[Reconversion] Coralie décoiffe les aprioris

Coralie Guillemot a 20 ans. Depuis septembre, elle est de retour au lycée, en 2de bac pro agroéquipements au Robillard. La jeune adulte se réoriente après des études dans le domaine de la coiffure. Il y a deux ans, elle ne connaissait rien au milieu agricole.

« Jusqu’au collège, j’ai eu un parcours classique. J’ai eu mon brevet avec mention bien, résume Coralie Guillemot. Je suis née dans l’Essonne. Mes parents ont déménagé en Normandie, à Vimont, quand j’avais quatre mois. J’ai deux grands frères avec lesquels j’ai quatorze et seize ans d’écart. » En 3e, pour son stage découverte, Coralie choisit le secteur de la coiffure. « De ce que j’ai vu, ça m’a plu. J’en avais marre des maths et du français. Je voulais me réorienter. »

« Ne pas lâcher »

Sans que ce soit une vocation, Coralie part en CAP coiffure au lycée Lépine à Caen. « J’aurais préféré faire un bac », regrette-t-elle. En deuxième année de CAP, tombent la pandémie de covid et son lot de cours en visio. « Ce n’est pas le mieux pour avoir de l’expérience. » Elle valide ses années et décide de poursuivre, sans que pousse une véritable fibre capillaire. « Je ne voulais pas lâcher. J’ai suivi une mention complémentaire coupe couleur coiffage en un an. » Deux semaines avant de passer l’examen, son père décède brutalement. « C’était fulgurant », glisse-t-elle avec pudeur. Coralie obtient son diplôme. On est fin juin 2021. La jeune femme cherche pendant l’été « un patron pour suivre un BP. J’étais recalée à chaque fois, car je manquais de niveau et d’envie. »

Rencontre avec Éric

Un mois avant le décès de son papa, Coralie rencontre Éric, « par le réseau de connaissances ». Coup de foudre et coup du destin : il porte le même prénom que son père. Éric travaille comme salarié chez Geoffroy de Lesquen, agriculteur à Valambray. Entre deux refus dans les salons de coiffure, Coralie moissonne. « J’ai découvert l’agriculture. Ça m’a plu ! J’ai aimé l’ambiance. » Elle passe les mois d’automne sans « rien faire de concret. Je venais à la ferme. Je conduisais le tracteur dans le champ. » Elle s’inscrit finalement en service civique dans une école élémentaire. Et revient traîner ses baskets à la ferme les mercredis. Avec le retour de l’été, sa mission se termine. Nouvelle orientation à prendre.

Les mains dans le cambouis

Encouragée par Éric et ses parents, Coralie tente un CS tracteurs et machines agricoles au Robillard, en alternance dans l’exploitation de Valambray. « Je suis stressée et angoissée. Ici, je suis en confiance, j’ai mes marques. » Geoffroy de Lesquen décide de lui donner sa chance. « C’était un an pour découvrir. Il y avait une incitation fiscale à prendre des alternants. J’ai dit OK. Ça s’est très bien passé. » Coralie apprend « le B.A.BA de l’entretien. J’ai adoré la conduite, moins la mécanique et les mains dans le cambouis. Mais il faut le faire ». Surtout, elle touche du doigt ses premières notions d’agronomie et trouve un sens à ce qu’elle fait. « J’ai eu des encouragements énormes des profs. J’ai eu envie d’aller plus loin. »

Le retour du français et des maths au lycée

En l’occurrence, elle lorgne sur le BTSA productions végétales. Mais pour ça, il faut le bac. « Coralie est courageuse, sérieuse et consciencieuse. Même si je n’ai pas besoin d’une alternante toute l’année, je veux lui donner sa chance », soutient Geoffroy de Lesquen, qui lui propose de la prendre en apprentissage bac pro agroéquipements au Robillard. Il fait ses calculs, entre l’embauche de saisonniers, le salaire de Coralie exonéré de charges et une aide de l’État : « j’ai un delta de 6 500 €/an ». Depuis début septembre, Coralie est donc inscrite en 2de. Elle retrouve, sur les bancs du lycée, des élèves de 15 ans. « Ce n’est pas facile, admet-elle. Je suis la seule majeure. Mais au moins, je ne suis pas distraite, je ne parle pas à Pierre, Paul, Jacques. » Elle doit surtout renouer avec les cours de maths et de français. « Les autres sont dans la continuité du collège. Moi, pas du tout. Mais Geoffroy m’encourage. Il est à l’écoute. Ça compte. Et mon père m’avait dit qu’il fallait que je passe un bac. C’est resté dans ma tête. Là, c’est une façon de lui rendre hommage. »