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Transmission : « On ne sait pas quand on va céder, mais on est prêts »
Transmettre leur exploitation constitue une étape importante dans la vie des agriculteurs. Au lieu de la voir comme une fin de carrière, il est possible d’envisager cette transmission comme un nouveau projet, que l’on prépare des années à l’avance. Eleveurs laitiers en Vendée, Anne et Pascal Mollé se mettent en ordre de marche pour transmettre leur ferme d’ici quelques années.
Il n’y aura pas de quatrième génération sur la ferme familiale. Pascal et Anne Mollé, respectivement 58 et 54 ans, mari et femme associés au sein du Gaec Le Marronnier à Grosbreuil (85), ont désormais bien intégré le fait qu’aucun de leurs trois enfants n’est intéressé par le métier d’agriculteur. Ni même leur famille élargie ou leur entourage : personne ne semble tenté par la reprise de leur ferme de 100 hectares, 100 vaches et 800 000 litres de lait livrés à la coopérative Terra Lacta.
Pas question cependant pour le couple de renoncer à la transmission de leur ferme, dans laquelle ils se sont investis depuis 37 ans pour Pascal et 25 ans pour Anne. En plus de la production laitière, Pascal y a développé sa passion pour la génétique Prim’Holstein. « C’est une passion qui dure », assure-t-il.
S’arrêter avant d’être usés
Ce qui ne va pas durer, en revanche, en tout cas, pas trop longtemps, c’est leur carrière professionnelle : « On a envie de repos, on veut s’arrêter avant d’être usés et on veut transmettre dans les meilleures conditions ». Le « déclic » de cette envie commune, ils l’ont eu il y a un an, alors qu’un de leurs amis témoignait dans le cadre du salon Tech’élevage de La Roche sur Yon (85). Et c’est dans ce même salon, qui fait toujours une large place à l’installation et la transmission, qu’ils ont, à leur tour, témoigné de leur parcours vers la transmission.
« On a pas mal anticipé, on voulait être proactifs. On pense que plus on s’y met tôt, plus on aura de leviers à notre disposition ». Point d’orgue de ce cheminement dans leur projet : une formation collective à la transmission, réalisée sur 4 journées espacées sur 2 mois. Cette formation leur a permis de faire le point sur l’ensemble des aspects de la transmission : juridiques, fiscaux, financiers…, mais aussi sur ce que cherchent les candidats à l’installation, ou encore sur les façons de présenter leur ferme.
« Ça nous a fait ressortir ce qui nous manquait, raconte Pascal, par exemple, on s’est aperçu qu’on avait laissé filer des choses qui peuvent peser sur la transmission, comme les anciens comptes associés ou l’absence de baux sur certaines surfaces… ». « On n’avait pas encore fait ces démarches. Mais le jour de la transaction, tout sera à jour », ajoute Anne.
Bâtir une annonce sérieuse et attractive
« On a aussi appris à savoir se vendre, poursuit Anne, comment on fait une annonce sérieuse et attractive, comment on accueille les candidats, comment on se présente. Dans la formation, on fait des jeux de rôles. On a compris ce qu’il fallait améliorer pour satisfaire les candidats et les points sur lesquels se caler entre nous et avec l’entourage ».
Se mettre d’accord en amont sur les points critiques est en effet très important : entre cédants, ou entre cédants et associés qui restent : ce n’est pas le jour de la visite d’un éventuel repreneur qu’il faut afficher un désaccord ou une hésitation. « C’est pour cela que c’est mieux de venir ensemble à la formation », estime Pascal.
Un des points sur lesquels on observe le plus de désaccords, c’est le devenir de la maison d’habitation. Pour les Mollé, même si cela a heurté certains membres de leur famille, la décision est prise : la maison d’habitation sera vendue en même temps que la ferme. « Elle va avec l’exploitation, assure Pascal. Certes, c’est un patrimoine familial, mais ce que l’on transmet, c’est une entreprise agricole, un outil de travail. Et la maison en fait partie ».
Un foncier sécurisé : un atout énorme
Autre sujet souvent sensible : le foncier et sa sécurisation à long terme. Sur ce point, Pascal Mollé n’a pas eu besoin de la formation pour s’y intéresser : il siège depuis plusieurs années au sein de la Commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA 85), en charge notamment d’émettre des avis sur les dossiers d’installation, et il sait à quel point le foncier est fondamental. « Depuis deux ans, nous avons racheté 40 hectares. On a contacté nos propriétaires, certains n’auraient pas pensé vendre, ou avaient encore des attaches, mais ils ont fini par être d’accord et saisir l’opportunité de vendre. Aujourd’hui, nous sommes propriétaires de 80 % de notre surface, que nous pourrons louer au futur repreneur ».
Encore un peu « jeunes » pour la transmission, les Mollé se voient partir « d’ici 3 à 4 ans ». « Mais si on a un acheteur avant, on est prêts ». Le couple est également très souple sur l’accompagnement du repreneur : « S’il le souhaite, on lui donnera un coup de main. Mais sinon, on coupera. On a plein de projets ».
Quant au plus « beau diamant » de l’exploitation, le patrimoine génétique du troupeau, Pascal Mollé est aussi prêt à le laisser à une valeur plus proche de sa valeur d’usage que de sa valeur réelle. « Les acheteurs de génétique d’élite sont rares ». Mais achat du troupeau ou pas, Pascal sait que son travail perdurera : l’un de ses taureaux vient juste de rentrer en station. « J’ai commencé à acheter de la génétique en 1988. Et aujourd’hui, c’est moi qui en vends. Pour un éleveur, c’est le graal : notre génétique va être diffusée ».