Commercialiser ses produits en circuits courts

Partie 7/7

Comprendre et adapter son offre aux attentes du consommateur

Quand on est agriculteur, s’investir en vente directe c’est également apprendre le métier de commerçant. Cette compétence est évidemment capitale pour valoriser au mieux ses productions. Il s’agit d’un véritable savoir-faire, parfois moins évident qu’il n’y paraît quand on cumule déjà de nombreuses autres casquettes. Si le succès croissant de la vente en circuit court démontre une évolution des habitudes de consommation, il est aujourd’hui primordial d’en comprendre les fondements pour être au rendez-vous des attentes du consommateur et réussir votre projet.

Eric Birlouez - Circuits courts : comprendre les attentes du consommateur

« Depuis les années 1950, la démographie française a profondément évolué : les régions rurales se sont progressivement dépeuplées au profit des agglomérations urbaines et près de 80% de la population habite désormais en ville », explique Eric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue de l'agriculture et de l’alimentation. Face à ce bouleversement, l’offre alimentaire s’est retrouvée transformée : modernisation de l'agriculture, industrialisation de la transformation et avènement de la grande distribution, conduisant les filières à s'adapter à ces nouveaux circuits aux multiples intermédiaires. 

Le lien qui unissait le consommateur à l’agriculture de son territoire s’est distendu. « Le système alimentaire s’est modernisé et déshumanisé, il est devenu opaque et complexe aux yeux du consommateur », constate Eric Birlouez. Un sentiment d’inquiétude, voire de défiance s’est installé vis-à-vis de l’industrie agroalimentaire. Ceci explique aujourd’hui la volonté du consommateur de se réapproprier son alimentation. Cette évolution se combine avec de nouvelles attentes environnementales, sanitaires et éthiques que l’on peut résumer ainsi : manger mieux et de façon responsable.

"Le consommateur cherche avant tout une relation sincère pour mieux comprendre ce qu’il mange."

Associée au local, la vente en circuits courts représente donc une formidable opportunité pour répondre aux nouvelles attentes des mangeurs. « Quand on achète local, il y a tout d’abord le sentiment de contribuer à l’économie de son territoire, affirme Eric Birlouez. La seconde motivation est le besoin de réassurance face aux craintes suscitées par le recours à un système alimentaire devenu une boîte noire. La dimension symbolique aussi est importante : le consommateur cherche avant tout une relation sincère, qui l'aide à mieux appréhender ce qu’il incorpore au plus profond de son être ».

Les motivations et les incitations psychologiques à s’approvisionner en produits locaux sont donc multifactorielles. « L'engagement en faveur de l’environnement devient important et joue en faveur de la proximité, ajoute le sociologue. Mais nos comportements d'achat ne sont pas uniquement influencés par les connaissances acquises et par nos envies sincères de changer. Ils dépendent aussi de notre environnement matériel, de nos contraintes et possibilités, de notre environnement familial et social, de notre  pouvoir d’achat. Tous ces éléments peuvent favoriser ou, au contraire, faire obstacle aux changements de comportement ».

Cette volonté de s’approvisionner en circuits courts est ainsi parfois freinée par certaines contraintes persistantes et notamment l’accessibilité au produit. « Pour certains, acheter local signifie se rendre à la ferme, une contrainte de temps et de logistique pour un citadin », conclut Eric Birlouez.

La situation géographique, un élément primordial

Il est donc important de réfléchir à une offre pratique et fonctionnelle pour favoriser l’acte d’achat. Si vous envisagez un point de vente à la ferme, vous devrez bien prendre en compte sa proximité avec des axes routiers ou une agglomération.

Si votre situation géographique est trop isolée, d’autres options s’offrent à vous. Les plateformes digitales sont par exemple des outils complémentaires, voire indispensables pour diversifier vos circuits de commercialisation. La chambre régionale d’Agriculture des Hauts-de-France a par exemple créé le site Ouacheterlocal.fr qui favorise le lien entre plus de 1000 producteurs et consommateurs à la recherche de produits locaux, frais et de saison.

Vous pouvez également vous associer avec d’autres producteurs pour monter un magasin collectif dans une zone plus favorable. Quant à la livraison, soyez vigilant sur la gestion des tournées et du planning horaire afin de préserver votre temps pour vos autres tâches.

L'art de la communication

A l’instar de tout projet commercial, la maîtrise de votre communication doit-être un levier pour répondre aux attentes et pour valoriser vos productions auprès des consommateurs. En effet, proposer de bons produits et compter sur le « bouche à oreille » n’est pas toujours suffisant. Les consommateurs ignorent parfois que certains produits sont disponibles à seulement quelques kilomètres de chez eux, d’où l’importance de communiquer sur votre offre et sur vos points de vente, localement ou à échelle plus large.

"Les communications sont différentes selon que l’on se situe en milieu urbain, péri-urbain ou rural."

Pour Anne Halgand, chef de projet de Tourisme et chargée de mission Promotion des Produits à la chambre régionale d’Agriculture des Hauts-de-France, il est indispensable d’analyser et identifier la localisation et la physionomie de sa clientèle. « Les communications sont différentes selon que l’on se situe en milieu urbain, péri-urbain ou rural. Il y a beaucoup de variations selon les territoires et la communication a un grand rôle à jouer pour créer sa clientèle comme pour la conserver », explique-t-elle.

La communication est un domaine très large qui peut s’exprimer avec de nombreux outils et supports : charte graphique, publicité, marketing, packaging, articles de presse, réseaux sociaux, aménagement des stands et locaux de vente, etc.  A vous de choisir les solutions les plus adaptées à votre contexte géographique, concurrentiel et budgétaire. N’hésitez pas à communiquer le plus largement possible sur vos modes de production et les qualités réelles de vos produits.

Transparence et pédagogie

Informez votre clientèle avec transparence et pédagogie, c’est un facteur clé pour recréer un lien de confiance avec le consommateur. « Vous pouvez utiliser des nappes à carreaux pour donner une image authentique, mais quand ce n’est pas sur un axe touristique ça ne fonctionne pas toujours », sourit Cédric Laban, éleveur de canards en vente directe.

Les consommateurs attendent de la transparence et de la vérité sur le produit, sa composition et sa provenance. Une communication sincère et honnête est indéniablement la meilleure réponse à apporter. Cela contribuera à la réussite de votre projet et concrétisera votre travail pour un produit de qualité !

Communiquer sur votre travail et votre produit pourrait vous encourager à créer votre « marque » qui peut être accompagné d’un « storytelling ». C’est un angle intéressant pour le consommateur : il peut ainsi mieux comprendre votre travail, votre motivation et votre passion. D’une certaine manière, il pourra s’identifier à vos valeurs et à votre histoire.

 

C'est la fin de ce guide destiné à accompagner votre projet de vente en circuits courts.

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