Pommes de terre : le traditionnel yo-yo

En juillet dernier, il n’aura fallu que 15 jours à trois semaines pour assister à un renversement spectaculaire de tendance de marché. D’une situation excédentaire de fin de campagne 2017, avec des lots invendables dont les seuls débouchés semblaient être l’alimentation animale ou la méthanisation, la crainte d’une pénurie en raison de la sécheresse s’est emparée du marché, qui s’est littéralement envolé.

Les rendements en berne

 La sécheresse généralisée en Europe de l'ouest, laisse prévoir un faible volume de récolte à l'échelle des 5 pays membres du NEPG (North Western European Potato Growers: France, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Angleterre) . Une production de 20 à 22 millions de tonnes, contre 29 l'an passé, ne satisfera pas la demande interne estimée à 26 MT et ne permettra guère d'exporter beaucoup. En France, les rendements (hors fécule) seraient en baisse de 14 à 15 % par rapport à l'année dernière conduisant à une production de 11 à 12 % inférieure à la moyenne 5 ans, et ce malgré une augmentation des surfaces de 3,6 %.

Une extrême variabilité des rendements d'un facteur 1 à 3, selon les régions, les parcelles, la présence ou non de l'irrigation rendent également les prévisions aléatoires.

Inquiétude aussi sur la qualité

À celle des volumes produits, s'ajoute l'inquiétude sur la qualité des lots destinés en particulier au stockage. La fragilité des tubercules consécutive à la climatologie, ainsi que le phénomène de « rejumelage » (repousse des tubercules) nécessiteront des précautions supplémentaires lors de la récolte et du stockage; malgré cela des difficultés de conservation pourraient accentuer le manque de marchandise.

Réactivité des industriels

Face à cette situation, les industriels transformateurs de pommes de terre anticipent une pénurie de matière à court terme et à moyen terme en se positionnant à l'achat sur le marché libre et en faisant flamber les cours. Les prix atteignent 250 à 300 €/t pour les variétés polyvalentes et grimpent jusqu'à 400 €/t pour les variétés à chair ferme, soit deux à trois fois la valeur des contrats. Il faut s'attendre cette année à une déconnexion des prix entre frais et industrie.

Marché libre ou contractualisation

 À l'inverse de l'an passé, sur le marché du frais, les producteurs adeptes du marché libre pourraient tirer leur épingle du jeu, à condition bien sûr qu'ils aient la marchandise... Reste à savoir si la réforme de la fiscalité agricole n'arrivera pas trop tard pour casser le parallélisme historique entre excédent de trésorerie et investissement en matériel comme on pouvait le constater par le passé chez les producteurs de grandes cultures spécialisés en pommes de terre.

Sur le marché de l'industrie, où 75 % de la production est contractualisée, certains producteurs bénéficieront pleinement d'un éventuel excédent de contrat alors que d'autres seront amenés à négocier la sous réalisation du contrat.

Article Cerfrance  - veille économique - lettre n° 51/2018 Thierry Lemaître