Vers une définition de la ferme bas-carbone avec CarbonThink

Dans le Grand Est, le consortium CarbonThink engage 200 diagnostics carbone destinés à établir un référentiel régional en grandes cultures. Au-delà du rapport coûts/bénéfices de la décarbonation, le projet vise à qualifier une ferme bas-carbone, dans l’optique de capter des financements complétant ceux du Label bas carbone.

Quel est le potentiel de crédits carbone susceptibles d’être générés par les différentes systèmes de grandes cultures dans la région Grand Est ? Quel est le coût de revient des pratiques bas-carbone ? Quels sont les bénéfices associés ? Quelle valorisation escompter et auprès de quels acheteurs ? Et pour quelle rentabilité finale ? Tel est le chantier auquel s’attèle le consortium CarbonThink, réunissant cinq partenaires techniques (AgroSolutions, I4CE, INRAE, Planet A, Terreasolis), avec le soutien financier de la région Grand Est et de l’UE.

Un référentiel des pratiques bas-carbone

Le consortium n’est pas totalement novice en la matière. L’an passé, il a réalisé une première tranche de dix diagnostics carbone. « Cette première action nous a permis de tirer des enseignements généraux mais la faible représentativité de l’échantillon s’est traduite par une dispersion importante des résultats, déclare Etienne Lapierre, chargé de mission à Terrasolis. La réalisation de 200 diagnostics va nous permettre de créer une base de données et d’analyse beaucoup plus solide et de créer un référentiel en matière de pratiques bas-carbone, à l’image de ceux créés en élevage avec les programmes Carbon Dairy et Carbon Life Beef en élevage bovin ». Ces deux programmes sont à l’origine du Label bas carbone (LBC) déployé par France Carbon Agri depuis l’an passé.

Etienne Lapierre : « Le label bas carbone permet de certifier l’amélioration du bilan carbone d’une exploitation mais il ne certifie pas sa performance intrinsèque »
Etienne Lapierre : « Le label bas carbone permet de certifier l’amélioration du bilan carbone d’une exploitation mais il ne certifie pas sa performance intrinsèque »

Les diagnostics de CarbonThink seront achevés d’ici à la fin de cet hiver. Le consortium en finance 75 sur les 200, le solde étant fourni par les Bons diagnostic carbone réservés aux jeunes installés de moins de cinq ans dans ce cadre du Plan de relance.

Percer le plafond de verre des 30€/t

Les diagnostics vont permettre d’explorer tous les leviers permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de maximiser la séquestration de carbone dans les sols. Mais pas seulement. « L’objectif est de quantifier le potentiel de crédits carbone et de calculer leur prix de revient, poursuit Etienne Lapierre. Ces deux éléments constitueront la base des discussions dans les négociations avec les futurs acheteurs de crédits carbone ».

Si les dix diagnostics réalisés en 2021 n’étaient pas représentatifs, ils avaient néanmoins permis de pointer le coût de la transition ou plus exactement le surcoût de la transition au regard du prix moyen de la tonne de carbone valorisée sur le marché volontaire. L’objectif de CarbonThink est de percer le plafond de verre des 30€/t payés à l’agriculteur, en portant à la connaissance des acheteurs des éléments objectifs et en y additionnant les co-bénéfices de la décarbonation (érosion, qualité de l’eau, biodiversité...).

Qu’est-ce qu’une ferme bas-carbone ?

Si le Label bas carbone permet de vendre des crédits en dehors du champ de l’agriculture, CarbonThink espère aussi sensibiliser les industries agroalimentaires désireuses d’améliorer leur propre bilan carbone et sur lequel interfèrent leurs approvisionnements en amont au sein du périmètre dit Scope 3. En effet, plus les exploitations seront vertueuses et plus les industries pourront elles-mêmes tendre vers la neutralité carbone, ce qui mériterait au passage une gratification, que CarbonThink imagine sous la forme d’une prime de filière. « Cette approche nécessite de définir ce qu’est une ferme bas-carbone, explique Etienne Lapierre. Le label bas carbone permet de certifier l’amélioration du bilan carbone d’une exploitation mais il ne certifie pas sa performance intrinsèque. La réalisation des 200 diagnostics contribuera à esquisser cette qualification de la ferme bas-carbone dans notre région ». Outre les filières, CarbonThink a aussi dans son viseur les financements publics, dont ceux des Régions à travers par exemple la Maec forfaitaire « transition bas carbone » de la prochaine Pac.

Cette définition de la ferme bas-carbone permettrait au passage de surseoir à deux limites du Label bas carbone que sont d’une part sa limitation dans le temps (deux fois cinq ans) et d’autre part son principe d’additionnalité (transition au-delà des pratiques usuelles et des astreintes réglementaires). Mais elle aurait aussi pour effet de pointer les exploitations « haut-carbone ». Gare au principe du pollueur-payeur...