Salers x angus : croisement gagnant

Le Gaec de Puybasset à Carlat expérimente la production de bœufs castrés salers croisés angus en bio et engraissés à l’herbe.

En cet après-midi quasi estival, à quelques mètres de la voie romaine qui descend du Plomb du Cantal, l’œil bienheureux du randonneur ne voit rien d’autre qu’un beau troupeau acajou profitant d’une sieste ombragée. À y regarder de plus près, un détail pourrait interpeller le connaisseur de la gent bovine au milieu de ce placide troupeau du Gaec de Puybasset : ce mâle polled, plus petit et trapu que ses supposés congénères de la race, un gabarit profond associé à un chignon plus clair, des os plus fins...
Capitaliser sur la précocité de l’angus
Ce beau taureau de six ans, baptisé Numérobis, n’est en effet pas un salers mais un angus rouge, le premier acheté il y a deux ans par Hervé et Simon Lacalmontie auprès d’un éleveur du Morvan afin de procéder à du croisement sur leur cheptel de 37 mères. Leur projet : produire des bœufs castrés bio en capitalisant sur la précocité de l’angus pour fournir, dès
30 mois, des carcasses correctement finies avec une alimentation majoritairement à l’herbe. “On souhaitait valoriser notre production non plus en broutards, dont on ne maîtrise pas les cours, mais en viande finie avec une meilleure rémunération du travail de l’éleveur, de la qualité et du bio”, explique Hervé Lacalmontie, installé en 2008 en reprenant la soixantaine de salers du troupeau de son père, conduit en croisement charolais (60 %). Une stratégie qui s’accompagnera d’une réduction du cheptel mais aussi d’un vrai confort pour les éleveurs. L’angus est en effet une race non seulement précoce, naturellement polled(1), facile à conduire, prisée pour sa docilité mais aussi très rustique, et ne nécessitant que très peu de complémentation. Un vrai bon point pour cet élevage en agriculture biologique, confronté à des surcoûts notables pour tous ses achats, a fortiori en année sèche : “Lors des épisodes de sécheresse, on ne fait pas de bon regain, pas de bons broutards et côté alimentation, en bio, c’est encore plus coûteux et moins rentable”, résume Hervé Lacalmontie. “Cela s’inscrit également dans la cohérence globale de notre exploitation, en fournissant des animaux finis pour un marché local et national”, complète son benjamin Simon, qui l’a rejoint sur l’exploitation en 2013 en implantant un premier atelier de diversification : des pommes de terre bio de plein champs. Autre argument militant pour ce choix : “En bio, on peut moins garder les animaux dedans pour les engraisser l’été,  le fait qu’ils soient rapidement prêts à l’herbe est un atout”, explique Hervé.
Maîtriser la castration
Dès sa première année d’activité, Numérobis, rejoint depuis par un second taureau angus, a parfaitement rempli sa mission, 5 des 13 génisses issues de ce premier croisement salers-angus ont été conservées pour le renouvellement ; quant aux mâles, leur castration s’est avérée un poil plus ardue qu’imaginée. Pratiquée à l’élastique, le taux de réussite n’a pas été celui escompté..., ne dépassant pas un tiers et obligeant à vendre ces mâles restés entiers en broutards. “On défriche et on apprend sur le tas”, sourit Simon, pas le moins découragé par ces premiers déboires et confiant d’être, avec cette production, dans l’ère du temps avec une viande salers croisée angus prisée des brasseries parisiennes et des bouchers, avec “une tendreté qui se garde plus longtemps” et des morceaux plus petits. “Ce qu’on perd en gabarit, on le compense en rendement carcasse du fait d’os plus fins mais aussi par une meilleure valorisation des fourrages”, avancent les frères Lacalmontie, qui ne souhaitent aucunement tourner le dos à la salers, mais expérimenter une nouvelle voie en phase avec leur fibre d’éleveur.

(1) Les veaux salers de l’élevage étaient jusqu’à présent écornés.