Quelles solutions pour maintenir des vaches en "froideur" ?

Le Cniel a inventorié les moyens de préserver les vaches laitières des chaleurs excessives en bâtiment, préjudiciables à leur santé et à leurs performances. Avant d’envisager la ventilation mécanique ou la brumisation, d’autres pistes méritent d’être explorées et ne dépendant pas que des seuls bâtiments.

Augmentation de la fréquence respiratoire, de l’halètement, du temps de position debout, réduction de l’activité, augmentation de la température corporelle, réduction de l’ingestion et de la rumination, baisse de la production laitière, baisse des taux butyreux et protéique, baisse des performances de reproduction, incidences sur la santé de la mamelle, fatigue, boiteries, impacts métaboliques... Le stress thermique et les fortes chaleurs ont de fortes incidences sur la physiologie et le comportement des vaches laitières et par voie de conséquence sur les performances du troupeau.

« Les conditions de thermoneutralité des vaches laitières se situent entre 2°C et 15°C, explique Bertrand Fagoo, chef de projets spécialisé en bâtiments d’élevage pour ruminants à l’Institut de l’élevage. Leur ressenti est différent de celui des humains. Elles peuvent supporter jusqu’à -10°C, -20°C si elles sont bien nourries et à l’abri des courants d‘air. A partir de 15°C, elles vont commencer à s’adapter et la notion de stress thermique commence à partir de 21°C ressenti ».

Avec la température, l’hygrométrie, la vitesse de l’air et le rayonnement direct et indirect sont les autres paramètres conditionnant la physiologie des vaches et se trouvent compilés dans un indicateur (HLI), à la base des études menées par l’Institut de l’élevage.

Trois leviers indépendants des bâtiments, sauf que...

La lutte contre le stress thermique ne se joue pas seulement au niveau de l’infrastructure des bâtiments. L’institut de l’élevage insiste sur deux paramètres que sont l’alimentation et l’abreuvement. Sur ce point, l’eau doit être disponible en qualité et en quantité. L’accès à l’eau doit être facilité avec des abreuvoirs répartis dans le bâtiment, et avec suffisamment d’espace autour de chaque abreuvoir pour éviter la monopolisation de ces lieux rafraîchissants par les vaches dominantes. Des bacs additionnels peuvent compléter le dispositif en période de fortes chaleurs.

S’agissant de l’alimentation, la rumination produisant beaucoup de chaleur, les vaches vont avoir tendance, en période chaude, à réduire leur ingestion de fourrages et à trier l’aliment et notamment la partie fibreuse. Il faudra veiller au bon équilibre de la ration, à l’alimentation minérale complémentaire, sans hésiter à modifier les rythmes de désilage et de distribution (tôt le matin et tard le soir plutôt qu’une distribution unique en fin de matinée). L’utilisation de silos ouverts au nord ou à l’est est préférable l’été avec un avancement rapide du front d’attaque afin de favoriser une bonne conservation de l’aliment, tout en veillant aussi à ce que l’auge soit protégée du rayonnement du soleil.

Les solutions d’ombrage au pâturage constituent un troisième levier mais peuvent s’avérer être naturellement insuffisantes (arbres éparses), matériellement couteuses (voiles d’ombrage, abri) ou chronologiquement déphasées (plantations de haies, agroforesterie). En l’absence de prairies ombragées, le pâturage sera privilégié de nuit et en tout cas pas en plein soleil. Si le confort et la disponibilité en nourriture n’est pas assurée en prairie, il est préférable de conserver les vaches en bâtiments les après-midi chaudes. Le confort au sein des bâtiments devient donc une donnée à prendre en compte dans la majorité des systèmes d’élevage.

Ventilation naturelle et lutte contre le rayonnement

A l’intérieur des bâtiments, la parade contre le stress thermique passe par la maximisation de la ventilation naturelle et la réduction du rayonnement solaire. Pour contrer celui-ci, à la conception, il faut réduire la hauteur des murs les plus exposés (sud, sud-ouest et ouest), proscrire les plaques translucides (sinon les blanchir comme les serres), privilégier les couleurs claires et un faitage classique au détriment d’un dôme éclairant amplifiant l’effet de serre. L’ajout d’isolants ou de débords de toiture peut être réalisé sur des bâtiments existants.

Pour accroître la ventilation naturelle, une palette de solutions est envisageable : ouverture des portails non exposés au soleil, démontage de bardages en partie basse (façades est et nord), aménagement de bardages articulés ou coulissants, lames réglables, guillotines, rideaux... Selon l’Institut de l’élevage, l’aire d’attente, premier lieu d’inconfort dans un bâtiment, réclame une attention particulière.

Ventilation mécanique, brumisation et douchage

Si l’ensemble de ces leviers s’avère insuffisant, la ventilation mécanique peut être envisagée pour accroître la vitesse de l’air dans le bâtiment dans une fourchette comprise entre 1 m/s et 3 m/s pour garantir l’efficacité sans générer de poussière. De nombreux types de ventilateurs et gaines sont proposés. L’Institut de l’élevage met en avant l’importance d’avoir des flux homogènes dans l’ensemble du bâtiment, de façon à ne pas générer des phénomènes d’agglutination contre-productifs.

Selon ses estimations, pour une ventilation mécanique, amortissement et consommation électrique inclus, il faut compter entre 47€ et 80€ par vache et par an pour un bâtiment de 64 vaches.

S’agissant de l’eau et du douchage, ces solutions ne peuvent se concevoir qu’avec une ventilation mécanique pour ne pas risquer de générer ou d’aggraver des problèmes d’humidité (climat humide, litières humides, mauvaise évacuation des déjections liquides).

Avant d’envisager de tels investissements, l’Institut de l’élevage insiste sur la nécessité d’activer tous les autres leviers évoqués plus haut. « Tous les troupeaux ne sont pas égaux, indique Bertrand Fagoo. Certains sont plus résilients que d’autres. Le préalable, c’est de viser un confort animal au top, en s’enquérant des conditions de logement, d’alimentation et d’abreuvement ». Dans tous les cas, l’Institut de l’élevage recommande de se tourner vers les techniciens spécialisés et présents partout via différents organismes.