- Accueil
- Les guides
- Le guide de l'assurance récoltes
Le guide de l'assurance récoltes
Ailleurs dans le monde, ça se passe comment ?
Dans un monde où les risques climatiques vont croissant, le système assurantiel, qui repose sur une mutualisation des risques entre assurés, est appelé à jouer un rôle essentiel. Zoom sur quelques caractéristiques de l'assurance agricole dans le monde.
L'augmentation des risques climatiques en agriculture est une réalité. Ces aléas, sécheresses, gels printaniers, orages violents, inondations..., sont de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses. « Les assureurs observent ces phénomènes partout à travers le monde », décrit Gaël Certain, chargé du marché des assurances agricoles au sein de Swiss Ré, un des leaders mondiaux de la réassurance (un réassureur est « l'assureur des assureurs »). « Depuis 2010, les rendements agricoles des cultures ont cessé de croître, alors qu'ils avaient augmenté continuellement entre 1950 et 2010. Ils stagnent, voire régressent. Le climat en est une des causes ».
A l'échelle mondiale, on observe actuellement un boom du marché de l'assurance agricole (assurance récoltes, mais aussi parfois assurance sur le chiffre d'affaires). « Les primes d'assurance agricole représentent 30 milliards de dollars chaque année dans le monde ». De plus en plus d'agriculteurs utilisent le système assurantiel comme un outil de gestion des risques, souvent avec des produits d'assurance sophistiqués, adaptés à chaque contexte, chaque production, chaque besoin.
Assurer ses récoltes coûte cher, de plus en plus cher
L'utilisation du système assurantiel privé est inégal entre les pays : sur les 30 milliards de dollars du marché mondial, la part de l'Amérique du nord (USA + Canada) représente 10 milliards de dollars, celle de la Chine également 10 milliards et l'Inde 5 milliards. En Europe, le marché de l'assurance est plus réduit, avec 0,7 milliard pour l'Espagne, 0,6 milliard pour la France comme pour l'Italie. Autre pays où l'assurance agricole est assez bien développée : la Turquie, avec un marché de 0,7 milliard.
« Dans la plupart de ces pays, les primes sont très largement subventionnées par les états. Subventionner les primes d'assurance constitue une part importante de leur politique agricole », décrit Gaël Certain. Le système assurantiel climatique ne serait-il donc pas viable économiquement, sans aides publiques ? « Difficilement, car les assurances agricoles coûtent cher, de plus en plus cher. Depuis 15 ans, on constate une forte augmentation des primes d'assurances. »
Si les assurances coûtent cher, c'est parce que les risques augmentent. Un risque, c'est la fréquence d'un aléa multipliée par une intensité de dommages, et force est de constater que les deux paramètres sont en forte augmentation. D'ailleurs, certains aléas deviennent si fréquents (des sécheresses dans des secteurs du pourtour méditerranéen par exemple) que les assureurs ne pourront bientôt plus y assurer des cultures (la sécheresse n'est alors plus un risque aléatoire, mais une tendance avérée, par définition non-assurable).
Partenariats états-assurances pour plus d'efficacité
Pour gérer ces risques croissants, Gaël Certain estime qu'un partenariat public/privé a sa raison d'être, « car les assureurs sont reconnus comme plus rapides, plus précis, plus efficaces en gestion de sinistres que les pouvoirs publics. Il y a une distribution des rôles et des responsabilités, pour plus d'efficacité ».
Toutefois, dépendre en grande partie de subsides publics implique que les assureurs rendent des comptes à l’État, notamment en matière de cahiers des charges, voire de tarifs... Pour mieux assurer ces missions, en Espagne et en Turquie, les assureurs se sont constitués en un pool, créant ainsi un dispositif unique spécialisé qui gère de manière concertée et transparente les problématiques locales des risques agricoles.
« Dans le système espagnol, les assureurs, les pouvoirs publics, les syndicats agricoles travaillent tous en bonne intelligence, et adaptent les garanties agricoles aux problématiques climatiques ou budgétaires. Il existe une culture concertée de la gestion du risque climatique à tous les étages », poursuit Gaël Certain. D'ailleurs, dans le discours prononcé à l'occasion de la présentation du projet de loi sur la réforme de l'assurance récoltes, en janvier 2022, le ministre de l'Agriculture de l'époque, Julien Denormandie, reconnaît que la « réforme est très largement inspirée du système espagnol créé à la fin des années 1970 et qui constitue aujourd'hui le principal outil de politique publique agricole de notre voisin ».
Même s'il estime qu'en matière de gestion des risques agricoles, « il n'y a pas de modèle unique, chaque pays a ses spécificités », Gaël Certain juge « courageuse » la réforme actuelle française. Il se dit plutôt optimiste quant à la capacité des assureurs à proposer des produits d'assurance adaptés, spécifiques, et plus largement diffusés qu'aujourd'hui : « Tous les agriculteurs doivent se sentir concernés par les risques climatiques ».
Assurance indicielle : faire plus avec moins ?Multiplier par deux ou par trois le nombre d'agriculteurs assurés implique d'augmenter aussi le nombre des experts agricoles (lire notre article « métier : expert agricole »). Or, même si ceux-ci sont déjà prêts à travailler sur davantage de dossiers (y compris les dossiers relevant uniquement du Fonds de solidarité national), leur nombre pourrait devenir limitant et donc réduire l'efficacité du système. Dans certains pays où le nombre d'agriculteurs assurés est très important et les surfaces unitaires trop faibles pour justifier économiquement une expertise, une forme d'assurance, dite indicielle, ou paramétrique, est utilisée comme assurance récoltes. Dans ces cas-là, le dédommagement après un aléa ne se fait pas via la mesure de ses conséquences (pertes de récoltes), mais directement sur la base d'un indice reflétant partiellement cet aléa : indice de température, pluviométrie, taux d'humidité, quantité de biomasse.... Il n'y a donc plus besoin d'envoyer un expert sur place. En Asie, l'assurance indicielle est déjà très développée. En France, sur les cultures, elle l'est encore très peu car l’expertise humaine est efficace et que des indices de rendement ne sont encore qu’au stade d’études. En revanche l’utilisation d’un indice s’est imposée pour les prairies où l’expertise humaine est tout simplement impossible. Il est en revanche possible, à partir de données satellitaires, de déduire un indice de production des prairies qui traduit bien les variations de pousse. L’assurance des prairies, lancée en 2015 par plusieurs assureurs, s’appuie sur cet indice. |
>> Chapitre suivant : Métier expert agricole : « Trouver la juste indemnisation » |