Silphie : ne pas se fier aux oracles...

Particulièrement résistante aux extrêmes climatiques, la silphie fait de plus en plus parler d’elle en France, présentée comme une solution aux sécheresses.

Résistante aux hivers québécois (jusqu’à - 30°C), au manque comme à l’excès d’eau(1), chiche en fertilisation tout comme en frais de récolte et entretien, riche en protéines, prisée des abeilles comme du petit gibier, répulsive pour les sangliers, dotée d’une durée d’exploitation pouvant dépasser les 15 ans... : la silphie perfoliée a plus d’un atout dans sa graine à tel point que certains n’hésitent pas à la présenter comme une plante miracle, la solution aux sécheresses à répétition, appelée à
supplanter le maïs.
Prometteuse mais... coûteuse
Une vision que tempère d’emblée Marc Peilleron, responsable du RID, le service Recherche et développement de la chambre d’agriculture du Cantal, qui a décidé, face à l’intérêt des agriculteurs sur le terrain, de tester le potentiel et le rendement de cette culture à rhizome dans les conditions pédo-climatiques du département. Sage précaution  quand on connaît le coût d’implantation de cette Astéracée proche des 2 000 € l’hectare pour un semis de 4 kg/ha... Certes, l’investissement se fait pour 15 à 20 ans(2) mais il mérite de s’assurer des performances de cette supposée plante idéale.
“Ça fait partie de nos misions. Constituer des références sur une culture a priori prometteuse mais coûteuse. Quels que soient les résultats, ce n’est pas une plante miracle, elle doit davantage être considérée comme un complément fourrager sécurisant la ration et permettant aux éleveurs d’atteindre leurs objectifs d’autonomie fourragère et protéique”, souligne Marc Peilleron, précisant qu’au-delà de 50 % dans la ration, la silphie peut provoquer des cas d’acidose dans le troupeau.
Tester avant d’adopter
L’essai, conduit en partenariat avec le groupe Dephy de Châtaigneraie et le GVA de Lafeuillade, a été implanté le 2 juin dernier sur une parcelle de 2 500 m2 à Vezels-Roussy chez un éleveur allaitant en bio : “Si elle se développe correctement en bio, alors ça marchera en conventionnel”, estime l’agronome, qui compte mettre toutes les chances du côté de cette expérimentation par le recours si besoin à l’irrigation. “Le but du jeu est de conduire cette culture classiquement comme une prairie sachant que comme toute plante à longue durée de vie, on n’intervient pas la première année. On considère qu’il faut deux années pour qu’elle exprime pleinement son potentiel de rendement”, poursuit le responsable du RID. Cette implantation avec une herse étrille et un petit semoir automatique doit assurer un inter-rangs plein, donc éviter la concurrence des adventices. En conventionnel, un désherbage en première année peut être envisagé pour avoir une culture propre. Côté fertilisation, 30 à 40 m3 de lisier “font très bien l’affaire”, éventuellement remplacés par un apport d’ammonitrate au printemps en conventionnel. La silphie doit sa résistance à son enracinement profond (jusqu’à 2 m de profondeur), qui lui permet une bonne alimentation en eau et éléments nutritifs.
Sécuriser les stocks fourragers
La première récolte de cette astéracée, qui peut atteindre 3 à 3,5 m selon les sols avec une floraison abondante de mi-juillet à fin septembre, est programmée avant floraison au printemps 2022 (enrubannage ou ensilage), une seconde à l’automne suivant. Objectif escompté : 13 TMS, avec une valeur alimentaire (0,7 à 0,85 UFL) certes inférieure à celle d’un maïs mais une plus grande richesse en protéines (11 à 15 % de MAT). La silphie présente en outre une forte appétence et digestibilité qu’elle soit ensilée ou enrubannée. Une fois récoltée en deuxième année (2023), le RDI pourra ainsi quantifier le rendement et la valeur alimentaire pour les bovins de cette culture. “Si les résultats sont satisfaisants, il est fort probable qu’on installe un autre essai dans le département, potentiellement sur le secteur de Saint-Flour dont le groupe Dephy est lui aussi intéressé”, projette Marc Peilleron.

(1) Elle peut résister jusqu’à trois mois en cas d’immersion en période hivernale.
(2) En fin de cycle, la destruction des rhizomes nécessite un travail profond, avec déchaumeur à disques et un labour avant l’implantation d’une céréale pour étouffer les éventuelles
repousses.