Commercialiser ses produits en circuits courts

Partie 2/7

Choisir ses modes de commercialisation

La commercialisation en circuit court offre de multiples possibilités en termes de canaux de vente et il est parfois difficile de déterminer quel type de vente privilégier et comment y parvenir. Pour y voir plus clair, nous vous proposons de découvrir trois portraits d’agriculteurs qui pratiquent la vente en circuits courts. Mieux qu’une simple liste d’options, nous souhaitons partager le retour d’expérience de ces producteurs comme une base concrète à la réflexion de votre projet.

La ferme de Briola, des fromages fermiers en famille

La ferme de Briola, c’est avant tout une histoire de famille. A l’origine, il y a Patrick, le père, qui s’est installé hors cadre familial en 2001 avec la reprise d’une exploitation en vaches laitières dans la Piège. Dans cette petite région de collines escarpées aux confins du département de l’Aude, le lait était initialement collecté par des coopératives. En 2008, malmené par la crise laitière, l’éleveur se retrouve au bord du dépôt de bilan et décide de repenser intégralement son mode de production et de valorisation. Il reconvertit l’exploitation en bio, puis, rejoint par sa femme, ses fils et sa fille en 2011, ils font le choix de valoriser et commercialiser eux-mêmes leurs productions de fromages et de viande. Rencontre avec Loïc Albert, un des fils, pour expliquer les modes de commercialisation choisis sur l'exploitation.

La ferme de Briola, une histoire de famille.

Que propose la Ferme de Briola ?

Loïc Albert : Nous élevons une quarantaine de vaches montbéliardes en agriculture biologique. Nous souhaitions mieux valoriser notre lait. Grâce à mon frère Cédric, technicien fromager dans le Cantal, nous avons monté une fromagerie pour progressivement apprendre à créer nos propres fromages. Nous proposons aujourd’hui une gamme complète de fromages et produits laitiers : deux types de tommes et un bleu des yaourts, fromages blancs, fromages frais, faisselle, « caramelolait ». Nous commercialisons ces produits en vente indirecte auprès d’un réseau d’épiceries et en vente directe : à la ferme et via deux magasins de producteurs pour lesquels nous nous sommes associés avec d’autres agriculteurs. Les deux magasins sont situés en agglomérations : Au comptoir des producteurs à Lézigan et La ferme, côté producteurs  à Narbonne.

Quelles sont les raisons qui vous ont encouragé à privilégier la vente directe et plus généralement les circuits courts ?

Loïc Albert : Face aux marges abusives pratiquées par certains circuits de commercialisation, nous avons souhaité reprendre la main sur notre valeur ajoutée. Trop d’intermédiaires, acteurs de l’alimentation nationale, s’engraissent sur le dos des petits producteurs locaux qui peinent à joindre les deux bouts, faute de rémunération suffisante. En commercialisant nos produits, nous déterminons nous-mêmes le prix de nos fromages. Ceux-ci intègrent naturellement le coût de revient et une marge suffisante pour investir et améliorer notre travail, augmenter les salaires, créer de nouveaux emplois, etc. Il est normal de vivre décemment de son métier : en privilégiant la vente en circuits courts, voire en vente directe, nous réduisons les intermédiaires. En conservant ainsi cette valeur ajoutée nous pouvons enfin envisager l’avenir avec optimisme.

Vous commercialisez donc vos produits par plusieurs canaux et notamment via deux magasins de producteurs, comment vous organisez-vous ?

Loïc Albert : Dès le démarrage de notre activité, des producteurs nous ont proposé de rejoindre leur magasin pour commercialiser nos productions, et un an après nous devenions associés. Pour le second magasin, notre implication a été totale dès la genèse du projet. Pour être économiquement rentable, ce type de magasin doit être situé dans une zone urbaine suffisamment dense pour garantir un flux de clients réguliers. Cela nécessite une qualité et une politique de prix cohérente sur l’ensemble des produits proposés. Un magasin de producteurs fait appel à l’intelligence collective des associés, il est important d’être sur la même longueur d’onde ! Nous sommes 10 associés, avec une rotation de présence au magasin d’un ou deux producteurs par jour. Tous les quinze jours, nous nous retrouvons tous ensemble pour optimiser notre organisation et mieux nous coordonner. Nous avons même embauché des salariés pour le fonctionnement quotidien des magasins. A eux-seuls, ces deux magasins représentent 40% de notre chiffre d’affaires.

Les points forts :

  • Diversification des circuits de commercialisation.
  • Mutualisation des moyens humains, économiques et techniques avec deux magasins de producteurs.
  • Diminution des intermédiaires pour conserver une marge économique suffisante.
  • Création d’emplois.

Les points de vigilance :

  • La qualité du produit proposé est primordiale, c’est même un préalable essentiel : « nous avons d’abord appris à maîtriser la fabrication d’un premier produit irréprochable avant d’en proposer un nouveau, nous avons fonctionné progressivement et par étape ».
  • La vente directe et en circuits courts est une activité chronophage. Cela nécessite une organisation rigoureuse et adaptée de son emploi du temps. La ferme de Briola a par exemple renoncé à la vente en marché de plein-vent : comparée au temps consacré, celle-ci s’est avérée moins rentable que les autres circuits de commercialisation déjà pratiqués. 
  • Les ateliers laitiers fermiers se livrant à la préparation de lait ou de produits laitiers doivent être soumis à un agrément de la Direction Départementale des Services Vétérinaires (DDSV).
  • La législation concernant les normes et pratiques sanitaires à appliquer est très stricte.

 

La Ferme Alban Laban, des salons à la vente en ligne

C’est en 1998 que la société Alban Laban est créée, un élevage de canards en plein air situé à 20 kilomètres de Pau. Ce savoir-faire s’est transmis de pères en fils sur deux générations. La société familiale créée avec Alban Laban et ses deux fils Cédric et Guillaume propose des produits régionaux et des spécialités béarnaises (rillettes, foie-gras) dont certaines ont reçu des médailles d’or à plusieurs reprises au Concours Général Agricole. Leurs produits sont vendus sur des salons fermiers, dans des épiceries fines ou magasins locaux et désormais sur des plateformes de vente en ligne. Cédric Laban nous livre ici son expérience en vente directe.

Alban et Cédric Laban.

A ses débuts, la Famille Laban vendait ses produits sur les marchés locaux. Elle s’est ensuite tournée progressivement vers la vente sur les salons régionaux puis nationaux. Alban Laban et ses fils écument une trentaine de salons en moyenne chaque année ! Ils sont avant tout sollicités par leurs réseaux et le bouche à oreille.

« Dans notre région, beaucoup de fermes proposaient déjà du canard sur leur lieu de production, explique Cédric Laban. Pour nous, la vente sur place était compromise car nous étions trop éloignés des axes touristiques. Nous avons donc décidé d’aller à la rencontre de nos clients ». Une vente directe vite réorientée vers les salons. « Nous avons commencé à vendre dans les marchés sur les places des villages puis progressivement, en prenant de l’assurance et en nous organisant, nous avons choisi des salons d’envergure nationale, poursuit Cédric. Aujourd’hui nous nous déplaçons sur toute la France même si ça fait des kilomètres ».

C’est en 2015 que la famille Laban a commencé à vendre également ses produits sur internet. Elle a opté pour la plateforme Pourdebon.com. Sur ce site, prisé des gourmets avertis, leur foie gras a été plébiscité par les consommateurs qui lui ont attribué la note de 4.68/5. « La vente en digital est une très belle opportunité pour accroître la visibilité de nos produits et toucher de nouveaux clients. C’est particulièrement vrai depuis le confinement de ce printemps et puis avec l’arrêt total des salons. Heureusement que nous avions anticipé ».

Depuis 3 ans, Alban Laban livre aussi ses produits dans des épiceries fines et dans des magasins d’alimentation locaux. « La diversification commerciale est obligatoire pour faire vivre plusieurs personnes sur une exploitation. Et puis, tout est trop fragile économiquement pour se focaliser sur un seul circuit de vente », ajoute Cédric Laban. 

 Les points forts :

  • Rentabilité de la vente sur les salons : 60% du chiffre d’affaires.
  • Le contact direct avec les clients : favorise une amélioration continue de l’offre et de la qualité.
  • Vente en ligne :  un vrai revenu complémentaire qui offre gain de temps et une clientèle élargie.

Les points de vigilance :

  • Sens relationnel : il faut aimer et savoir échanger avec les clients.
  • La gestion du temps : les trajets, les échanges avec les clients sont chronophages.
  • La logistique : elle doit être réfléchie et adaptée.
  • Investissements :  avoir une réflexion long terme sur la logistique, les outils de communication et la conception/location des stands.

 

La ferme de Colas, un partenariat avec la SNCF

Bernard Colas a créé son exploitation de maraichage en 1982 dans le Val d’Oise. Il vend ses légumes en vente directe, à la ferme et sur les marchés avec sa femme et sa fille. La diversification des canaux de ventes lui a permis sur le long terme de pérenniser l’exploitation. Depuis 10 ans, il propose des paniers fraîcheurs en gares SNCF. Une initiative que l’on doit à un partenariat entre la SNCF et la chambre d’Agriculture de la Région Ile de France.

Bernard Colas

Comment s’est mis en place cette vente directe de « paniers fraicheurs » ?

Bernard Colas : Nous avons été contactés par la SNCF et ils nous ont proposé un cahier des charges que nous étions capables de respecter. Le cahier des charges exige des produits locaux, standards et calibrés qui sont soumis à des contrôle par la SNCF avec laquelle une véritable relation de confiance s’est installée. Concrètement, nous vendons des légumes frais et de saison à la gare SNCF d’Ermont-Eaubonne une fois par semaine. Nous travaillons en fin de journée entre 16h30 et 19h30. Les clients peuvent acheter sans réserver. Pour le paiement, ils ont le choix entre la carte bancaire et les espèces.

Pourquoi avoir choisi ce mode de vente ?

Bernard Colas : Les week-ends, nous vendons nos produits sur les marchés, la semaine c’est plutôt calme, nous souhaitions diversifier nos ventes en utilisant à bon escient ce temps libre. Comme tous les modes de ventes, ce débouché présente des avantages et des contraintes, mais l’essentiel est de s’y retrouver : c’est un revenu complémentaire non négligeable.

 Quelle est votre organisation logistique ? Bénéficiez-vous d’une communication pour votre stand ?

Bernard Colas : Nous installons nous-mêmes notre stand et notre emplacement est choisi en fonction du flux de passagers, nous nous sommes placés au croisement des différentes lignes. L’emplacement choisi doit tout de même être validé par la SNCF, qui effectue des contrôles une à deux fois par an. La SNCF prend en charge la communication à destination de ses usagers, notamment sur le web via leur site mais également en gare avec des affiches publicitaires. Une réunion annuelle est organisée entre le délégué départemental de la SNCF et les producteurs afin d’échanger sur les différentes problématiques rencontrées sur les stands et améliorer les points identifiés si nécessaire.

Les points forts :

  • Revenu complémentaire : la vente de 100 paniers hebdomadaires représente 15% du chiffre d’affaires de l’exploitation.
  • Gestion du temps et du personnel : une personne mobilisée une demi-journée par semaine (préparation et vente inclus).
  • L’échange avec le client sur la qualité des produits.

Les points de vigilance :

  • Gestion des stocks : anticipation de la demande difficile selon les périodes de l’année.
  • Respect du cahier des charges pas toujours évident en agriculture raisonnée.

Si vous êtes tenté par ce circuit, n’hésitez pas à vous rapprocher de la SNCF !

 

>> On continue ? Alors cliquez ici pour accéder au chapitre 3 : Zoom sur : la restauration collective

 

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