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L’agroéquipement réclame du temps et des moyens pour s’affranchir du glyphosate en vigne
Les industriels ne sont pas à aptes à répondre à une conversion rapide. L’appropriation par les viticulteurs du désherbage non chimique sur le rang est tout aussi problématique. Sans compter les surcoûts.
On savait que basculer 800 000 ha de vigne et 50 000 exploitants dans le zéro glyphosate ne serait pas une sinécure. Et pour cause, selon l'l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), 80 % des superficies viticoles reçoivent au moins un traitement herbicide chimique et 75% d'entre elles reçoivent du glyphosate, à une dose comprise entre 400 g/ha et 1000 g/ha. Quand bien même, si dans un accès de folie agroécologique, les viticulteurs se ruaient chez leur concessionnaire préféré, ce dernier serait bien en peine de satisfaire. « Même en multipliant la production par deux ou par trois, il faudrait selon nos calculs au moins cinq ans à partir de la date de suppression éventuelle du glyphosate pour équiper l'ensemble des exploitations viticoles et arboricoles française », explique Frédéric Martin, président d'Axema, l'association française des acteurs industriels de la filière des agroéquipements et de l'agroenvironnement.
10% du marché couvert
Axema se fonde sur une enquête réalisée au printemps dernier auprès des 69 entreprises de production et d'importation identifiées comme fournisseurs de solutions alternatives au désherbage chimique sur le rang, à la demande du ministère de l'Agriculture et de l'Anses. La production actuelle est estimée à 3.600 unités par an pour l'ensemble du marché pour un taux d'équipement en matériel de désherbage sous le rang de 10%. Impossible de satisfaire les autres 90% d'ici à 2021, au cas où le glyphosate serait effectivement retiré des rayons et des rangs de vigne. De là à espérer un scénario "pas de disponibilité, pas d'utilité" de type masque anti-Covid... Ou à ranger les défauts d'approvisionnement dans les situations dites d'impasse... Les industriels s'estiment capables d'accroitre leurs capacités de production de 50 % dans les douze mois à venir et de la tripler dans les deux ans. Mais cinq ans sont requis pour parvenir à une conversion théorique totale.
Manque de fonds propres et de personnel
Selon Axema, deux freins principaux empêchent les entreprises, principalement des TPE/PME, de changer d'échelle de production plus rapidement que les cinq ans estimés : le manque de fonds propres qui ne permet pas de financer à court terme une augmentation significative des capacités de production et les difficultés de recrutement de personnel pour la production et la vente. Elles sont, comme toutes les entreprises industrielles, confrontées à une pénurie de compétences, notamment au niveau des ouvriers qualifiés et des métiers techniques. Sur ce plan, Axema suggère aux pouvoirs publics de créer d'un statut d'embauche aidée « emploi agro-éco responsable » pour toute augmentation nette d'effectif sur les périmètres recherche et développement, production, formation et mise en marché. Concernant les capacités de production, Axema esquisse trois scénarios possibles : développer des partenariats industriels via une sous-traitance en France ou à l'étranger, s'adosser à un groupe industriel plus puissant, disposant des outils de production ou des moyens financiers pour réaliser leur ambition de transition, regrouper des acteurs du marché par fusions-acquisitions.
Montée en compétences...
En parallèle, viticulteurs (et arboriculteurs) besoin de temps pour adapter leurs pratiques culturales et leur modèle économique. En effet, l'étude d'Axema souligne que les utilisateurs finaux ont besoin d'être formés aux nouvelles techniques et équipements de désherbage, d'être conseillés dans leur choix d'équipements et rassurés sur la qualité et l'efficience des outils, via des dispositifs tels que des guides, des labels, etc. Axema suggère de créer un label d'efficacité « performance technique » pour tous les équipements alternatifs au glyphosate. Un tel label d'efficacité devait s'accompagner d'un volet obligatoire de formation, l'équipement en matériel seul ne garantissant pas son bon usage. Dans ce domaine, on peut saluer l'initiative des Cuma d'Occitanie qui, en collaboration avec les Chambres d'agriculture et l'IFV, ont passé au crible 44 outils interceps, avec, outre le descriptif complet, l'avis d'un technicien et le témoignage d'un utilisateur.
... et en coûts de revient
Et puis il y a bien entendu la question du coût de revient, à l'achat et à l'usage, des solutions alternatives au glyphosate. L'INRAE a calculé, pour chaque bassin de production viticole, l'écart de coût de revient entre la pratique d'entretien du sol la plus représentative et la technique sans herbicide la plus répandue. Résultats ? Le surcoût varie entre 12 €/ha (Sud-Ouest) et 553 €/ha (Alsace) selon les bassins viticoles. Les écarts s'expliquent par les densités de plantation d'une part et par les niveaux de surface d'exploitation, les alternatives au glyphosate mobilisant des moyens mécaniques (tracteur, outil), induisant une forte variabilité selon les surfaces en jeu. Quant à l'incidence du zéro glyphosate sur les résultats d'exploitation, elle varie entre 0,3% (Sud-Ouest) et 4,4% (Alsace) du produit brut, entre 0,9% (Sud-Ouest) et 11,5% (Alsace) de l'Excédent brut d'exploitation (EBE) et entre 1,6% (Sud-Ouest) et 18% (Alsace) du revenu courant avant impôts.