Le guide de la PAC 2023-2027

Partie 6/6

Une PAC volontariste dans un marché bio qui se cherche encore

En 2023, l’aide au maintien à l’agriculture biologique disparaît, celle à la conversion est renforcée. Une orientation de la Politique Agricole Commune (PAC) pour le bio qui se veut ambitieuse mais qui expose un peu plus les producteurs et productrices aux évolutions des marchés.

Avec la nouvelle PAC 2023, le budget français de l’aide à la (CAB) passe de 262 à plus de 340 millions d’euros/an jusqu’en 2027. Cette aide est accessible à tous les exploitant(e)s dont les surfaces sont en première ou en deuxième année de conversion. Pour accompagner davantage d’exploitations, le montant de l’aide CAB aux céréales, oléoprotéagineux et légumineuses fourragères (incluant les mélanges composés d’au moins 50% de légumineuses à l’implantation) a été revu à la hausse par rapport à la programmation précédente : + 50 euros pour atteindre 350 euros/ha. Les autres aides à la conversion sont inchangées (voir tableau). Cela suffira-t-il à entraîner en 2023 une nouvelle vague d’agriculteurs et d’agricultrices vers les productions bio ? Christine Valentin, éleveuse d’ovins et de bovins laitiers bio et présidente de la Chambre d’agriculture de Lozère, en doute : « L’aide à la conversion bénéficie d’une enveloppe importante mais elle aura du mal à être mobilisée entièrement en 2023 du fait de la conjoncture économique et de la baisse de la demande en produits bio ».

Montants unitaires d'aide à la conversion en agriculture biologique : 

Nature du couvert ou de la culture

Montants d'aide (€/ha/an)

Landes, estives et parcours associés à un atelier d'élevage

44

Prairies (temporaires ou permanentes) associées à un atelier d'élevage

130

Cultures annuelles :

- Légumineuses fourragères et mélanges composés d'au moins 50 % de légumineuses à l'implantation

- Surfaces en jachère (un seul paiement au cours des 5 ans d'engagement)

- Semences de céréales, protéagineux et semences fourragères (si contrat de production avec une entreprise semencière ou convention d'expérimentation)

350

Surfaces viticoles

350

Plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) : lavande et lavandin

350

Cultures légumières de plein champ et betterave sucrière

450

Surfaces en maraîchage et en arboriculture, autres PPAM, semences potagères et semences de betteraves industrielles

900

Des mesures nationales pluriannuelles…

Ce soutien à la conversion vise à compenser les surcoûts et les manques à gagner, alors que les produits ne peuvent pas encore être commercialisés en agriculture biologique. « Tel que la PAC le prévoit, c’est une aide à la prise de risque, ensuite le marché prend le relais », explique Christine Valentin. « Or on n’en est pas là. Il va falloir trouver des aides conjoncturelles pour éviter les déconversions et ne pas perdre les enveloppes PAC pour le bio les années suivantes », poursuit-elle. C’est aussi le constat de Gilbert Guignand, président de la Chambre d’agriculture Auvergne Rhône-Alpes : « 30% du lait bio ne trouve plus preneur. Celles et ceux qui avaient un projet en bio le repoussent. L’enveloppe pour la conversion ne sera vraisemblablement pas utilisée en 2023. Le programme de la PAC est pluriannuel mais les marchés évoluent plus vite ! ». Stéphane Le Biavant du pôle « innovation conseil et service » chez Cogedis relève aussi cette évolution un peu plus orientée vers les marchés : « Les aides à l’agriculture bio avaient été transférées aux Régions, certaines d’entre elles avaient déjà arrêté l’aide au maintien, d’autres la financent encore mais pour un an seulement. Une baisse du montant des aides est donc bien à prévoir pour les exploitations en bio ».

Avec la nouvelle programmation 2023-2027, l’État devient l’autorité de gestion des mesures liées aux surfaces du 2e pilier (CAB, MAEC, ICHN). Les régions prennent en charge la gestion des mesures non surfaciques de ce 2e pilier (MAEC, investissements, installation). Un montant maximum d'aide bio par exploitation peut être fixé au niveau régional pour chaque campagne d'engagement.

Le Plan Stratégique National (PSN) a fixé un objectif : doubler la surface agricole utile française en agriculture biologique d’ici fin 2027 pour atteindre 18 % des terres agricoles (4,8 millions ha).

… et des disparités régionales

Ces changements ne sont pas passés inaperçus aux yeux de Sophie Tabary, agricultrice bio dans l’Aisne (maraichage, polyculture, élevage laitier) et présidente de Bio Haut de France : « Au moment de la préparation du Plan Stratégique National pour la PAC, les acteurs de l’agriculture biologique ont été peu consultés. Supprimer l'aide au maintien, c'est ne pas reconnaitre que stabiliser la conversion d'une ferme demande plusieurs années ! Ainsi, nous avons travaillé avec la Région Haut de France pour essayer de compenser, alors qu’elle avait déjà affecté tous ses crédits FEADER, en utilisant le levier restant des Mesures Agro-Environnementales et Climatiques. Nous avons insisté pour privilégier celles qui étaient accessibles aux bio et pour que l'information soit relayée dans les territoires. Nous pensons que nous pouvons encore agir sur la levée des plafonnements et sur le gel des pénalités si certains producteurs préfèrent se désengager des aides au maintien qu'ils leur restent pour accéder aux MAEC système. Dans les prochaines années, nous espérons revaloriser l'écorégime bio à 145 €/ha et faire reconnaître le principe de Paiements pour Services Environnementaux ». Sophie Tabary compte sur une moindre dépendance de l’agriculture biologique aux prix des intrants et à l’énergie pour conserver plus de résilience.

Par ailleurs, si l’aide à la conversion est demandée pour la totalité des surfaces de l’exploitation, l'écorégime n’est pas accessible par la voie de la certification AB, mais il reste possible d’en bénéficier par les autres voies (pratiques agroécologiques, certification CE2+ ou HVE et infrastructures agroécologiques). Christine Valentin salue cette reconnaissance spécifique de l’AB dans l’écorégime. « Les évolutions de l’agriculture biologique donnent des tendances sur les changements à venir pour les autres modes de production, estime-t-elle. Tous les exploitant(e)s doivent s’approprier ce sujet d’une production durable et réfléchir à ses équilibres, en particulier en reliant agronomie et élevage ».

 

Retour au sommaire