Zéro herbicide en vigne : un coût à quatre zéros

Les Chambres d’agriculture ont passé au crible 18 exploitations viticoles sur différents bassins. Sur la base d’une perte de rendement de 10%, la diminution du résultat courant par actif familial se situe entre 10.000 € et 20.000 € par an pour une grande majorité des systèmes étudiés. Au-delà des chiffres, le zéro herbicide implique une réorganisation du travail et un arbitrage délicat au niveau de la main-d’œuvre et des tracteurs en présence.

Les Chambres d’agriculture font preuve d’anticipation et ont décidé de se projeter en 2023, qui pourrait constituer le début de l’ère post-glyphosate. En effet, le sort de la molécule est suspendu au processus européen de ré-homologation, dont l’épilogue est programmé pour la fin 2022, la France ayant à maintes reprises affiché sa volonté de bannir l’herbicide au-delà de cette échéance.  

A la demande de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) et de FranceAgriMer, les Chambres d’agriculture ont étudié les impacts d’une stratégie zéro herbicide appliquée à 18 exploitations, représentatives de 8 bassins de production. Résultats ? « Les incidences de la perte de production et des difficultés d’une nouvelle organisation du travail peuvent être très impactantes sur les résultats économiques et pourraient remettre en cause la pérennité de certaines exploitations », tranche l’étude.

La perte de rendement plus impactante que les charges

Pour réaliser ses simulations, l’étude repose sur plusieurs hypothèses, à commencer par la perte de rendement, liée à la destruction de l’enracinement superficiel par des labours trop profonds combinés à un enherbement mal maîtrisé et/ou une fertilisation insuffisante dans des sols limités en matière organique et éléments minéraux.

Par ailleurs, sur les parcelles les moins adaptées pour le travail sur le rang, le risque de blessure voire d’arrachage de ceps augmente davantage la baisse potentielle de productivité. « L’expérience de systèmes en transition de pratiques montre un retour à un rendement d’équilibre qui reste généralement inférieur à celui de départ après acquisition de la technique », pointe l’étude, qui a retenu trois seuils de pertes (-5%, -10% et -20%).

Selon l’étude, la baisse de rendement est responsable en moyenne de 80% de la baisse du résultat courant dans les différents cas observés, contre 20% pour l’augmentation des charges (temps de travail, investissement en matériel). Le poids relatif du surcroît de charges s’explique par le fait que la plupart des systèmes étudiés pratiquent d’ores-et-déjà le désherbage mécanique sur 60% au moins de leur surface.

Au final, dans l’hypothèse d’une perte de rendement de 10%, la diminution du résultat courant par actif familial se situe entre 10.000 €/an et 20.000 €/an pour une grande majorité des systèmes étudiés. Deux des 18 systèmes se retrouvent en situation de déficit, les autres subissant une perte du résultat courant par actif familial comprise entre -8% et -94%.

Un effet de seuil dès 15 à 20 ha

L’impact du changement de pratiques sur les temps de travaux et donc sur les charges de production est significatif, mais il ne doit pas occulter la réelle problématique de réorganisation du travail. En effet celle-ci doit combiner des contraintes multiples liées au parcellaire (dispersion, pentes, forme des parcelles, écartement des rangs, etc.), à l’amplitude de la fenêtre d’intervention (très variable en fonction de la météo, du type de sol, de la disponibilité de la main d’œuvre et du matériel) et aux autres travaux concomitants.

En fonction de tous ces paramètres, la dimension effet de seuil apparait rapidement. En effet, au-delà d’une certaine surface, un deuxième chauffeur avec matériel est indispensable pour réaliser en temps et en heure les travaux d’entretien du sol. Selon les systèmes, cet effet de seuil diffère sensiblement mais peut apparaître dès 15 à 20 hectares. L’effet de seuil constitue un facteur supplémentaire de questionnement quant aux choix stratégiques de l’exploitant. Faut-il embaucher ou non un salarié supplémentaire ? Quel type de contrat est à prévoir pour cette embauche éventuelle ? Doit-on envisager l’achat d’un tracteur supplémentaire ? Des réponses à jauger au cas par cas.