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Revenu : les agriculteurs sortiront-ils de l’effet ciseaux en 2024 ?
La moisson 2024 est encore entourée de flou sur le plan économique. Didier Roinson et Sylvain Roy, de Cerfrance Seine Normandie et Cerfrance Poitou-Charentes, estiment la marge brute 2024 du blé tendre et l’analysent au regard des précédentes campagnes, dans deux territoires opposés : la Haute Normandie et le Poitou-Charentes.
« Ici sur les départements de l’Eure et de la Seine-Maritime, les potentiels de rendement sont intacts en céréales, à l’exception des quelques bas-fonds : nous pourrions obtenir 85 q/ha en moyenne ». De plus, toute la sole de blé a pu être semée moyennant des retards, signale Didier Roinson, chargé des méthodes au Cerfrance Seine Normandie. « Selon mes estimations, la marge brute du blé tendre en 2024 sera meilleure qu’en 2023 » annonce-t-il.
En effet, l’expert mise sur une diminution des charges d’engrais pour la campagne 2024 d’environ 20 à 40 %. « Je rappelle que le coût par ha avait grimpé de 40 % entre 2022 et 2023, et plus que doublé par rapport à 2021 ».
En revanche, les charges liées à la protection des cultures devraient augmenter. « En diminuant le choix possible, la réglementation met une pression sur les prix. De plus, la météo est propice aux maladies ». Au total, le montant de ce poste pourrait être 10 à 25 % supérieur à 2023, selon Didier Roinson.
Chaque année, la proportion de semences de ferme compense les éventuelles augmentations de prix, d’où des coûts stables. Avec un prix de vente envisagé à 225 €/t, la marge brute blé avant travaux par tiers en 2024 serait légèrement supérieure à la moyenne olympique depuis 2017 : aux alentours de 1200 €/ha. Cependant, l’expert insiste sur le caractère privilégié de son secteur : « Ce n’est pas représentatif de la moyenne française ».
En Aquitaine, « on s’attend à beaucoup de structures en grosses difficultés financières »
Dans la Vienne, le Poitou et la Charente, les rendements s’annoncent très hétérogènes… quand les surfaces ne sont pas tout bonnement parties en jachère. « Plus de 1000 millimètres sont tombés depuis le 15 octobre dans certains secteurs, alors que la pluviométrie annuelle de cette grande région est de 650 mm. Les terres sont très hétérogènes et cela se ressent ».
Avec la baisse des engrais, 1300 € de chiffre d’affaires en moyenne seraient nécessaires par hectare de blé pour couvrir les charges opérationnelles, les charges de structure et la rémunération du travail du chef d’exploitation à 2 SMIC. En comparaison, 1422 €/ha auraient été nécessaires l’an dernier. « Les charges de structure ont augmenté à cause de l'inflation et des cotisations sociales élevées après deux bonnes années » explique Sylvain Roy, conseiller d’entreprise au CER France Poitou-Charentes.
« Le marché a beau être porteur, il faut avoir des productions à mettre en marché ! Ici, les charges de structures sont similaires au nord de la France, alors que nous sommes en zone intermédiaire et que les résultats décrochent vite. On s’attend à beaucoup de structures en grosses difficultés financières. » (6 exploitations sur 10 en système « grandes cultures » ont un excédent brut d’exploitation négatif en 2023 en Aquitaine). « La capacité des cultivateurs à faire face aux années difficiles dépend de la destination de l’argent gagné les bonnes années » rappelle Didier Roinson. En l’occurrence, le résultat de 2022 était exceptionnellement bon mais depuis, la campagne 2023 a plombé les trésoreries.