Santé du poulain. La prise de colostrum essentielle dans les premières heures de vie

Santé du poulain nouveau-né : Lorsque le poulain nait, il est immédiatement en contact avec des agents pathogènes présents dans l’environnement. Sa survie va dépendre principalement des anticorps absorbés lors de la prise de colostrum.

Comme pour tous les mammifères, l’avenir de l’animal se joue souvent dans les premières heures de vie, voire dès la gestation. Cela nécessite une attention particulière.

Le poulinage, une phase à haut risque

Le poulinage doit avoir lieu dans un endroit le plus propre possible, avec suffisamment de place pour permettre à la jument de se lever et se coucher sans entrave. Si on doit intervenir, on le fera avec des gants et du matériel propre. Les manœuvres obstétricales se feront avec douceur, la paroi utérine de la jument étant fragile et les infections post-poulinage sont malheureusement fréquentes, et en cas de dystocie, il faut faire intervenir le vétérinaire le plus rapidement possible. Dès la naissance, le poulain va être en contact avec des agents pathogènes (bactéries, virus). Il dispose naturellement de plusieurs barrières de protection, physiques (la peau et les muqueuses), immunité non spécifique (macrophages), en revanche son immunité spécifique (anticorps) est nulle.

La prise du colostrum, le plus tôt possible…

Le placenta de la jument ne laisse pas passer les grosses molécules, le poulain nait donc dépourvu d’anticorps (immunoglobulines - IgG), éléments indispensables à sa protection contre les infections. Il commence à fabriquer les siens vers 3 semaines mais son immunité ne sera pleinement efficace que vers 4 – 5 mois. En attendant, sa protection est assurée par ceux contenus dans le colostrum (premier lait de sa mère). La jument produit 1,5 à 2 litres de colostrum dans les 24 heures qui suivent le poulinage. Du fait d'une perméabilité décroissante au niveau de son intestin grêle, l’absorption du colostrum par le tube digestif du poulain est optimale dans les 6 heures suivant la naissance et correcte dans les 12 heures. Ensuite, son absorption est beaucoup moins efficace entre 12 et 24 heures et il n’est plus absorbé après 24 heures.

… en contrôlant la qualité…

L’idéal est d’évaluer la qualité du colostrum avant la tétée par la teneur en IgG. Cela peut se faire simplement et instantanément à l’aide d’un réfractomètre :

  • > 50 g/l = bon colostrum. S’il en reste quand le poulain a tété, on peut prélever 200 ml sur une mamelle, l’étiqueter, le congeler et il se conservera 12 à 18 mois.
  • 28 g/l ‹ colostrum < 50 g/l = colostrum médiocre
  • < 28 g/l = colostrum pauvre en anticorps. Un colostrum de mauvaise qualité est observé lors de carences alimentaires ou sur certaines juments (primipares, juments âgées, juments ayant du mauvais colostrum chaque année).

… et en évaluant la quantité à administrer

Dès que le poulain se lève, il faut essayer le faire téter. Si le poulain n’est pas réactif ou présente des difficultés à téter, il faut le tenir au chaud, traire la jument et donner 250 à 500 ml au biberon. Le poulain devra prendre le biberon de façon active et sans contrainte. Le réflexe de succion apparait normalement au bout de 20 minutes, s’il est faible, il ne faudra rien administrer au biberon au risque de fausse déglutition (passage dans les poumons) mais faire administrer le colostrum à la sonde par le vétérinaire. La quantité totale de colostrum à distribuer est estimée à 1,5 l mais comme nous l’avons vu, c’est à mettre en relation avec le moment de la tétée : plus elle sera tardive, plus il faudra en faire boire au poulain.

Des mesures à mettre en œuvre en cas de doute…

Si le colostrum est de qualité moyenne ou si on estime que la quantité ne suffira pas, plusieurs solutions sont possibles :

  • Supplémenter le poulain avec du colostrum de jument de qualité et donner au moins 1 litre en prises de 250 à 500 ml toutes les heures. S’il est congelé, réchauffage au bain-marie à 40°C maximum. Si on chauffe trop, les protéines sont dénaturées et le colostrum perd de sa qualité.
  • Distribuer du colostrum de vache mais la protection conférée sera moins spécifique et de courte durée pour ce dernier.
  • Des préparations colostrales sont disponibles sur le marché, présentées en pâte orale ou en poudre lyophilisée. Il faut s'assurer que ces préparations sont suffisamment riches en IgG et destinées au poulain et non à une autre espèce, sinon l'efficacité sera réduite.

… ou après avoir vérifié la qualité du transfert immunitaire

La qualité et la durée de la protection du poulain (transfert de l’immunité) est fonction de la concentration des anticorps dans le sang du poulain. En cas de doute, on peut effectuer un dosage des IgG directement dans le sang du poulain âgé de 12 heures ou plus. Il existe un test simple d’utilisation et rapide (quelques minutes) SNAP Foal Test. A 24 heures, il doit être supérieur ou égal à 8 g/l. Lorsque cette concentration de 8 g/l n’est pas atteinte, le déficit du transfert de l’immunité entraîne un risque plus important pour le poulain d’avoir une infection dans ses deux premiers mois de vie. On observe cela dans 30 % des cas, principalement :

  • Si le colostrum est de mauvaise qualité (concentration en immunoglobulines < 60 g/l).
  • Si la quantité de colostrum ingérée est insuffisante ou trop tardive
  • Si la jument a perdu du colostrum avant le poulinage
  • Si le tube digestif du poulain est immature, notamment s’il est prématuré.

En dessous de 4 g/l et si le cabinet vétérinaire est équipé, administrer du plasma de la mère par voie orale (1 litre) dans un délai de 18 heures après la naissance ou, si on a dépassé ce délai, par transfusion sanguine.

Attention à l'ictère hémolytique

L’ictère hémolytique est une pathologie qui survient quand la jument a été immunisée contre les globules rouges de son propre poulain. Elle produit alors des IgG, présentes dans le colostrum, qui vont détruire les globules rouges du poulain qui devient anémique. Dans les cas où il y a un risque d’ictère hémolytique (antécédents de poulain à ictère chez la jument, tests de groupe sanguin), on musèle le poulain à la naissance pour qu’il ne boive pas le colostrum de sa mère car une seule tétée peut provoquer l’ictère. On administrera alors au poulain un colostrum de substitution. Pour la jument, il faut la traire, jeter son colostrum et on peut remettre le poulain sous la mère 48 heures après la naissance ou dès qu'elle ne produit plus de colostrum (en utilisant le réfractomètre).

Les sérums en complément, une protection immunitaire spécifique

Les équidés sont très sensibles au tétanos et la protection conférée par le colostrum de la mère est souvent insuffisante. C’est pourquoi l’injection d’un sérum antitétanique à la naissance est recommandée. Attention, il s’agit bien d’un sérum, donc injection directe d’anticorps, et il faudra prendre impérativement le relai avec une vaccination, à partir de 2 mois si la mère n’était pas vaccinée, vers 5 – 6 mois si elle était vaccinée. Si l’hygiène globale ne peut pas être maitrisée ou si l’élevage a été confronté à ces maladies, on peut compléter par l’injection d’un sérum trivalent équin, qui offre une protection contre la septicémie colibacillaire, la salmonellose et la pasteurellose.

Les premières heures de vie sont déterminantes

L’attention de l’éleveur se portera sur l’hygiène autour du poulinage, les soins au poulain nouveau-né, le transfert immunitaire et la prévention de pathologies spécifiques. Cela fait partie des mesures de biosécurité à appliquer également pour les équidés. Pour plus de renseignements, vous pouvez vous rapprocher de votre vétérinaire ou de nos services.

Dr Boris BOUBET – GDS Creuse – www.gdscreuse.fr