Le guide de la PAC 2023-2027

Partie 3/6

Elevage : les soutiens changent surtout en bovins allaitants

Selon les estimations, les aides de la PAC 2023-2027 seront globalement en baisse pour les élevages allaitants, en hausse pour les élevages laitiers et stables pour les petits ruminants. Les systèmes plus intensifs seront davantage pénalisés, les extensifs restant à l’équilibre ou verront une hausse de leurs soutiens. Toutefois, ces moyennes cachent de fortes disparités.

« Avec une même enveloppe globale et de nouvelles aides aux productions végétales, l’érosion des aides PAC se poursuit pour les élevages », précise Christine Valentin, productrice de bovins et d’ovins lait bio et présidente de la Chambre d’agriculture de Lozère. La PAC 2023-2027 prévoit d’ailleurs que les aides couplées diminueront, chaque année, de quelques euros par animal éligible.

À compter de 2023, il n’existe plus deux aides distinctes pour les bovins laitiers et allaitants, mais une aide bovine unique : l’aide à l’UGB.

Des aides couplées conservées

Les aides couplées ovine et caprine sont inchangées, de même que l’aide aux veaux sous la mère à un détail près pour cette dernière : il n’y a plus d’obligation de vente sous Label Rouge, IGP ou bio.

Le plus grand changement vient de la rénovation des aides bovines via une aide unique à l’Unité de Gros Bétail (UGB) pour soutenir l’engraissement et lutter contre la déprise des élevages laitiers dans certains territoires. Christine Valentin salue le fait que « l’aide couplée a été heureusement conservée car les élevages et les prairies entretiennent les territoires, en favorisant la qualité de l’eau, de l’air et des sols ».

"Il était important d’orienter les aides vers l’engraissement pour freiner la délocalisation de cette activité"

Si elle confirme qu’« il était important d’orienter les aides vers l’engraissement pour freiner la délocalisation de cette activité », elle note le risque, à terme, d’une réduction du nombre des élevages naisseurs - une situation qu’elle rencontre déjà en Lozère. « Les aides PAC ont un impact rapide, le plus souvent dès la 3e année qui suit une réforme. La révision à mi-parcours du programme quinquennal devra permettre d’ajuster », ajoute l’éleveuse. Une étude de Chambre d’agriculture France pointe en effet des difficultés à venir pour les producteurs de veau sous la mère, alors que les engraisseurs devraient être gagnants.

Gilbert Guignand, président de la Chambre régionale d’agriculture Auvergne Rhône-Alpes, complète : « Les simulations indiquent que la baisse des aides PAC des élevages allaitants devrait se situer en moyenne autour de -5%, avec des variations selon les départements ».

D’autres compléments incontournables

Les éleveurs doivent aussi regarder du côté de l’aide couplée aux légumineuses fourragères (luzerne, trèfle, mélange avec graminées l’année du semis). D’autre part, l’aide aux « légumineuses à graines, aux légumineuses fourragères déshydratées ou destinées à la production de semences » est un facteur d’amélioration de l’autonomie protéique des élevages, en soutenant les approvisionnements français. « Réduire la facture du soja argentin ou brésilien, par exemple en économisant 10 à 15 tonnes grâce à une meilleure valeur protéique du fourrage produit sur l’exploitation, est déjà important. Une adaptation fine de la gestion de l’herbe et de la mise au pâturage contribuera également à l’autonomie fourragère, ainsi qu’en maximisant les complémentarités entre éleveurs et céréaliers », rajoute Gilbert Guignand.

Grande nouveauté de la PAC 2023, le respect des critères de l’écorégime, pour bénéficier des aides qui lui sont associées, ne devrait pas poser de difficulté pour une majorité d’élevages, par exemple en ajustant si besoin la gestion des prairies ou en introduisant des légumineuses dans l’assolement. « C’est le sens même de l’écorégime qui récompense la qualité des écosystèmes, sans contraintes majeures supplémentaires », poursuit Gilbert Guignand.

Les exigences environnementales continuent de se renforcer

En revanche, Christine Valentin est plus circonspecte sur les Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) : « En 2023, l’État est devenu le gestionnaire des MAEC surfaciques, dont le nombre a été réduit, et les Départements ne peuvent plus accompagner, ce qui rend certaines mesures moins incitatives, comme le maintien des milieux ouverts, essentiels à la prévention des incendies ».

Une nouvelle mesure « Bien-être animal pour les monogastriques » apparaît dans la PAC 2023. Les autres MAEC adaptées aux élevages - comme l’autonomie fourragère des herbivores, la préservation des milieux humides par le pâturage ou la création de prairie - sont conservées avec quelques évolutions dans leurs modalités d’application.

L’élue de la Chambre d’agriculture de Lozère est également préoccupée par les évolutions de la conditionnalité des aides. Les nouvelles mesures réduisent les marges de manœuvre pour investir et pérenniser les activités, alors que la production de fourrages est affectée par le changement climatique : « Beaucoup d’efforts ont déjà été réalisés, il faut que la PAC soit plus pragmatique. En Lozère, le zonage des prairies sensibles a été agrandi de plus de 27 300 ha. Pour plus de 330 exploitations, ce sont de nouvelles contraintes liées au respect de la BCAE 9 qui interdit la conversion des prairies sensibles en zones Natura 2000 ».

L’ICHN est maintenue avec un seuil d’éligibilité relevé

L'Indemnité Compensatoire de Handicaps Naturels (ICHN) soutient les exploitations dans des zones où les conditions sont difficiles : altitude, pente, sol, climat et contraintes diverses du territoire. En 2023, le seuil d’éligibilité à l’ICHN animale passe à 5 UGB (au lieu de 3). Le cofinancement européen a été réduit (de 75 à 65%) mais la France a pris en charge la différence. Le budget est donc maintenu et les montants d’aide inchangés.

 

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