La loi Alimentation sans impact sur les prix en grande distribution (étude)

La loi Alimentation, destinée à favoriser le revenu des agriculteurs, a pour l'instant été indolore concernant les prix des produits alimentaires vendus en supermarchés, contrairement à ce que craignaient les chantres du pouvoir d'achat et certains distributeurs.

La loi Alimentation, qui entre en vigueur en trois étapes - 1er janvier, 1er février puis 1er mars -, doit entraîner des hausses de tarifs sur 4% des produits de grande consommation (PGC) et des produits "d'appel" - comme le Nutella ou le Coca Cola - que les distributeurs doivent désormais vendre à des prix supérieurs d'au moins 10% aux tarifs auxquels ils les ont achetés. L'objectif affiché par le gouvernement: que les augmentations de marge dont bénéficie la distribution sur les PGC lui permettent de comprimer ses marges sur d'autres produits issus de l'agriculture, afin de mieux rémunérer paysans et producteurs. Depuis le 1er février, le relèvement de 10% du seuil de revente à perte (SRP) a fait couler beaucoup d'encre, certains criant à une hausse des prix susceptible de nuire au pouvoir d'achat, en pleine crise des "gilets jaunes".

"Nul et indolore"

Le cabinet Iri, spécialisé dans les panels de prix, a rendu publique jeudi une étude réalisée sur les prix des PGC vendus en grandes surfaces alimentaires entre la semaine du 4 au 10 février et celle du 7 au 13 janvier, afin justement de mesurer l'impact de cette ordonnance. "Au-delà de ce qui avait été annoncé par les enseignes et des inquiétudes des +gilets jaunes+, on a voulu mesurer concrètement l'impact réel sur les produits de grande consommation", a expliqué à l'AFP Juliette Favre, auteur de l'étude pour Iri. Selon l'enquête, qui inclut aussi des produits non concernés par la loi (hygiène, droguerie, entretien), l'effet est "nul et indolore" sur les étiquettes de prix.  

Plus précisément, l'inflation de 0,13% sur les marques nationales (Nutella, Coca-Cola..) est "compensée" par une déflation des marques de distributeurs (MDD) de 0,31%, "en phase avec les annonces de baisses de prix" des distributeurs. Quant au panier moyen payé par le consommateur, son augmentation n'est que de 10 centimes, précise aussi l'étude d'Iri: "à contenu strictement équivalent, il passe de 94,90 euros en janvier à 95 euros en février". Un résultat qui n'est "pas très étonnant" selon Mme Favre: "plusieurs enseignes ont fait des efforts tant sur leurs MDD que plus généralement".

prendre sur les marges

Début février, le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume avait chiffré à 80 centimes l'augmentation de ce panier moyen. "La valse des étiquettes, ça concerne les produits d'appel, ceux pour lesquels les grandes surfaces se +tirent la bourre+", avait expliqué M. Guillaume, citant boissons et pâtes à tartiner. "Aujourd'hui, acheter de la viande, acheter du poisson, acheter des légumes, des fruits, ça vaut quelque chose et on ne peut pas le payer moins cher" que le coût de production, avait insisté le ministre, souhaitant que les distributeurs "répartissent différemment leur marge".   Michel-Edouard Leclerc, le président des centres E. Leclerc, avait alors répliqué que, face aux hausses qui lui étaient "imposées", il allait "compenser en prenant sur (ses) marges et en faisant bénéficier le consommateur (de ses) MDD". Dans la foulée, Carrefour avait lancé des primes "grandes marques" et des primes "fidélité".

Du coup, ce ne sont pas "pour l'instant" les consommateurs qui participent à la "théorie du ruissellement" souhaitée par le gouvernement, admet Mme Favre. Le problème est que les agriculteurs et producteurs de l'agroalimentaire, qui étaient pourtant censé en bénéficier, ne semblent guère en profiter non plus. Selon eux, à l'exception des produits laitiers, les négociations commerciales annuelles sur les prix, en cours avec la grande distribution jusqu'au 28 février, se passent "mal". La distribution nous demande systématiquement des baisses de prix au lieu de s'engager dans une revalorisation comme il le lui est demandé. Ils attendent le dernier jour, le 28, pour tirer le tapis sous nos pieds" a déclaré le président d'une grande coopérative agricole à l'AFP cette semaine.