Le guide de la PAC 2023-2027

Partie 1/6

Réforme de la PAC : les grands équilibres sont conservés

La Politique Agricole Commune (PAC) s’est une nouvelle fois réformée en 2023, un processus maintenant habituel. Il n’y a pas de changement fondamental mais une orientation confirmée vers la réduction des impacts environnementaux, en tentant de ne pas sacrifier l’efficacité économique.

« La PAC 2023-2027, tout en renforçant les exigences environnementales, a été construite autour d’objectifs de sécurité alimentaire, de création de valeur et de réduction de la dépendance aux protéines importées », résume Gilbert Guignand, éleveur laitier et président de la Chambre régionale d'agriculture Auvergne-Rhône-Alpes. « Malgré les craintes initiales, cette réforme reste équilibrée au plan national, sans opposer les productions. Elle a du sens et donne de la visibilité sur les aides », complète-t-il. Ce que confirme Stéphane Le Biavant du pôle « innovation conseil et service » chez Cogedis : « Les différentes aides couplées à la production, ainsi que les aides découplées - les Droits à Paiement de Base (DBP) - sont finalement conservées. L’écrêtement des DPB élevés au profit d’une revalorisation des plus faibles se poursuit par paliers, en 2023 puis en 2025, avec un objectif de DPB moyen fixé à 127 euros en 2027 ».

"Un des changements importants de la PAC 2023-2027 est celui du « paiement vert »"

Cette convergence des aides - financée par les réserves départementales (notamment alimentée par les DPB non activés) et par une enveloppe plus importante attribuée aux DBP en 2023 - aboutira à une forte réduction des écarts, mais l’impact est moindre qu’en 2015. « Un des changements importants de la PAC 2023-2027 est celui du « paiement vert » qui était basé sur le nombre de DPB détenus et qui devient « l’écorégime », dont le mode de calcul repose sur la surface admissible, ce qui est un avantage pour les exploitations ayant un déficit de DPB au regard de leur surface », indique-t-il.

La nouvelle définition d’exploitant actif, qui exclut les personnes de plus 67 ans percevant déjà une retraite et certaines sociétés sans associé exploitant, sera très impactante pour un petit nombre d’exploitations.

Des conséquences financières variables selon les exploitations

D’après Stéphane Le Biavant, les producteurs et productrices ne devraient pas subir d’importantes baisses de leurs aides PAC en 2023, certain(e)s pourraient même bénéficier d’une revalorisation selon leur système de production. Le conseiller estime que les exploitations les plus impactées financièrement risquent d’être les élevages allaitants et celles engagées en production biologique.

Gilbert Guignand analyse de son côté que l’aide couplée aux légumineuses, qui passe de 1 à 2% du budget de la PAC, va progressivement modifier les assolements français. Pour lui, tout agriculteur doit avoir une réflexion sur ce sujet, qui implique des changements à long terme des systèmes de culture, comme introduire de la luzerne, dans l’objectif d’une plus grande autonomie protéique. De même, les exploitant(e)s qui ont conservé des rotations courtes vont être amené(e)s à modifier leurs productions - du fait des orientations de la PAC, mais aussi des enjeux climatiques et de recherche de valeur ajoutée.

"La diversification des productions va dans le sens de plus de biodiversité"

« Cela demande de continuer à faire évoluer les pratiques et les assolements. Par exemple en élevage allaitant, la PAC 2023 incite à développer l’engraissement des broutards. Les nouvelles dispositions conduisent les producteurs et les productrices à réfléchir aux modes d’exploitation et leur laissent le choix de la stratégie à adopter. La diversification des productions va dans le sens de plus de biodiversité, en associant différentes mesures pour s’adapter à la nouvelle donne », précise-t-il.

Lors des Carrefours de l’innovation agronomique, du 4 mai 2023 à l’Institut Agro Rennes-Angers, l’économiste Pierre Dupraz (INRAE) résumait ainsi : « La PAC tend vers un modèle moins intensif, en conciliant agroécologie, résilience et production durable ». Cela se manifeste entre autres par le nouveau catalogue de mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC). Le dispositif est simplifié avec un nombre réduit de cahiers des charges, définis dans le plan stratégique national (lire l'encadré ci-dessous), avec des paramètres fixés localement. Les MAEC se concentrent ainsi sur les enjeux de l’eau (réduction des pesticides principalement), du sol (semis direct), du bien-être animal et de la biodiversité (couverts, prairies, infrastructures agroécologiques…). Stéphane Le Biavant souligne l’intérêt du diagnostic initial réalisé avec un conseiller pour s’assurer, avant d’opter pour une MAEC, que les engagements pourront bien être respectés dans la durée.

Plans stratégiques nationaux : un nouveau regard de l’UE sur l’application de la PAC

Pour 2023, chacun des 27 États membres de l’Union européenne a dû élaborer un plan stratégique national (PSN), dans lequel sont détaillées les interventions de la PAC en accord avec les objectifs fixés au niveau communautaire (agroécologie, compétitivité durable, sobriété en intrants...). Le PSN français introduit un nouveau partage des compétences entre l’État et les Régions. L’État devient responsable de la mise en œuvre des interventions surfaciques du Feader (ICHN, MAEC systèmes et localisées, aide à la conversion en agriculture biologique), des dispositifs de gestion des risques et de prévention de la prédation. Les Régions assurent la gestion des interventions du Feader non liées aux surfaces, en particulier les aides à l’investissement, à l’installation et au développement local.

Le montant des aides couplées versées aux producteurs, limitées par une enveloppe forfaitaire, pourra varier selon le nombre de demandeurs.

Rechercher l’efficacité technico-économique

Cette nouvelle programmation de la PAC 2023-2027 confirme le changement du mode de gestion des exploitations déjà en cours depuis les précédentes réformes : « Il ne faut plus chercher à produire le maximum, mais adapter chaque système de production à un raisonnement économique qui tient la route, d’autant plus que les marchés sont très volatils. Diversifier les sources de revenu devient un impératif, de même qu’utiliser les outils de l’agriculture de précision », poursuit Gilbert Guignand. Il relève aussi qu’« on est challengé sur l’aspect carbone » et donne rendez-vous à la fin de ce nouveau programme pour mesurer les résultats des leviers mis en avant pour stocker le carbone : préservation des prairies permanentes, plantation de haies, diversification des assolements, couverture des sols… par le biais du nouvel écorégime, de la conditionnalité et de certaines aides ciblées.

Un point sur lequel tout le monde s’accorde est que la gestion administrative n’a pas été simplifiée, bien au contraire : « Peu d’agriculteurs parviennent à remplir leur déclaration PAC tous seuls ! » note Gilbert Guignand. Toutefois, l’administration a introduit le droit à l’erreur et même si « un contrôle fait toujours peur », les agriculteurs doivent intégrer - « sans s’affoler outre mesure » - les nouvelles demandes de clarification issues des contrôles satellite en continu.

PAC 2023 : un éleveur et un céréalier témoignent

 

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