Le guide de la PAC 2023-2027

Partie 2/6

Ecorégime : une PAC toujours un peu plus verte

La réforme de la PAC 2023 aura moins d’effet sur les exploitations que la précédente. Toutefois, elle marque une étape supplémentaire dans le renforcement de la protection environnementale par son dispositif d’écorégime, doté de 25% des montants du 1er pilier, et de nouvelles mesures de la conditionnalité.

« Le dégrèvement des aides qui intervient en cas de non-respect des Bonnes Conditions Agro-Environnementales sera plus important si l’anomalie se répète plusieurs années. Les mesures de la conditionnalité tendent à se renforcer à chaque réforme et il faut continuer à suivre le niveau d’exigence car il ne diminuera vraisemblablement pas », introduit Mélanie Richard, responsable du conseil économique et métiers au Conseil National du Réseau Cerfrance.

Ainsi, en 2023, la conditionnalité favorise davantage encore la biodiversité. Deux BCAE, sur un total de neuf, risquent de demander plus d’adaptations. La BCAE 7 impose, d’une part, que sur 35% des terres arables de l’exploitation, la culture principale soit différente de celle de l’année précédente - ou qu’une culture secondaire soit présente au moins du 15 novembre au 15 février - et, d’autre part, que sur quatre années glissantes (n, n-1, n-2 et n-3, vérifié à partir de 2025), chaque parcelle cultivée ait au moins deux cultures principales différentes ou une culture secondaire chaque année. Il existe toutefois des exemptions (maïs semence, agriculture biologique).

La BCAE 8 impose, quant à elle, au moins 4% de terres arables dédiées à des Infrastructures Agro-Environnementales (IAE) et des jachères. Ce taux peut être abaissé à 3 % si la somme des IAE, jachères et des cultures dérobées et/ou cultures fixatrices d’azote, sur lesquelles aucun produit phytosanitaire n’est utilisé, atteint au moins 7% des terres arables.

Les éléments non productifs font évoluer les assolements

Mélanie Richard rappelle toutefois que « la dérogation Ukraine exonère en 2023 des exigences de rotation annuelle et permet de comptabiliser des terres cultivées ou des prairies valorisées comme jachère pour la BCAE8. C’est donc pour 2024 qu’il faut se préparer à l’application pleine et entière des BACE 7 et 8 ».

Une autre évolution notable est la modification de l’année de référence et l’abaissement du seuil de passage à un régime d’autorisation pour le retournement des prairies permanentes (BCAE 1). Selon les estimations, quatre nouvelles régions (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire, Grand Est) pourraient être concernées dès 2024.

La conditionnalité de 2023 voit aussi l’évolution des zones Natura 2000 - qui élargit dans certaines régions l’interdiction de convertir et/ou de labourer des prairies permanentes - ainsi que la création d’une BCAE 3 « Protection des zones humides et des tourbières ».

L’écorégime remplace le « paiement vert » (dont les mesures ont été intégrées aux BCAE). Il prévoit un versement forfaitaire sur tous les hectares admissibles de l’exploitation en fonction des pratiques agroécologiques, selon 3 niveaux : aucun paiement, niveau standard rémunéré environ 60 €/ha ou niveau supérieur à 80 €/ha.

« Les BCAE 7 et 8, mais également l’écorégime, impliquent de se poser des questions plus pointues sur ses assolements, relève Mélanie Richard. Il faut vérifier chaque année que les surfaces en IAE et jachères sont conformes, et, le cas échéant, diversifier ses cultures ».

Un échelon spécifique de l’écorégime est réservé à l’agriculture biologique (110 €/ha), alors que l’aide au maintien pour ce système de production a été supprimée.

Percevoir l’écorégime, le nouvel enjeu

Selon Cerfrance, les exploitations devront accéder au moins au niveau standard de l’écorégime pour maintenir leurs aides. Toutefois, « une grande majorité des exploitations atteignent déjà au moins le niveau standard. Les autres vont chercher à y parvenir et, la plupart du temps, seules des adaptations limitées seront nécessaires », estime Mélanie Richard. Les exploitations peuvent y accéder via une certification environnementale (Bio, HVE, CE2+), via une conduite de l’ensemble des surfaces conforme aux pratiques agroécologiques ou via l’atteinte de seuils d’éléments favorables à la biodiversité.

Chaque exploitation est un cas particulier et doit vérifier son éligibilité à l’écorégime selon l’une de ces trois voies. Les systèmes intensifs, et les assolements simplifiés, sont probablement ceux qui doivent ajuster le plus leurs pratiques pour rentrer dans les critères de l’écorégime. « L’enjeu sur le montant des aides étant plus limité, l’opportunité de modifier le système de production pour atteindre le niveau supérieur (+20 €/ha environ) doit s’étudier au regard de l’impact des adaptations sur les performances du système », note Mélanie Richard.

Maitriser et respecter ce nouveau cadre de la PAC rend plus complexe la gestion agronomique et administrative des exploitations, mais « il amène à se poser des questions sur les adaptations opportunes et, sans constituer un puissant levier de changement à lui seul, invite à une réflexion plus profonde sur le système de production de chaque exploitation », conclut Mélanie Richard.

10 à 30% des exploitations, selon les systèmes, sont concernés par des voies d’adaptation pour optimiser l’écorégime.

>> Partie suivante : Elevage : les soutiens changent surtout en bovins allaitants