Tribunal de Moulins : Les agriculteurs scandalisés

Près de 200 agriculteurs s'étaient rassemblés devant le tribunal judiciaire de Moulins pour contester la condamnation des associés du Gaec du Nord-ouest de l'Allier à 50 000 euros d'amende.

Ils étaient nombreux devant les grilles du Palais de Justice de Moulins vendredi dernier pour dénoncer le verdict en date du 6 avril dernier condamnant les associés du Gaec d'éleveurs de porcs à 50 000 euros d'amende dont 25 000 euros avec sursis.

Une seule infraction retenue
Une instruction judiciaire qui faisait suite à la diffusion, sur les réseaux sociaux, d'une vidéo tournée par l'association L214 dont certains membres s'étaient introduits illégalement dans les bâtiments d'élevage de l'exploitation.
Le tribunal n'a finalement retenu qu'une des quatre infractions à l'origine de la plainte de L214, celle de « caudectomie systématique », une pratique préventive qui consiste en un sectionnement d'une partie de la queue des porcelets âgés de trois jours pour éviter que les animaux, à l'âge adulte, ne se blessent. Et, il a en effet motivé sa décision sur la base de l'arrêté du 16 janvier 2003 établissant « les normes minimales relatives à la protection des porcs entretenus à des fins d'élevage et d'engraissement ».

Un régime dérogatoire
C'est en fait une pratique commune à tous les élevages, en France comme en Europe, à l'exception de deux pays que sont la Finlande et la Suède. La faute à l'absence de solutions alternatives satisfaisantes et éprouvées. Les associés du Gaec mis en cause indiquent d'ailleurs qu'ils ont simplement suivi les recommandations du vétérinaire qui leur avait recommandé la caudectomie systématique sur leur élevage, à titre préventif.

Rassemblement initié par la FNSEA 03 et les JA 03
Vendredi dernier, c'est donc spontanément qu'à l'initiative de la FNSEA 03 et des Jeunes Agriculteurs de l'Allier, environ 200 agriculteurs ont décidé de se retrouver devant le tribunal judiciaire, rue de Paris à Moulins, en soutien aux éleveurs concernés mais aussi pour dénoncer
un acharnement sur leur profession comme l'a clamé au porte-voix Patrice Bonnin, président de la Chambre d'agriculture de l'Allier : « il était indispensable qu'on apporte le soutien, notre soutien, de l'ensemble de la profession à la famille d'agriculteurs mise en cause. Ce rendu de justice représente tout un symbole pour notre métier. Et le mot symbole prend tout son sens ici ; il est tout le contraire d'anecdotique. C'est le symbole du monde agricole, de notre métier qui est attaqué aujourd'hui. Comment un tribunal peut arriver à rendre des jugements comme cela. Des jugements plus cléments sur des infractions ou des délits commis lors « d'activités illégales » sont rendus chaque jour. Celui qui est rendu aujourd'hui à l'égard de cette famille d'éleveurs de porcs, nous paraît aussi injuste qu'inapproprié. Comment ne pas penser qu'il n'y a pas une discrimination sociale envers le monde agricole.»

Patrice Bonnin : « Nous sommes les piliers aux bords d'une république à laquelle nous croyons »

Patrice Bonnin qui déplore également que qu'aucune personne ne soit sortie du tribunal pour venir à la rencontre des représentants de la profession : « j'ai vu que l'on était même filmés par certains à l'intérieur de l'enceinte judiciaire, mais c'est bien dommage que personne ne soit venu s'enquérir de notre démarche. » Interpellant les occupants de l'institution judiciaire, le
président de la Chambre d'agriculture de l'Allier insiste : « je vous applaudis de ne pas sortir de vos bureaux ! Ayez au moins le courage de venir devant pour regarder la réalité des choses et rencontrer les gens qui se lèvent le matin, ces agriculteurs qui vous font vivre, qui vous nourrissent avec la toute simplicité du monde ».
Plus généralement, « comment peut-il y avoir des personnes qui s'offusquent des conditions d'élevage et qui ne s'offusquent que très peu de ce qui se passe à côté de chez nous ? En Ukraine, des populations entières sont massacrées et on ne les écoute pas ! Par contre, on les écoute quand on coupe les queues des cochons tout simplement pour leur bien-être et ainsi permettre à l'exploitation de se faire normalement dans toute la simplicité de notre métier.
Comment peut-on être aujourd'hui condamnés, nous, simples agriculteurs qui nous levons le matin, qui croyons en ce que nous faisons. Nous sommes les piliers aux bords d'une république à laquelle nous croyons. Demain, il y a des élections. Des bouleversements se préparent et le monde agricole est prêt à bouger ».

Patrice Bonnin : « Ceci est la démonstration d'une écologie hors-sol ... »

Des professionnels de l'agriculture qui exprimaient à cette occasion leur « ras-le-bol d'être attaqués sur leur manière de vivre, de travailler. Il y a des bien-pensants ici comme ailleurs
qui croient que l'écologie aujourd'hui est le maître-mot du Monde et qu'il faut qu'on vive avec seulement de l'électrique et ne plus manger de viande. Ce n'est pas la réalité des choses.
Ceci est la démonstration d'une écologie hors-sol et politique et seulement politique. Loin d'une écologie pragmatique et de terrain.»
Un rassemblement pacifique pour l'instant
Une mobilisation des Jeunes Agriculteurs, venus, eux aussi, montrer leur mécontentement qu'ils ont exprimé par la voix de leur président, Cédric Fournier : « cette manifestation s'est montée très rapidement suite à ce jugement inacceptable. Ce rassemblement était là en solidarité à la famille d'éleveurs mais parce qu'aussi, nous les jeunes, nous serons confrontés de plus en plus souvent à ce type d'attaque, tout au long de notre carrière ». Cédric Fournier qui entend aussi « mettre un coup de pression sur le tribunal » en indiquant « que cette fois-ci c'était un rassemblement pacifique mais que la prochaine fois ça risque de ne pas être la même chose ».
Les associés du Gaec concerné ont décidé de faire appel du jugement.