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Salmonelles : vacciner les poules pour protéger les humains
Alors que l’Influenza fait figure de menace existentielle pour les gallus et palmipèdes, la filière œuf de consommation se dote d’une arme nouvelle contre la 2ème zoonose la plus fréquente en Europe qu'est la salmonellose. Vacciner les poules protège les humains, c’est l’illustration parfaite du concept « One health ».
Ces derniers mois, dans la filière poules pondeuses, l’urgence, c’est la lutte contre l’Influenza aviaire. Mais derrière cette épizootie ravageuse se cache un autre fléau, la salmonellose, la 2ème zoonose la plus fréquente en Europe et contre laquelle la filière œuf de consommation vient de se doter d’une arme nouvelle. Les éleveurs de pondeuses et toute la filière œufs de consommation l’attendaient depuis de nombreuses années : un vaccin contre les salmonelles, facile à administrer, et qui vient enfin d’être autorisé pour les poules pondeuses en France. Cela faisait près de 20 ans que ce type de vaccin existait déjà en Angleterre, Allemagne, Autriche, Belgique… Comme souvent, la France faisait « exception » et les éleveurs français n’avaient pas accès aux mêmes outils de protection que leurs voisins européens.
Certes en France, la vaccination contre les salmonelles n'était pas interdite, mais elle était autorisée seulement avec des vaccins inactivés, qui requièrent une injection : en pratique, vacciner des dizaines de milliers de futures poules pondeuses n’était pas une mince affaire : cela demande du temps et de la main d’œuvre, éléments de plus en plus rares dans la filière.
Certains groupements pratiquaient quand même cette vaccination par injection. « Chez les éleveurs de Terrena, c’était systématique », commente Régis Onillon, responsable de Noréa, la filière ponte de la coopérative. Mais ce n’était pas le cas partout. Le nouveau vaccin autorisé est un vaccin vivant atténué : il peut être distribué dans l’eau de boisson des poulettes, un protocole d’administration plus simple, qui devrait donc agrandir le nombre de troupeaux protégés.
Une zoonose parfois mortelle pour l'Homme
Mais au fait pourquoi vacciner les poules contre les salmonelles ? Parce que les salmonelles sont, encore aujourd’hui, des agents zoonotiques préoccupants. Selon le rapport de l'Efsa, « The European Union One Health 2021 Zoonoses Report », 60.000 cas humains de salmonellose ont été dénombrés en 2021 dans l'Union européenne. Ils ont entrainé 12.000 hospitalisations et 71 décès.
Les salmonelles sont présentes dans des produits très variés : œufs, produits de boulangerie, plats préparés, produits laitiers, viandes... Les crises récentes, avec le lait infantile de Lactalis, et les chocolats Kinder ont mis en évidence cette diversité des sources de contamination. Toutefois, ce sont les œufs qui représentent la voie de contamination la plus importante : ils pèsent environ 40 % des contaminations.
Les salmonelloses liées à la consommation des œufs, le Royaume-Uni en sait quelque chose : le 3 décembre 1988, un scandale d’œufs contaminés aux salmonelles est révélé par la presse et, en une nuit, les ventes d’œufs chutent de 50 %. Ce n’est qu’avec la mise en place d’un cahier des charges très strict, le Lion code, dont l’un des piliers est la vaccination obligatoire, que l’œuf britannique a pu remonter la pente… au bout de 30 ans d’efforts ! Autant dire que les éleveurs français n’avaient aucune envie de se retrouver dans la même situation.
La France mauvaise élève ?
Lorsqu’elles contractent des salmonelles, les poules ont généralement très peu de troubles. Les bactéries se multiplient dans leur intestin, colonisent les organes et pénètrent à l'intérieur des cellules, dont celles du tract reproductif. Les œufs peuvent être contaminés à l'intérieur comme à l'extérieur de la coquille. Même guéries, les volailles restent porteuses de la bactérie.
Les autorités sanitaires européennes portent donc une attention particulière aux troupeaux de pondeuses. Leur préconisation : pas plus de 2% d'échantillons positifs aux sérotypes dangereux de salmonelles parmi tous les prélèvements réalisés. En 2021, la moyenne européenne était de 1,3% de prévalence des sérotypes dangereux. Avec 2,3% en 2021 et même de 2,55% en 2020, la France avait donc franchi le seuil de sécurité.
Pour comparaison, avec un nombre de tests à peu près équivalent, l'Allemagne avait une prévalence de 0,48%, comme la plupart des pays qui vaccinent massivement leurs poules pondeuses. Vacciner ne se substitue pas à tous les autres protocoles de lutte contre les salmonelles, qui sont aussi drastiques en Allemagne qu’en France. Pour Yves-Marie Beaudet, le président du CNPO (Comité national de la promotion de l’œuf), cela « vient juste resserrer les mailles du filet sanitaire ».
En plus d’être plus facile à distribuer, le vaccin vivant semble aussi être plus efficace. C’est en tout cas ce que suggère le laboratoire Elanco, l’un des fabricants de ce type de vaccins : les vaccins vivants (atténués, non pathogènes pour l’homme et les poulettes) ont l'avantage d’apporter une protection locale – effet d’inhibition de compétition et sécrétion d’anticorps spécifiques IgA dans le tube digestif - et une protection générale - immunité cellulaire - en plus de l'immunité humorale (anticorps dans le sang IgG).
Aménager les protocoles de surveillance
Seul petit défaut du vaccin vivant : ses souches peuvent répondre positivement aux tests rapides de détection des salmonelles. C’était sans doute là l’un des points qui freinait les autorités sanitaires françaises : en cas de positivité à un test rapide, et en cas de vaccination, il faudra faire un test PCR pour caractériser la séquence génétique de la salmonelle, ou un antibiogramme, les souches vaccinales ayant un profil spécifique de sensibilité aux antibiotiques.
Autorisée depuis fin février 2023, la vaccination des poules pondeuses avec des vaccins vivants s’étend peu à peu en France, « même si le prix est relativement élevé », note Régis Onillon, le responsable de Noréa. Elanco constate le même engouement : « Les vétérinaires n’ont pas trainé après la parution de l’arrêté ».
Cet outil de prévention arrive à point nommé pour soutenir une filière qui a beaucoup souffert lors des dernières vagues épidémiques d’Influenza aviaire. Plusieurs millions de poules pondeuses ont été abattues ces derniers mois, réduisant d’environ 10% le potentiel de production français.