Le guide de la PAC 2023-2027

Partie 4/6

Cultures : ajuster les assolements pour s’y retrouver

L’écorégime amène agriculteurs et agricultrices à se poser de nouvelles questions sur leurs systèmes de culture. La baisse des aides PAC se poursuit pour les exploitations céréalières, certaines pourraient toutefois tirer leur épingle du jeu.

Selon les calculs du Cerfrance, une exploitation de 150 ha avec un assolement simplifié (65 ha de blé, 37 ha d’orge, 41 ha de colza et 6 ha de jachère) n’obtient que 2 points dans la grille d’accès à l’écorégime. Implanter 2 ha de jachère supplémentaires à la place de 2 ha de blé permet d’accéder au niveau 1 sous réserve de respecter les deux autres blocs de la voie « des pratiques » (voir article 2 dans ce même dossier). La perte de 2 ha de marge sur le blé (2 x 800 €/ha = 1 600 €) est compensée par l’écorégime de niveau 1 (60 € x 150 ha = 9 000 €). Si, en plus, 10 ha de blé sont implantés en orge de printemps et 10 ha de colza en pois, le niveau 2 est atteint. La perte sur les écarts de marges en substitution des cultures est alors de 5 000 € (écart marge blé/orge 200 € x 10 ha ; écart colza/pois 300 € x 10 ha), sans comptabiliser les aides couplées sur les protéagineux. Cette perte de marge est largement compensée par l’écorégime de niveau 2 (150 ha x 82 € = 12 300 €).

"L’écorégime impose de rentrer dans un nouveau cadre"

Luc Servant exploite un peu plus de 180 ha en polyculture dans le nord de la Charente-Maritime. Il est aussi le président de la Chambre régionale d’agriculture Nouvelle-Aquitaine. Voici ce qu’il évoque sur les changements de la PAC 2023 pour son exploitation : « L’écorégime impose de rentrer dans un nouveau cadre. Je n’envisage pas la voie de la certification, il me reste donc l’accès à ce soutien par les pratiques culturales ou les infrastructures agroécologiques. Mes productions étant déjà diversifiées, et disposant de suffisamment de haies, de bandes enherbées et de jachères fixes, je rentre sans trop de difficultés dans les critères, encore faut-il faire les bons calculs pour respecter les conditions. Mais pour d’autres, cela peut être plus difficile - en particulier dans les petites terres sans irrigation où le choix des cultures est limité. Déjà cette année, je constate qu’il y a davantage de pois autour de chez moi. C’est aussi dû à la réception tardive des informations sur l’application de la PAC, ce qui a décalé les décisions des agriculteurs qui se sont reportés sur des cultures de printemps. Il reste à savoir si ces volumes supplémentaires de protéagineux auront bien des acquéreurs ; de nouveaux débouchés seront vraisemblablement à trouver par la suite pour continuer dans cette direction ». Luc Servant indique aussi que la voie des pratiques agricoles pour accéder à l’écorégime semble la plus simple pour les céréaliers de sa région.

Les obligations de la conditionnalité des aides évoluent aussi, en particulier la BCAE 7 sur la diversité de l’assolement. Luc Servant pointe une difficulté dans son application « En année sèche ou trop humide, selon les sols, il sera compliqué d’implanter de nouvelles cultures ou de réussir un couvert ».

Sur le plan financier, l’agriculteur regrette que le montant final ne soit connu qu’au moment du paiement et précise : « La nouvelle approche de la convergence des Droits à Paiement de Base va continuer à réduire leur valeur pour les uns et à les augmenter un peu pour les autres ». Il rappelle que « les soutiens attribués aux céréaliers ont été réduits de 30% depuis 10 ans ». Du côté des aides couplées aux protéines, plus attractives avec la PAC 2023, Luc Servant craint qu’elles soient victimes de leur succès : « L’enveloppe financière étant fixe, le montant par hectare pourrait d’être ajusté à la baisse s’il y a beaucoup de demande, ce qui risque de réduire ces aides pour les exploitations qui, comme la mienne, avaient déjà opté pour ces productions lors de la précédente PAC ».

Luc Servant : « Les exploitations vont progressivement s’organiser pour optimiser leur gestion technico-économique, mais globalement c’est toujours plus de contraintes et une baisse de la part des aides dans le revenu ».

Des interrogations pour l’avenir

Guillaume Lefort, polyculteur en grandes cultures dans le sud de la Seine-et-Marne, résume ainsi sa situation : « Après la baisse des aides depuis les précédentes réformes, j’espère enfin une stabilisation, voire une légère augmentation de certains soutiens grâce aux aides aux protéines, au niveau supérieur de l’écorégime et à l’aide à l’assurance récolte. Cette diversification des productions apporte de la résilience mais les contraintes administratives laissent peu de souplesse au regard des aléas climatiques ». Or « nous travaillons avec du vivant ! », insiste-t-il.

Concernant les soutiens du « second pilier » de la PAC, Luc Servant rajoute : « Les Mesures Agro-Environnementales et Climatiques liées aux surfaces ont été harmonisées et simplifiées, mais celles liées aux investissements dépendent des régions dont les politiques de soutien à l’agriculture sont variées - ce qui accentue les distorsions de concurrence déjà observées entre les pays européens ».

Des solutions pour les maïsiculteurs

Franck Laborde est producteur, dans les Pyrénées-Atlantiques, de maïs semence, maïs grain et maïs doux, ainsi que de canards prêts à engraisser. Il est également président de l’AGPM, syndicat qui a défendu la rotation intra-annuelle. « Avec la convergence, la valeur des DPB de ma ferme va se rapprocher de la moyenne nationale, témoigne-t-il. Du fait du renforcement de l’aide à l’assurance multirisque climatique, la baisse du montant global des aides sera atténuée en 2023. Mais cela reste une baisse ! L’évolution majeure, c’est la rotation à la parcelle imposée par la conditionnalité. Cette contrainte réglementaire a pu devenir un atout grâce à la rotation intra-annuelle : en maïs, un couvert intermédiaire est considéré comme une rotation. Ainsi, les sols ne restent pas nus, des nutriments résiduels sont absorbés par les couverts et la biomasse récoltée peut alimenter un méthaniseur ou bien être restituée au sol ». Concernant l’écorégime, le maïsiculteur note que « les différentes voies sont accessibles au plus grand nombre. Sur ma ferme, j’atteins le 2e niveau par la voie des infrastructures agro-environnementales (forêt, mare…) ».

 

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