas, il se construit. D’abord sur les volumes, donc la capacité à produire. À ces volumes est liée la question du prix et c’est à rapprocher de tout le travail mené pour aboutir aux EGAlim et à la construction du prix en marche avant. Il faut s’assurer aussi que l’on a un marché « qui tire », ce qui est le cas actuellement. D’autres facteurs extérieurs entrent également en jeu : l’étiquetage des produits, leur origine, les importations. Comment faire pour ne pas importer de la viande qui ne respecte pas nos standards et nos coûts ? De la viande produite dans des conditions qui ne sont pas celles que l’on exige de l’agriculture française ? Cela passe aussi par la maîtrise des charges. On voit bien que l’on peut avoir de gros écarts d’une exploitation bovine à une autre et il est essentiel de s’interroger sur ses choix techniques : l’autonomie fourragère, les bâtiments,… La compétitivité est enfin liée aux politiques publiques : la PAC, la politique de l’eau et à la question de l’énergie. Tous ces éléments permettent de sécuriser le revenu. Aujourd’hui, le prix de la viande est en hausse et pourtant les questionnements sur les revenus demeurent ; le prix n’est qu’un élément du revenu.
 

Seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin, est-ce que l’engagement de tous et notamment des JA est la condition sine qua non pour aboutir ?
 

AR. Oui évidemment ! Le travail que nous menons depuis des mois avec les Jeunes Agriculteurs est en train de porter ses fruits. Nous sommes en train d’ouvrir des chantiers qui étaient de côté depuis des années. Ainsi, la mesure fiscale et sociale que le Gouvernement s’est engagé à mettre en place en 2024 pour les exploitations d’élevage, y compris celles aux faibles revenus est intéressante. Même chose pour ce qui est prévu dans le cadre de la loi EGAlim, l’accompagnement pour une assurance prairie, le plan élevage, l'augmentation du seuil d'exonération des plus-values, l'augmentation du forfait… Beaucoup de sujets ont été ouverts. Il faut maintenant redonner des perspectives, veiller aussi à protéger les marchés en termes de réciprocité. Le combat que nous menons avec JA est important et au-delà de ce combat, je veux parler aussi de tout le travail conduit avec les organisations professionnelles agricoles, les coopératives, les réseaux sanitaires,… C’est ensemble que nous construisons une politique d’avenir, des perspectives d’avenir et que nous attirons des jeunes.